Les rideaux sont tombés sur la première édition du “Grand prix littéraire du Bénin” (ex “Prix du président de la République”). Les gagnants dans différents catégories ont été rendus publics, vendredi 27 décembre dernier par le jury présidé par le journaliste, professeur de Lettres, Fernand Nouwligbèto et composé de Florent Couao-Zotti (membre) et Béatrice Lalinon Gbado (membre). La grande surprise, c’est que pas de gagnants dans les catégories poésie et roman. Et pour cause…
L’histoire retiendra que pour le compte de la toute première édition du Grand Prix Littéraire du Bénin, Anna Baï Dangnivo (”Sitou et la rivière de la nudité”), Roger Glèlè (”Le Traquenard amoureux”) et Giovanni Houansou (”La rue bleue”) sont lauréats respectivement dans les catégories Conte, Nouvelle et Théâtre.
Parlant de l’étude des œuvres présélectionnées, le président du jury, Nouwligbèto a confié aux rédacteurs de Radio Béninlivres que :
«Nous avons travaillé sur la base d’une grille de notation. Cette grille, nous l’avons élaborée en 2015 pour le Prix Président de la République pour les Lettres. Cette fois-ci, elle a été reprise et adaptée au contexte puisqu’il n’a pas eu que des œuvres prosaïques, il y a eu cette fois-ci de la poésie, du théâtre. Il y a eu trois catégories de critères, élaborées et retenues. La première catégorie, ce sont les critères relatifs au fond de l’œuvre. Et quand, nous, parlons de fond de l’œuvre, c’est d’abord le sujet dont traite l’œuvre, ce sont les thèmes abordés. Après, nous avons les questions de l’originalité et de la portée de l’œuvre. Dans la 2ème catégorie, nous avons les critères relatifs à la forme. Cela touche aux questions d’écriture, de style, de conformité avec les règles grammaticales, orthographiques. Elle touche également aux questions de personnages, les relations tissées par l’Écrivain avec ses personnages. La 3ème catégorie est relative à la fabrication du livre. Les critères éditoriaux. Est-ce que les papiers du livre sont de bonne qualité ? Est-ce que le livre est bien relié ? Est-ce que le format du livre est présentable ? Je voudrais vous préciser que les trois catégories n’ont pas été notées de la même façon. La dernière est la moins notée car elle touche les questions matérielles. Ce qui a été priorisé, c’est le fond et surtout la forme. Ces deux catégories varient selon le genre littéraire. Par exemple, parlant de la poésie, il n’y a pas d’intrigue».
Pour que se démarque l’œuvre gagnante, « chaque membre du jury a lu son corpus d’œuvre dans son coin. Pendant la délibération, et pour chaque genre littéraire, chaque membre du jury a donné la moyenne attribuée à l’œuvre arrivée en première position. Un débat général a été ensuite ouvert au cours duquel chacun des membres du jury a commenté et justifié ses choix. La moyenne pour chaque auteur en lice est obtenue par l’addition des trois notes divisées par trois », a détaillé le président du jury.
Dans les catégories poésie et roman, la qualité des œuvres soumises n’a pas convaincu les membres du jury.
« Premièrement l’écriture poétique est encore peu connue et maitrisée. La poésie n’est pas l’art d’aller à la ligne. Elle implique un état d’âme particulier, un travail profond sur la langue qui puise dans le mot, l’image, le rythme, les ressources nécessaires à l’expressivité. C’est ainsi que le poète parvient à communiquer à l’âme du lecteur la beauté des lettres, des sons et des images. Deuxièmement, certaines œuvres se présentent comme des ramassis de bonnes intentions ou des condensés de morales. Certes, la littérature ne rejette pas l’éthique. Mais elle est d’abord esthétique. Elle est d’abord un travail constant sur la langue. Troisièmement, le style de certains auteurs est expressif d’un travail d’écriture précipité, improvisé et rapide ».
C’est ainsi que Fernand Nouwligbèto a justifié cette décision.
- Extrait des observations ”positives” du président du jury, Fernand Nouwligbèto
Il y a des observations que je qualifierai de positives. Les œuvres primées ont été toutes éditées par des maisons d’éditions locales. C’est la preuve que les maisons d’éditions béninoises sont capables de révéler des écrivains béninois de talents. Deuxièmement, la fabrication matérielle des livres éditées connait une amélioration progressive qu’il faut saluer. Les œuvres primées sont de qualité éditoriale appréciable même si nombre d’insuffisances persistent telles que la qualité du papier parfois en deçà de la moyenne, les défauts dans la mise en page, les problèmes d’ancrage, les nombreuses fautes de langue et de style.
Même s’il y a tout cela, les maisons d’éditions font des efforts pour mettre à la disposition des lecteurs, nationaux et internationaux des produits livresques acceptables. Par rapport aux observations moins roses, premièrement l’écriture poétique est encore peu connue et maitrisée. La poésie n’est pas l’art d’aller à la ligne. Elle implique un état d’âme particulier, un travail profond sur la langue qui puise dans le mot, l’image, le rythme, les ressources nécessaires à l’expressivité.
C’est ainsi que le poète parvient à communiquer à l’âme du lecteur la beauté des lettres, des sons et des images. Deuxièmement, certaines œuvres se présentent comme des ramassis de bonnes intentions ou des condensés de morales. Certes, la littérature ne rejette pas l’éthique. Mais elle est d’abord esthétique. Elle est d’abord un travail constant sur la langue. Troisièmement, le style de certains auteurs est expressif d’un travail d’écriture précipité, improvisé et rapide. Écrire est un travail exigeant qui demande un minimum de disponibilité, de patience et de persévérance.
On peut aussi relever que sur les 15 œuvres en lice, presque la moitié, précisément 7 ont été éditées en 2019 parfois à quelques semaines de la date de clôture des dépôts de candidature pour concours. Quatrièmement, le concours selon nous aborde trop de genres littéraires à la fois. Il ne permet pas de focaliser l’attention sur les œuvres promues. Ce qui rend moins visibles les auteurs. Cinquièmement, le concours semble porter sur la littérature pour adulte et la littérature en langue française (…).