Un accord signé, samedi 21 décembre entre Bruno Le Maire, ministre français de l’économie et son homologue béninois, Romuald Wadagni, président du conseil des ministres de l’économie et des finances de l’Uemoa, met fin au Franc Cfa. Ce changement est intervenu à Abidjan où le président français Macron est en visite chez son homologue Alassane Ouattara, président en exercice de la conférence des Chefs d’Etat de l’Uemoa. Voici les principaux changements induit par cet accord et les pas suivants à poser.
Par S. B. AGBON
Créé en 1945, le Fcfa est de plus en plus objet de toutes les critiques. Pour les panafricanistes contempteurs de cette monnaie, elle est l’arme fatale de la France pour maintenir dans le sous-développement, ses anciennes colonies. En tête de ses mouvements anti-Françafrique, le Togolais Kako Nubukpo et le Béninois Kèmi Séba et bien d’autres qui ont fait les frais de leur activisme. Fatiguée donc d’être traitée de néocoloniale, la France d’Emmanuel Macron, à travers cette réforme veut rompre les amarres et développer avec l’Afrique une nouvelle relation ”passionnée et décomplexée”.
L’accord signé à Abidjan par Wadagni et Le Maire en présence des deux Chefs d’État porte sur trois changements majeures : le changement du nom de la monnaie de l’Uemoa, qui deviendra l’« Eco »; la fin de la centralisation des réserves de change de la Bceao au Trésor français; et le retrait de la France des instances de gouvernance dans lesquelles elle était présente. Ainsi la France conserve un rôle de garant financier.
Avant, les accords de coopération monétaire entre l’Uemoa et la France exigeaient des pays concernés de déposer jusqu’à 50% de leurs réserves de change sur un compte d’opérations, ouvert dans les écritures du Trésor français, d’autre part la présence de la France dans un certain nombre d’instances de gouvernance. Ces deux aspects vont donc disparaître. La centralisation en France d’une partie des réserves de change sera supprimée dans le cadre de la réforme, c’est-à-dire que la Bceao n’aura à l’avenir plus d’obligation particulière concernant le placement de ses réserves de change. Elle sera libre de placer ses avoirs dans les actifs de son choix, en fonction des rémunérations proposées par les différents actifs. Enfin, la France ne nommera plus aucun représentant dans les instances de l’Union où elle était présente: le Conseil d’administration et le Comité de politique monétaire de la Bceao, ainsi que la Commission bancaire de l’Umoa. Pour mémoire, la France ne participait pas aux principales instances décisionnelles que sont le conseil des ministres de l’Uemoa et la conférence des Chefs d’État.
Ce que l’accord ne modifie ni ne remet en cause par contre, sont la parité fixe avec l’euro et la garantie de la France. Les défenseurs du Cfa estiment que ce sont là des éléments clefs de la stabilité macroéconomique et monétaire de la zone Uemoa. Ces changements marquent l’aboutissement de la volonté politique de l’ensemble des États de l’Uemoa et traduit la confiance supplémentaire de chaque partenaire l’un envers l’autre. Elle est aussi une étape préalable pour s’inscrire dans la feuille de route du projet de monnaie unique de la Cedeao. Elle s’inscrit dans la dynamique d’émergence déjà bien établie depuis plusieurs années au sein de l’Union.
La réforme qui vient d’être actée a un effet immédiat après la signature de deux documents : un nouvel accord de coopération monétaire, qui remplace l’accord actuel qui avait été signé en 1973, et une nouvelle convention de garantie. Cette garantie apportée par la France fonctionnera sur le même principe qu’actuellement : si la Bceao fait face à un manque de disponibilités pour couvrir ses engagements en devises, elle pourra se procurer les euros nécessaires auprès de la France.
Certaines voix importantes, dont Mamadou Koulibaly, opposant Ivoirien, reprochent que cette réforme ne prenne pas en compte le Franc de l’Afrique centrale. Mais des changements pourraient intervenir chez eux aussi, puisque le sommet des chefs d’État et de gouvernement de la Cemac qui s’est tenu les 21 et 22 novembre 2019 à Yaoundé a permis de jeter les bases d’échanges futurs pour des évolutions. Les six pays concernés manifestent déjà, eux-aussi, la volonté de revoir leur coopération monétaire avec l’ancienne puissance coloniale.
Rappelons qu’un projet de création d’une monnaie unique de la Cedeao était sur le tapis et vise à accroître l’intégration régionale des pays d’Afrique de l’Ouest. 2020 est l’année annoncée pour sa mise en œuvre. Mais les critères de convergences à atteindre par chaque État semble éloigner l’espoir de voir ce projet se concrétiser.
Le vœu du président Talon est donc accompli. Le 8 novembre dernier, dans un entretien accordé à France 24 et RFI, il avait annoncé qu’un accord interviendrait sous peu et que les États africains concernés seraient libres de la gestion de leurs réserves de change. Le Bénin a donc joué un rôle précurseur à travers son président. On se rappelle qu’il avait été voué aux gémonies après sa déclaration de novembre dernier. Pourtant un mois après, l’accord qu’il a annoncé vient d’être signé. C’est à son actif et aussi le dynamisme du jeune ministre des finances du Bénin, Wadagni a pesé dans l’aboutissement.