“Lowunvo’’ est une divinité située à Agonvè, un village de l’arrondissement de Lokossa-centre. La forêt sacrée dans laquelle baigne son temple est un rare écosystème où des arbres centenaires et des espèces animales menacées vivent paisiblement. L’histoire de l’érection de ce vodun est alléchante. Ses fonctions attirent des nécessiteux, qui empruntent massivement ses sentiers. Rencontre avec son prêtre Hounnon Marius Hounto Houdé.
Propos recueillis par Sêmèvo Bonaventure AGBON
Bénin Intelligent : Comment a commencé l’histoire de la divinité Lowunvo ?
Hounnon Marius Hounto Houdé : Cette forêt sacrée qui abrite désormais le temple de la divinité Lowunvodo était jadis un champ pour notre arrière-grand père Afanoukpè Agonmamou. Nous avions des divinités à la maison. Avant de devenir vodun, ‘’Lowunvo’’ qui ne s’appelait pas tel, était un « bo » dont il se servait au champ. La termitière près de laquelle il l’avait déposé s’était transformée en une feuille, du ‘’ata’’bet ‘’vi’’. Quel message ce truc voulait-il transmettre ? La consultation a révélé qu’il souhaitait être érigé comme vodun, un vodun Dan. De quoi et quoi aura-t-on besoin ? Pas grande chose. Alors, des gens se réunissent. A l’endroit même où ils ont commencé par creuser, a été retrouvé dans le trou une caisse en bois qu’ils ont exhumée. Surprise ! la caisse, une fois ouverte, était remplie de boissons (Gin ancien). Au milieu des bouteilles, un bol contenant du « ata, akanmu, vi et azôma ». Sans plus rien acheter d’autres, ce sont ces ingrédients qui ont servi à l’érection de ce vodun.
Le vodun Lowunvo a montré beaucoup de signes. On peut venir ici et voir beaucoup de moutons en train de brouter, ou des canards ou des pagnes étalés partout dont on ignore le propriétaire. Personne ne sait aussi quand ils seront ramassés. Tout disparait après. Un jour, raconte notre aïeux, il n’avait rien pour célébrer le nouvel an avec. Mais arrivé sur le site, il voit une bassine remplit de vivres, une chèvre non attachée à côté. Il a attendu longtemps qu’un propriétaire passe récupérer les choses, mais en vain. Il a alors décidé d’emporter la bassine à la maison pour alerter la famille. Il fut alors surpris de voir la chèvre aussi le suivre ; il l’a chassée vainement. La bête l’a suivi jusqu’à la maison. Il les présenta alors à son père. Ce dernier de lui révéler que c’est un don de Lowunvo en guise de cadeau de fête. Il n’a pas voulu sacrifier la chèvre puisque séduit par sa docilité. Il a choisi de l’élever afin qu’elle se reproduise. Mais, cela n’est jamais arrivé. Il a dû finalement l’immoler.
Moi-même qui suis l’actuel dignitaire de Lowunvo, un matin j’étais venu voir un pagne ici que je suis allé présenter à mon père. Il m’a dit que cela m’appartient, que c’est un cadeau du vodun. Ce pagne, je l’ai cousu et porté pendant longtemps.
Citez-nous quelques grands dignitaires de Lowunvo
Montcho Ganyé, Ganyé Tété, Hounto Houdé, Hounsougbé, Boko Dossou, Boko Loko, Bosso Aglo, Bosso Adindô, Kakpo Bassa…Ils sont trop nombreux.
Comment devient-on dignitaire de ce vodun ?
On est choisi par le Fâ. La consultation se déroule publiquement, en présence de toute la famille. J’ai été choisi il y a six ans.
Quels sont les services que Lowunvo rend à ses usagers et à la communauté ? Les fonctions et bienfaits de Lowunvo sont multiples. Il délivre les captifs de sorcellerie, enchaîne les vodun malfaisants. Il y a ici une prison pour hommes et vodun. Mais un esprit non illuminé ne peut voir que de gros arbres. Lowunvo ouvre aussi les portes de prospérité, de fécondité. Il accomplit tous les désirs positifs qu’on lui confie. Les enfants qu’on a eus en venant ici sont inestimables, nombreux sont plus âgés que moi.
Quelles sont les espèces identifiables dans cette forêt ?
Il y a ici diverses espèces : varans, écureuils, agoutis. Du côté des arbres il y a celui communément appelé Hountin (arbre sacré), iroko, Des Blancs et des étudiants nous ont apporté des espèces végétales à planter pour renforcer la forêt.
Craignez-vous qu’un jour cette réserve disparaisse ?
Cette forêt ne disparaîtra pas. Personne ne s’aventure ici pour couper quoi que ce soit. Quiconque animé d’une mauvaise intention ne peut, même les yeux ouverts, retrouver les sentiers qui mènent ici. Il courra et s’enfuira de lui-même. Lowunvo lui-même est gardien de son refuge. L’un des nôtres de passage ici avait vu en journée plein d’agoutis. La nuit, il est alors venu seul à notre insu dans le but de chasser. A peine entré dans la forêt, il voit une forme vêtue de blanc qui lui dit de jeter ce qu’il a dans sa poche. Pensant aux dépenses effectuées pour se voir confectionner ce « bo » de protection contre les serpents, il a hésité avant d’obéir finalement. Cette nuit, il n’a rien pu chasser dans la forêt. Il a été forcé de rebrousser chemin. A la sortie de la forêt, il a vu un gibier qu’il a abattu au dehors. C’est un cadeau que le vodun lui fit ainsi tout en lui signifiant en même temps qu’on ne chasse pas chez lui, dans sa forêt. Lowunvo est un vodun doux mais qu’on ne tente pas.
Le projet Cirtoum a fait des réalisations au profit de ce temple. Lesquelles et qu’elles sont vos impressions ?
Ce projet nous a aménagé la voie d’accès au temple. De plus, une paillotte en matériaux définitifs a été construite portant des dessins illustrant l’histoire de Lowunvo. Moi, je suis très content. Où trouverions-nous nous-mêmes de l’argent pour ériger une paillotte ici ? Je suis très content. Regardez par exemple la voie d’accès. Avant d’accéder à ce temple, c’était toute une croix. Quand les personnes porteuses de handicap arrivaient, nous allions les porter dans le bras ou au dos jusqu’au temple. J’avais dû construire un passage de fortune en bois. Aujourd’hui moto, véhicule et piétons…tous peuvent accéder facilement à la forêt. Nous sommes très reconnaissants envers Gi-Mono et l’Union européenne.