Une date facile à retenir qui consacre un événement majeur : la révision de la constitution du 11 décembre 1990 en ce 1er novembre 2019, jour de la Toussaint. Un acte historique au Bénin où elle rencontre toujours des oppositions, coup-bas et faux bonds parfois malhonnêtes. Voici les avancées que comporte désormais la Loi fondamentale modifiée sans toutefois induire ni une nouvelle constitution ni une nouvelle République.
Par Sêmèvo Bonaventure AGBON
A 40 jours de son vingt-neuvième anniversaire la Constitution béninoise succombe elle aussi, enfin, aux assauts révisionnistes. Comparativement à l’actualité ailleurs en Afrique, cet acte historique a la particularité de n’être pas opportuniste. Pour deux raisons que les piliers fondamentaux de la démocratie béninoise sont préservés et de nouvelles réalités sont introduites pour inscrire le pays dans la modernité.
Les 83 députés –représentés ou non- de la huitième Législature ont en effet, adopté à l’unanimité au petit matin de ce jour férié de la Toussaint, à l’issue d’un vote public à la tribune, la loi n°2019-40 portant révision de la loi n°90-032 du 11 décembre 1990 portant constitution de la République du Bénin qui introduit de nouvelles dispositions. Les modifications apportées touchent aux articles 5, 15, 26, 41, 42, 43,44, 45, 48, 49, 50, 52, 53, 54, 54-1, 62, 6261, 62-2, 62-3, 62-4, 80, 81, 82, 92, 99, 112, 117, 119, 131, 132, 134-1, 134-2, 134-3, 134-4, 134-5, 134-6, 134-7, 143, 145, 151-1, 153-1, 153-2, 153-3, 157-1, 157-2 et 157-3.
La Loi fondamentale ainsi retouchée constitutionnalise des améliorations majeures. La limitation du nombre de mandats des députés ; c’est-à-dire qu’un député ne peut plus faire que trois mandats de cinq ans, avec une possibilité offerte à un député promu à une autre fonction publique par exemple de reprendre son siège chez son suppléant au cours du mandat.
La limitation du mandat présidentiel est plus que corsée ; en ce sens que «nul ne peut faire plus de deux mandats de sa vie ». Elle constitutionnalise la création de la Cour des comptes et la création des cours régionales pour le contrôle des comptes des collectivités locales. La peine de mort est supprimée dans la constitution modifiée et la reconnaissance des chefferies traditionnelles par l’Etat est acquise.
La discrimination positive en faveur des femmes est actée ; et dans chaque circonscription électorale un siège au moins revient d’office aux femmes, soit 24. Ce qui fait passer de 83 à 109 le nombre de députés. Les élections générales sont instituées à partir de 2026, mettant fin au cycle coûteux des élections. A partir de 2026 donc, les élections législatives, présidentielle et locales seront tenues dans la même année grâce à l’alignement de tous les mandats portés à 5 ans. Pour cela, le mandat des élus locaux, communaux et municipaux qui seront élus lors des prochaines communales de 2020 va courir jusqu’en 2026 ; les députés de la 8ème Législature resteront en place jusqu’à la fin de leur mandat de 4 ans en 2023, la neuvième Législature (2023) fera donc un mandat transitoire de 3 ans dont la fin marquera la première expérience des élections générales au Bénin en 2026.
Il faut mentionner également le parrainage des candidatures lors des élections présidentielles dès 2021, de même que la création d’un poste de vice-président élu en duo avec le président de la République à la majorité absolue des suffrages au scrutin à deux tours qui assurera l’intérim du Chef de l’Exécutif en cas de vacance du pouvoir (maladie, décès). La constitution modifiée permet aussi au président de la république de ratifier désormais des accords de prêts sans obtenir d’abord l’autorisation du Parlement qu’il doit quand même informer sous 90 jours.
Enfin, la loi modificative de la constitution instaure aussi un Conseil national de défense et de sécurité et un Conseil national des renseignements. Le président de la république dirige les deux.
Les députés saluent une nouvelle page
Le Parlement se félicite d’avoir accompli un acte historique dépourvu de tout penchant nocif pour la démocratie. « Nos amis de la Résistance ont des doutes. Leurs doutes sont légitimes, souhaités, car cela est l’expression de la vitalité de notre démocratie. Nous les rassurons qu’aucun acte attentatoires ne sera porté aux fondamentaux de notre démocratie. Le principe de la limitation du mandat présidentiel à deux est consacré. Notre démarche est la poursuite des réformes politiques structurelles pour l’assainissement du paysage politique en lien avec les aspirations de notre peuple. Nous avions voulu des élections générales pour une meilleure rationalisation de nos dépenses publiques. Nous voulons faire une meilleure représentation de la femme dans l’arène politique. Le président de la république doit être rassuré que nous sommes dans la droite ligne de son exigence, celui de ne jamais promulguer une loi qui remettrait en cause la question de la limitation des mandats. Nous sommes fiers d’avoir un président de la république qui reste viscéralement attaché à ce principe alors même que l’actualité politique africaine est jalonnée de contre-exemple », a indiqué l’Honorable Gildas Agonkan.
De son côté, le président du Parlement salue une nouvelle page dans la vie politique du pays. « Dans l’intérêt supérieur de la Nation béninoise et prenant sur nous le sens de la responsabilité républicaine, mes collègues et moi avons donc bien voulu écrire enfin cette nouvelle page de l’histoire de notre pays qui voit alors de très beaux jours devant lui », a déclaré Louis Vlavonou.
Dans ce processus de révision constitutionnelle, les prochaines étapes sont celle du contrôle de constitutionnalité par la Haute cour présidée par Joseph Djogbenou et la promulgation de la constitution modifiée par le président de la république.
Les 10, 11 et 12 octobre dernier, à l’initiative du président Talon, les formations politiques légales s’étaient retrouvées au Palais des congrès de Cotonou pour un dialogue sincère et franc en vue de la décrispation de la tension politique. Les recommandations faites à cette occasion ont été travaillées par un comité de neuf experts qui a rendu son Rapport au président le vendredi 25 octobre. Parmi les recommandations techniques que ce comité a formulées, figuraient des mesures qui exigent la révision de la constitution. Le Parlement l’a donc réalisée. Et c’est historique !