Démission d’un juge des libertés à la Criet. C’est la nouveauté à mettre sous la dent en cette période de campagne électorale. Essowé Batamoussi, puisque c’est de lui qu’il s’agit, a jeté l’éponge en guise de protestation contre les pressions auxquels les juges seraient soumis. Accusation vite attaquée par le Garde des sceaux.
Par Sêmèvo Bonaventure AGBON
Les juges sont-ils libres au Bénin ? Pas besoin de cogiter. C’est non, à en croire Essowé Batamoussi, juge des libertés à la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (Criet). Celui qui a désormais fui le pays, s’est défendu sur la chaîne française Rfi. « Le juge que je suis n’est pas indépendant comme cela se devait d’être. Toutes les décisions que nous avons été emmenées à prendre l’ont été sur pression », a-t-il déclaré. La dernière décision rendue sur pression est « Celle qui a vu le placement de dame Reckya Madougou en détention », a-t-il cité. « Dans ce dossier, nous avons été donc sollicités par la chancellerie, car le dossier ne comportait aucun élément qui pouvait nous décider à la mettre en détention. Ce n’était pas la première fois. Il y a eu pas mal de dossiers ou nous avons reçu les instructions de la chancellerie », a enfoncé Essowé Batamoussi joint par Victor Moria.
« Je ne le connais pas »
Au journaliste de lui demander si, au regard de l’actualité, sa « démission n’est-elle pas plutôt une tentative de manipulation à quelques jours de la présidentielle ? ». L’ex juge des libertés compte lever toute équivoque. « Je ne suis pas politicien et moi je ne parle que de ma maison justice. Ce que je dénonce, c’est pour aider un tant soit peu les collègues qui y sont actuellement et qui sont sous pression et amener le peuple à savoir qu’ils n’agissent pas de leur propre gré et qu’ils ont la pression du pouvoir et essayer de nous comprendre. »
Des propos et accusations vite démentis par le ministre de la Justice. Difficile pour Sévérin Quenum d’y voir, en effet, un acte sincère et désintéressé en cette période. « Vous savez le contexte politique actuel du Bénin. Vous savez que Reckya Madougou appartient à ce qu’on appelle l’opposition radicale. Elle a juré partout que les élections n’auraient pas lieu ». Il conclut alors que « La déclaration du juge est une déclaration orientée, suscitée ». Et de rectifier : « Il n’y a pas d’instruction donnée. On n’en avait pas besoin. Les juges sont indépendants et ne sont soumis qu’à l’autorité de la loi ». Pour en donner la preuve, le Garde des sceaux confie même qu’il ne connaissait pas le démissionnaire. « Je ne le connais pas. Je ne l’ai jamais rencontré. »
Reckya Madougou, candidate recalée du parti d’opposition ‘’Les Démocrates’’ actuellement en détention, est accusée de financer le terrorisme en vue d’empêcher la tenue de la présidentielle du 11 avril 2021.