Comment une armée de femmes sous-équipées ait pu infliger à la France bardée de chars, de canons, de bombe …des moyens militaires sophistiqués, des défaites restées retentissantes à ce jour ? Cette performance des Agoojié (ou Amazones) à la guerre amène le socio-anthropologue et Boologue Raymond Assogba a trouvé les « Boo-technologies », qu’il a développées dans sa conférence inaugurale, vendredi 20 mars lors de la célébration du 4ème anniversaire du décès du Pr. Apovo, inventeur de la science de la Boologie.
Par Sêmèvo B. A.
Il a d’abord expliqué que le Boo a trois dimensions, et n’est pas ce que l’opinion publique en pense. « Selon la Boologie, o Boo est un signe d’amour, un mouvement d’ensemble de défendre la dignité de l’être humain ; car, seul l’amour de secourir son frère en détresse, a poussé les Béninois à développer la connaissance des plantes et de leurs vertus en association avec les minéraux, les animaux et les émotions humaines : « è bo ari fun » (Apovo) ». Il existe trois sortes de Boo ; d’abord, les Boo ou savoirs de protection appelés Glo, qui sont des technologies associées de plantes, de minéraux et animaux pour protéger son “soi, sa famille et ses amis de toute intention de nuisance ; ensuite, les Boo ou savoirs d’abondance appelés Ylↄ, qui servent à provoquer la fécondité, l’électromagnétisme des fluides cosmiques ; et enfin, les Boo ou savoirs d’attaque ou de retour à l’envoyeur de toute velléité de nuisance gratuite ou causale, appelés Boo ᶑiᶑa, Flijɛ, etc. Vivre selon la manipulation sociale de ces technologies pour préserver l’ordre social, la vie familiale ou Akↄ, et toute autre forme de sociabilité, constitue les existences du Boo ou Boodicée ».
A partir de là, le socio-anthropologue identifie les Boo-technologies suivants :
-Kpe-glo : c’est un boogbe ou gbesisa ou parole efficiente ou efficace qui a pour fonction de contrecarrer les effets déclenchés par l’adversaire qui attaque physiquement et psychiquement ;
-Tu-glo : c’est un boogbe qui renforce les Nu insérés dans le corps (par incision) en vue d’élever les vibrations d’invulnérabilité contre les armes à feu ; un peu comme les gilets pare-balles modernes des militaires européens ;
-Fifo boo : c’est un Boo qui permet de se volatiliser, de disparaître instantanément devant l’ennemi pour esquiver la menace qu’il constitue ; Yahɛzɛ, une des amazones est reconnue pour en avoir un usage efficace (Quenum et Hunsaba, 2018) ;
-hwi glo littéralement protection contre les armes blanches ;
-Zin : être invisible tout en partageant le même espace que l’ennemi, incapable de détecter la présence ;
-Tila : un bracelet en cuir contenant une composition de Nu ou ingrédients ayant pour fonction de protéger le corps de toute agression ;
-Akpa kan (la corde ceint sur soi) : c’est une ceinture fabriquée à partir des Nu ou ingrédients et dont la fonction est de favoriser les conditions existentielles pour son détenteur, de sortir victorieux de toutes les situations, quel qu’en soit la gravité, pour retourner chez soi.
On peut imaginer aisément, qu’au retour des guerres, pour rétablir la conscience de la normalité des amazones impliquées dans des actions aux souvenirs sanglants et traumatisants, ce rite de rétablissement de la paix intérieure : Agↄ un jɛ ; agↄ un jɛ nↄ ku agↄku a. Ce rite leur permet de se purifier et redevenir des humains et vivre sans angoisse ni traumatisme. A ce rite peut être associé le rite de’’ wu sla sla’’, qui veut dire débarrasser le soi de toutes les effluves des combats sanglants. »
La puissance de Béhanzin
Parler des Amazones, c’est rappeler la puissance de Béhanzin, véritable chef suprême des armées. A ce titre, soulignent « Les travaux des historiens (Alladaye, 2003 ; Pliya, 2009…) » et de « Pliya (2009 : p.32) » c’est lui, Béhanzin qui a mis à la disposition des Agoojié « ses puissances occultes », en tant que « grand initié de l’ésotérisme africain », « autorité », et « ascendant de chef guerrier ».
Voici « quelques grands faits de Gbɛhɛnazin, qui a « durant ses longues années d’attente dans l’antichambre du trône royal, a voyagé pour accroître ses connaissances » :
- A Kotokpa, une grenade fut lancée au milieu de l’Etat Major de Gbɛhɛnazin. Elle tomba aux pieds du Roi qui posa fortement un pied dessus et prononça des paroles incantatoires : Nukuku nↄ yi do bo nↄ lun wan aa ! Un corps pourri, une fois enterré, ne dégage plus d’odeur ; La grenade explosa loin sous la terre.
- Une escouade de douze soldats français a été chargée de tendre une embuscade pour capturer GbƐhƐnazin. Dès que le Roi les aperçut, il prononça cette formule magique : Degon nↄ mↄ zo ma bu aa ! Mi bi ni bu ! Mi bu ! Mi bu ! La crevette exposée au feu ne peut rester droite. Courbez-vous donc tous ! Courbez-vous ! A ces mots, les soldats furent instantanément calcinés par un feu incandescent, dans une position courbée.
- Le wagonnet qui transportait GbƐhƐnazin pour aller embarquer vers la Martinique s’arrêta brusquement au milieu du wharf de Kutↄnu, long de 400 mètres. On le poussa, on le tira vainement. Celui qui se croit capable de me forcer à quitter le Danxomɛ, n’a qu’à intervenir, dit le Roi. Finalement, il fit égorger un coq blanc. De son sang, l’on aspergea les rails. Alors, le wagonnet roula jusqu’au bout du wharf ».
Au regard de ces prouesses, le docteur Assogba conclu que « L’existence de ces bâtisseurs de l’empire du Danxomɛ illustre la Boodicee ou existences par le recours aux différents Boo-technologies, dans le but de transformer la nature, de construire l’Etat, de maximiser l’agriculture, de bâtir une base industrielle comme les activités de forge, de textile, de santé, etc. Les Boo-technologies ont été acquises hors d’Abomey, à Cↄvɛ, à Za, à Savalu, etc. Après chaque victoire, les rois du Danxomɛ importaient dans la capitale de l’empire, tous les vodun et Boo-technologies des vaincus, selon Ananou (2012) ».