Le tourisme, en cette période de crise sanitaire mondiale, comment se porte-il ? La réponse notoire, c’est que le tourisme en plein essor a pris un coup dur. Faut-il perdre espoir ? Non, conseille Comlan Pacôme Alomakpé, gestionnaire du patrimoine culturel et promoteur de certains projets culturels et touristiques (Salon International des Tissus d’Afrique, Bazin Night, Patrimoine et Tourisme MAG, Label Villes Patrimoine et paysages culturels du Bénin). Interview.
Journaliste : Le tourisme au Bénin et pendant cette période de Covid-19 que peut-on retenir ?
Comlan Pacôme Alomakpé : On peut retenir deux choses. La dynamique prometteuse du volet Tourisme du Programme d’Actions du Gouvernement (PAG) et ses impacts favorisant l’émulation des activités dans le secteur d’une part et l’effet délétère des conséquences du COVID 19 sur les acteurs. Parlant de la dynamique prometteuse du PAG, je nous invite à vous rappeler la volonté politique de l’actuel président qui, forcé par un degré élevé de conviction, se détermine à faire du tourisme, comme il l’a annoncé dans l’axe 4 du Programme d’Actions du Gouvernement (PAG), une filière de développement économique créatrice de richesses et d’emplois. En conséquence, vous observez avec moi que le Bénin est en chantier sur le plan du tourisme avec comme résultats à court ou moyen terme, l’existence de nouveaux musées, des routes de l’eau, des couvents, des centres de formation le retour de 26 biens culturels faisant objets de collection dans les musées français, de l’organisation des acteurs avec une nouvelle capacité de production et d’archivage des données sur le secteur. La liste est longue et les perspectives énormes… Malheureusement, la contingence de la situation sanitaire mondiale vient comme pour anéantir l’envol du tourisme en cours. Certes, l’offre touristique béninoise porte l’habit de l’attractivité, de la modernité et de la qualité, mais, la crise sanitaire mondiale amenuise l’enthousiasme sans jamais faire étioler l’espoir. Je reste donc dans l’espérance pour le tourisme béninois. Et je vous invite à cette assurance : les fruits tiendront la promesse des fleurs.
La célébration de l’édition 2020 de la Journée International du Tourisme porte sur le thème : Tourisme et développement rural. Quelles idées pouvons-nous retenir de cela selon vous ?
Nous retenons de cette thématique, les preuves que le Bénin a tout à gagner en faisant du tourisme un des outils de son développement. Il faut comprendre aussi par ce thème que le tourisme est un instrument efficace pour tout pays qui aspire au bien-être de ces populations, à la prospérité partagée et au développement durable. Enfin cette idée nous renvoie à concentrer nos efforts sur le tourisme national et à créer une parfaite harmonie entre le tourisme et les secteurs qui ont érigé leur champ d’expression et d’exercice de leur profession dans les zones rurales. Sortons ici des concepts pour nous rendre compte de l’évidence et de la réalité. Le tourisme établit un lien avec le développement rural lorsqu’il offre des opportunités pour faire prospérer les activités rurales. Nous voyons par-là, la capacité pour le tourisme de consommer les produits ruraux sortis sans doute des activités agricoles, de l’écotourisme… Nous réalisons également l’importance du tourisme dans la valorisation voire dans la consommation des richesses fauniques et florales que partagent en priorité et en commun les régions rurales. C’est dire que le tourisme favorise l’éclosion et le rayonnement des richesses rurales dont il assure le retour sur consommation pour ne pas dire le retour sur usage.
Si l’on rapporte ce thème à la réalité du Bénin, pensez-vous que notre pays se retrouve sur la bonne voie pour faire développer le monde rural par le Tourisme ?
Toute l’Afrique se retrouve sur la bonne voie. Je ne parle plus du Bénin qui se retrouve sans doute dans les top dix en la matière. J’en veux pour preuve les résultats obtenus des actions successives en cours depuis quelques années. Je cite l’inscription du parc Pendjari sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO, le processus d’inscription par extension de Koutamankou (Tata Somba) sur la liste du patrimoine mondial, les efforts de renaissance de Ganvié, les nombreuses et perspicaces actions en cours dans le Mono à travers le projet CIRTOUM, l’accompagnement du projet touristique de la commune de Savè qui reçoit l’assistance technique et artistique du sculpteur Charly DJIKOU qui souhaite faire du merveilleux paysage de cette commune un musée à ciel ouvert… Je n’occulte pas toute la disponibilité financière mise en place par le Fonds FADeC tourisme au profit des communes du Bénin. Quand on analyse les zones d’actions et les impacts de ces projets, le monde rural est en position de privilégié. Je vous laisse conclure…
Quel est le rôle du tourisme dans la préservation du patrimoine culturel et naturel du Bénin ?
Sans être secondaire, ce rôle est complémentaire, vital et nécessaire. Le tout-tourisme pour ne pas dire le tourisme sauvage est un trop grand risque à ne pas prendre. Alors un tourisme responsable, soucieux de la préservation de la matière première qu’il exploite et capitalise se révèle comme la voix et le chemin de la sagesse. Si c’est bien organisé, soigneusement encadré et minutieusement surveillé, le tourisme contribue merveilleusement à la protection du patrimoine culturel, car, permettant aux communautés de mobiliser des ressources pour assurer par elles-mêmes la conservation et l’entretien des richesses patrimoniales. Mieux quelle grandeur d’esprit font montre les touristes éduqués à la protection du patrimoine culturel ? Ils en sont les ardents défenseurs, les consommateurs avertis et respectueux de ce qui peut alimenter en continu leur désir, leur plaisir et leur curiosité
« Partout dans le monde, le tourisme donne aux populations rurales les moyens de se prendre en charge, en fournissant des emplois et des débouchés, tout particulièrement pour les femmes et les jeunes. Le tourisme permet aussi aux populations rurales de maintenir leur patrimoine culturel et les traditions qui leur sont propres, et il est vital pour la sauvegarde de l’habitat et des espèces en péril », a déclaré Zurab Pololikashvili, secrétaire général de l’OMT. Que pensez-vous de cette déclaration ?
Une pensée culte. Une sagesse à prendre en compte. Un conseil à mettre en pratique et à en faire un code de bonne conduite.
Partager avec nos lecteurs des idées pour faire du tourisme un outil de développement rural ?
Ces idées font corps déjà dans les projets précédemment cités. A celles-ci, j’ajoute qu’il faut mettre au cœur de toute activité touristique l’Homme des zones rurales. Il faut que les acteurs des communautés rurales soient en centre des préoccupations, des activités et des offres. On ne peut faire le développement national en surfant sur un tourisme qui brime, opprime et marginalise les communautés détentrices rurales. Les choses à corriger en tenant compte des normes en matière de gestion du secteur, ce sont entre autres l’implication des acteurs ruraux dans tout processus de mise en tourisme d’un patrimoine touristique.
Votre mot de fin ?
Je vous remercie pour cette occasion que vous m’offrez pour parler du tourisme et de son impact sur le développement rural. Unissons nos forces sans discrimination, ni exclusion pour faire du tourisme béninois, un outil de développement des localités rurales.
Interview accordée à Express Matin