A Agonvè Azili, une île de la commune de Zagnanado située à 180km de Cotonou, la barque offerte par la Chine est au garage, livrée aux intempéries qui l’ont sérieusement endommagée. Les autorités se débrouillent pour justifier ce mauvais sort qui émeut tout visiteur.
Par Sêmèvo Bonaventure AGBON
Don d’un génie (Lépreux) séduit par la générosité dont il a bénéficié auprès du roi de la localité vers l’an 1830, le lac Azili ceinture le village d’Agonvè, faisant de lui une île. D’une superficie d’environ 200ha il n’est donc fréquentable que par pirogues, seuls moyens pour accéder à la terre émergée habitée par quelques 3000 populations. Ici, l’activité principale qui nourrit le village et emploie jusqu’à 1000 hommes, est la pêche. Pour les acteurs de ce secteur, ces moyens de transport fluvial sont incontournables aussi bien pour tendre les filets que pour évacuer les poissons attrapés.
Au regard de la place centrale des pirogues dans la vie du village d’Agonvè, la Chine lui a fait don, le 17 septembre 2017, d’un moyen de déplacement fluvial moderne. Il s’agit d’une barque motorisée à volant, d’environ 5m de longueur sur 2, couleur ocre brun, entièrement coiffée avec des entrées et fenêtres en vitre. Mais depuis plus de deux ans, la barque est clouée au sol, loin des eaux du lac. L’intérieur est rempli d’eau noirâtre. De l’extérieur, l’éclat de la peinture est terni par les intempéries.
Tel est le constat fait de visu, jeudi 12 mars par votre journal en visite guidée dans le village. Pendant ce temps, la plupart des pirogues archaïques (en plastique ou fabriquée à base de madriers ou de troncs d’arbres) sont vétustes, certaines n’offrent plus de sécurité à leurs passagers dans les eaux profondes du lac.
Les raisons pour justifier l’abandon de cet important ouvrage divergent. Déjà en août 2018, le Chef du village absent à notre passage, expliquait à l’Agence Bénin presse (Abp) que la barque chinoise se décompose au sol faute d’une compétence locale pour la manœuvrer. Ce qui n’est pas vrai, objecte Toussaint Adjidokpa, guide touristique, natif du milieu et Responsable départemental Zou/Collines de l’Unaplicab (Union nationale des pêcheurs continentaux et assimilés du Bénin). Il nous a témoigné en présence de l’environnementaliste enseignant-chercheur, docteur Flavien Dovonou, qu’il sait bien manœuvrer l’engin. Qu’au début, il le conduisait en plus d’une pirogue motorisée. Mais contre toute attente, le bruit a couru « qu’il va accaparer les deux engins à sa guise ». Ainsi les querelles intestines auraient fini par jouer en faveur de l’immobilisation de la barque. « J’ai même exhorté que le moteur soit démonté et gardé sain et sauf dans une chambre. Je n’ai pas été écouté », a-t-il déclaré au docteur Dovonou qui a constaté que le cœur de la barque se rouillait déjà à partir des vis.
Revenu à Cotonou, nous avons contacté un cadre de la mairie de Zagnanado au sujet de ce que le Conseil pense de la situation. « Je n’ai pas souvenance que la Chine a offert une barque à Agonvè », nous a répondu ce dernier. « Je n’ai pas connaissance », insiste-t-il, avant de fustiger que « Beaucoup de choses se font sans la mairie. Il faut corriger ça ». Et de promettre nous revenir pour d’amples informations.
En attendant, l’histoire retiendra que Agonvè, où l’écotourisme est prometteur a connu une véritable perte. Ce qui rappelle également la mauvaise gestion des biens publics au Bénin.