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Reconnaissance de paternité : Les éclairages d’un juriste sur les implications

Par Sêmèvo Bonaventure AGBON
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Les documents de déclaration de naissance au Bénin ainsi que la procédure ont changé avec l’application de la Loi 2015-08 du Code de l’enfant et de la famille en république du Bénin en son article 148 et de la Loi n°2020-34 du 6 janvier 2021.

Par Raymond FALADE

Cet article dispose qu’« aucune mère ne peut attribuer à l’enfant nouveau-né, le nom d’un présumé géniteur que sur présentation d’un certificat de mariage ou d’une déclaration de grossesse établie par l’officier d’état civil ». Contrairement à ce qui se faisait, « aucune sage-femme, aucun médecin, accoucheur ne peut inscrire sur la fiche de naissance, le nom d’un quelconque présumé père si la femme n’apporte pas au moment de l’accouchement, la preuve du mariage ou de la reconnaissance de grossesse ». Cette loi est entrée en vigueur depuis le 1er avril dernier. L’obtention de l’acte de paternité à la mairie est subordonnée à la présentation du Certificat d’identité personnelle (Cip) délivré par l’Agence nationale d’identification des personnes (Anip) à partir du Ravip.

Cette décision est diversement appréciée par la population. Si certains pensent que c’est une bonne chose, d’autres pensent par contre que ce faisant, l’État complique davantage l’obtention des actes d’état civil aux populations. C’est le cas de Prince, qui estime que cette réforme, « c’est pour asphyxier la population car, l’acte de paternité ne sera pas gratuit ». Idrissou abonde dans le même sens et fait remarquer que « nous sommes dans un milieu où le choix du nom de l’enfant ne se fait qu’à la naissance. Outre ce problème, de nombreuses grossesses ne sont découvertes que fortuitement et ceci généralement. Des fois, au-delà de 3 mois. Est-ce qu’en établissant de pareils textes, ils ont pris en considération les paramètres propres à notre pays ? » s’est-il interrogé.

Par contre, Said A. trouve que « ces nouveaux documents sont des pièces très sécurisées qui permettront à chaque enfant d’être déclaré et d’avoir aussitôt un acte de naissance sûr ». Pour lui, « certes ce n’est pas gratuit, d’ailleurs rien n’est gratuit, mais ce document vient régler d’office plusieurs problèmes ». Paul S. salue de son côté les innovations contenues dans cette loi. A l’en croire, l’enfant dont la grossesse a été déclarée « sera directement enregistré au Ravip car ce sera la carte d’identité pour tous ».

Éclairage du juriste

Mais, que comprendre en réalité de cette loi ? Fréjus Attindoglo est juriste et chargé à l’organisation au Centre de formation en mécanisme de protection des droits humains (Cfmpdh). « Il faut comprendre que lorsque vous n’êtes pas légalement marié et que vous êtes femme enceinte, il vous faudra faire reconnaître cette grossesse par son auteur. Sans quoi, cet enfant ne sera pas déclaré avec le nom de ce dernier », explique-t-il. D’ailleurs, la non déclaration de naissance d’un enfant constitue une infraction, signale-t-il. C’est pourquoi, l’article 141 du même code dispose que ‹‹ Tout enfant conçu doit être reconnu par son géniteur dans les trois premiers mois de la conception par les moyens d’une déclaration sur l’honneur faite devant l’autorité administrative la plus proche du lieu de sa résidence, faute de quoi l’enfant, à sa naissance, porte le nom de sa mère ». Pour le juriste, il convient de retenir « qu’un homme qui ne se sent pas responsable d’une grossesse ne sera pas obligé de donner son nom à cet enfant ». Mais « ce dernier ne restera pas sans acte de naissance ou sans nom pour défaut de reconnaissance de son géniteur parce que la loi donne la possibilité à la mère de lui donner son nom ».

Un couteau à double tranchant

Cette disposition a pour objectif selon le juriste, de régler un certain nombre de problématiques d’ordre sociologique. A l’en croire, du fait de la non reconnaissance de la grossesse par son auteur, les femmes pouvaient inventer des noms à mettre à la place du nom du géniteur. Ainsi, ces enfants ont des pères fictifs, qui n’ont jamais existé nulle part. D’autres étaient capables d’avorter juste parce que l’auteur de la grossesse ne la reconnaît pas et dans le même temps, la naissance des enfants n’était pas déclarée pour faute de reconnaissance du géniteur, a-t-il relevé.

Mais la décision n’est pas sans conséquences. « Cette disposition viendra pénaliser des enfants qui n’auront jamais le nom de leur vrai géniteur sur leur acte de naissance », prévient Fréjus Attindoglo. Car, « il y a des cas où la personne est déjà décédée avant qu’on ne découvre que sa fiancée ou sa petite amie est enceinte de lui. Dans ce cas, qui veut faire la reconnaissance ? » interroge-t-il. Et de répondre que le législateur a été donc clair « en parlant de présumé père ou géniteur et non un membre de la famille du présumé père ou géniteur ». Dans ce cas, informe le juriste, « cet enfant aura pour nom celui de sa mère ». Mais « avec cette disposition, nous risquons la perte de plusieurs lignées familiales et des problèmes d’inceste dans quelques années, car des enfants de la même famille peuvent se remarier très facilement. La femme peut volontairement soustraire à l’homme son droit de reconnaissance et donner son nom à l’enfant pour quelque raison », prévient Fréjus Attindoglo.

Cette disposition, croit-il, donne plus d’avantages à la femme violée ou abusée. « Elle ne sera pas obligée d’aller rechercher son bourreau. Les hommes ne sont plus obligés de prendre la responsabilité d’une grossesse. L’article 148 vient sauver les enfants qui naîtront d’une relation adultérine. Ils bénéficieront d’une reconnaissance de paternité avant même leur naissance. De ce fait, ils participeront librement à la succession au même titre que les enfants légitimes », décrypte-il.

Fréjus Attindoglo pour finir, propose que cette disposition qui existe depuis 2015 fasse l’objet d’une campagne de vulgarisation. Mais avant, il pressent que l’article 141 du code « sera d’application difficile dans notre contexte où l’enfant a forcément pour nom de famille celui de son père ».

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Sadiath GANHOUNOUTO avril 29, 2021 - 1:05

On se demande si le Bénin est vraiment prêt pour l’application de cette loi. Il faudra vraiment revisité cette loi et l’adapter à nos réalités africaine, plus précisément béninoise

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