Home Actualité Justice : Les griefs du Bénin contre la Cadhp

Justice : Les griefs du Bénin contre la Cadhp

Par Sêmèvo Bonaventure AGBON
0 Commentaire

Le Bénin a retiré sa déclaration du protocole additionnel de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (Cadhp). Cela fait suite à la « réitération et la récurrence de ses dérapages qu’il n’est pas possible de sanctionner et que la Cour elle-même ne donne pas l’air de vouloir corriger en dépit des remous qu’ils provoquent en son propre sein », a justifié le ministre de la justice Sévérin Quenum lors d’un point de presse.

Par Raymond FALADE

L’annonce du retrait du Bénin « de sa déclaration facultative d’acceptation de compétence de la Juridiction de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples en matière de requêtes individuelles et des Organisations non gouvernementales a donné lieu, depuis quelques jours, à une vive polémique alimentée par des déclarations politiciennes aussi tendancieuses que partisanes malheureusement relayées par la presse nationale et internationale ». C’est donc dans une démarche de rectification, que le ministre a effectué cette sortie en sa qualité de garde des sceaux, pour éclairer l’opinion sur les fondements de cette décision. Il espère ainsi que « cesse ce qui n’est ni plus ni moins qu’une cabale destinée à fausser le jugement de nos concitoyens et saper leur confiance dans les choix responsables opérés par le gouvernement de notre pays ».

Depuis plusieurs années déjà, certaines décisions rendues par la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples ont suscité de très vives préoccupations en raison « de graves incongruités au point de conduire la Tanzanie, pays hôte, et le Rwanda, à se désengager en matière de recours individuels et des Ong » a regretté Sévérin Quenum. Pire, la juridiction « ne donne pas l’air de vouloir corriger en dépit des remous qu’ils provoquent en son propre sein qui ont amené notre pays à initier dans le courant du mois de mars dernier son désengagement de la compétence individuelle, objet d’une double notification dès le 16 mars 2020 au Président en exercice de l’Union africaine (Ua) et au président de la commission de l’Union en tant que dépositaire des instruments juridiques ».

Pour ce qui concerne donc la décision, il explique que la Cadhp a franchi le rubicond dans le cadre d’un contentieux opposant au Bénin, la Société générale Bénin (Sgb) Sa, à la Société d’hôtellerie, de restauration et de loisirs (Shrl) dont les promoteurs sont des ressortissants d’origine libanaise au sujet du remboursement d’un important crédit avoisinant quinze milliards (15.000.000.000) de nos francs. Après plusieurs reports d’échéances infructueux, la Banque créancière n’a eu d’autre choix que d’engager le recouvrement forcé de sa créance en procédant à la saisie de l’immeuble donné en hypothèque par la société débitrice conformément aux dispositions de l’Ohada seules applicables en la matière. La procédure a été initiée devant le Tribunal de commerce de Cotonou et a abouti à l’adjudication de l’immeuble saisi au profit de la Sgb Sa en l’absence d’enchérisseurs, suivant un jugement contradictoire en date du 30 janvier 2020. C’est ainsi que la Shrl Sa a relevé appel de cette décision et formé pourvoi en cassation plus tard contre la décision d’adjudication devant la Cour commune de justice et d’arbitrage de l’Ohada basée à Abidjan. Et d’ajouter que dans le même temps et sans attendre la décision de la Cour commune de justice et d’arbitrage de l’Ohada, cette société a parallèlement saisi la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples le 14 février 2020 d’un recours en présentant dans la même procédure une demande de mesures provisoires tendant au sursis à l’exécution du jugement d’adjudication. En effet, la Cour africaine, omettant d’en aviser la Société générale Bénin, a notifié le recours le 18 février 2020 à l’Etat béninois qui n’était pas partie à la procédure, en lui impartissant un délai de huit (08) jours pour répondre à la demande de sursis à exécution. Le 28 février 2020, soit exactement quatorze (14) jours après sa saisine, elle rendait une ordonnance de mesures provisoires suspendant l’exécution de la décision d’adjudication de l’immeuble. Une décision qui a provoqué « un désarroi dans les milieux d’affaires et celui des banques prêteuses en particulier dont le représentant n’a pas manqué d’exprimer au gouvernement son vif émoi face à cette intrusion aussi incongrue, inopportune, qu’impertinente dans le domaine des relations commerciales entre particuliers » a dénoncé le garde des sceaux. A l’en croire, « la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples était radicalement incompétente et n’avait même pas pouvoir d’ordonner des mesures provisoires ». La Cour africaine, non contente de s’aventurer sur un domaine qui n’est pas le sien, « a fondé en l’espèce sa décision de sursis sur une méprise grossière du régime du titre foncier en République du Bénin ». Ce qui fait dire au ministre que « les égarements de la Cour africaine sont devenus source d’une véritable insécurité juridique et judiciaire à laquelle il est de la responsabilité des gouvernants de porter remède ». Voilà qui justifie donc la décision de retrait du Bénin de son protocole additionnel.

Toutefois, le Bénin demeure partie au protocole portant création de la Cadhp et à ce titre, il reste justiciable de cette juridiction dans les conditions fixées par les dispositions de l’article 5 dudit protocole, a-t-il nuancé. C’est l’une des raisons pour laquelle, le président Patrice Talon « a prévu d’exposer à ses pairs lors de la prochaine conférence des Chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union africaine, un projet de réforme des Institutions juridictionnelles de l’Union africaine à travers la mise en place rapide d’une Cour africaine de justice et des droits de l’Homme tel que voulue par la 3ème session ordinaire de l’Assemblée des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union africaine (Ua) tenue en juillet 2004, a annoncé Sévérin Quenum.

Lire aussi

Laisser un commentaire

A propos de nous

Bénin Intelligent, média au service d’une Afrique unie et rayonnante. Nous mettons la lumière sur les succès, défis et opportunités du continent.

À la une

Les plus lus

Newsletter

Abonnez-vous à notre newsletter pour être notifié de nos nouveaux articles. Restons informés!