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Armand N. Elisha : De l’intellectuel parisien au dignitaire Vodùn

Par Sêmèvo Bonaventure AGBON
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Malgré les perturbations qu’il a subies de la part des religions occidentales, le Vodùn reste et demeure l’identité de l’Africain béninois. Armand Nestor Élisha à l’état civil‚ Hunnon Ata-Ajigo est l’un de ses grands dignitaires. Intellectuel parisien au départ‚ l’histoire de l’intronisation de ce médecin n’est pas un long fleuve tranquille. Lorsque depuis l’Hexagone vers la fin des années 1970‚ une série d’événements incompréhensibles‚ d’ennuis inexplicables se produisaient pour lui rappeler qu’il est destiné à devenir Hunnon‚ «qu’est-ce que moi, intellectuel de haut niveau,… peux aller faire dans ce milieu d’ignorants, d’abrutis, de régressifs, de diaboliques et de sataniques ?»‚ s’est-il interrogé. Refus catégorique ! Mais‚ impossible d’échapper au destin. Le vieux‚ qui a perdu récemment sa femme chrétienne catholique‚ ne regrette pas son intronisation. De l’expérience de cette aventure qu’il jugeait “régressive et antiscientifique”‚ il note que le Vodun jouit d’une mauvaise réputation et d’une campagne de dénigrement qu’il ne mérite pas. L’ancien parlementaire et professeur de Santé publique et de Nutrition à la retraite fait mémoire de ses débuts‚ la vie dans son couple mixte‚ son engagement politique…Interview-portrait exclusive. 

Propos recueillis par Arnaud TOKPONON et Sêmèvo Bonaventure AGBON

Bénin Intelligent : Vous étiez à Paris en tant que médecin. Beaucoup de choses se sont passées au point de vous contraindre à la consécration comme Hunnon. Parlez-nous en.

 

Hunnon Ata-Adjigo : Ne regrette rien, il faudra toujours continuer à apprendre et à te perfectionner, et ce n’est pas à l’école que tu pourras le faire. L’école donne des diplômes, mais c’est dans la vie qu’on se forme. (Amadou Hampate Ba‚ Amkoullel, l’enfant peul, 1991).

Tout a commencé à Paris vers la fin des années 70. Plus rien ne marchait chez moi et autour de moi. C’était la déprime. Je décidai pour une fois d’assister à Marseille à la réunion du Groupe des militants de l’Atdf dont j’étais le président. Je pris ma voiture, car je voulais tenter l’aventure de partir seul et sur une longue distance, histoire de me secouer, de me requinquer. Je me mis en route très joyeux et fier de conduire sur une aussi longue distance. L’autoroute était plus ou moins paisible, on circulait normalement ; la police routière était omniprésente.

Aux environs de 13 heures, heure locale, je me suis retrouvé seul sur l’autoroute. Plus rien ne circulait sur cette autoroute tant fréquentée. Je me posais des questions face à cette situation d’un calme plat et d’un silence curieux lorsque je vis un arbre avec un feuillage très touffu devant moi en pleine autoroute, en Europe. Je me suis senti abasourdi par une telle chose et, craignant de perdre la raison, je me laissai gagner par une forme de somnolence et me mis sur le bas-côté avec pour objectif : essayer de dormir ou du moins de me détendre. Rien n’y fit. Je repris la route et la même scène se reproduisit plus tard vers 19 heures soit 18 heures GMT. J’arrivai quand même à Marseille et, craignant le ridicule, je n’en ai parlé à personne.

Pour le retour, je mis la voiture dans le train en même temps que moi. Une fois à Paris, je récupérai le véhicule. Sur mon chemin de retour, au niveau de la Pitié Salpêtrière, je vis une supérette ouverte. J’y entrai pour me ravitailler en nourriture. Je fus frappé et attiré par une bouteille dont la brillance m’éblouissait. Je m’approchai et vis une bouteille de Gin. Ne consommant pas d’alcool, je l’achetai néanmoins avec des friandises, des gâteaux secs, des bonbons, etc., le tout emballé dans un sachet. J’habitais au premier étage avec moquette dans l’escalier du 13 rue Boussingault.
Une fois devant la porte d’entrée de mon appartement, au moment où je cherchais les clefs, le sac se vida et la bouteille de Gin se cassa. Son contenu se répandit sur la moquette qui était quand même d’une certaine épaisseur. J’introduisis alors la clé dans la serrure, histoire de vite ouvrir pour vite nettoyer la moquette de l’escalier. Juste derrière la porte je vis un serpent blanc se dressant sur sa queue. Effrayé, je fis un bond en arrière et descendis à vive allure pour appeler les sapeurs-pompiers. Le téléphone ne fonctionnait pas. Paniqué et dubitatif quand même, parce que tout cela ne me semblait rien de possible, d’objectif à moi un intellectuel des universités de Paris, je remontai et je trouvai à la place du serpent une feuille d’arbre que je pris soin de ramasser tout en étant sur mes gardes. J’avertis ma maman qui me répondit de revenir le plus vite au pays parce que, disait-elle, elle sait ce que cela signifie. Je ne fis rien de ce qu’elle me conseillait et ne songeais nullement à rentrer au pays en ce moment.

Ce fut une succession d’ennuis et d’incidents les plus drôles et les plus incompréhensibles et inexplicables pour l’intellectuel parisien que j’étais, nourri à la sauce du marxisme militant. Je perdis mon travail et après bien des galères je finis par en trouver, des gardes dans une clinique de la porte de la villette. Peu de temps après ce boulot me quitta aussi et ce que je reçus comme salaire correspondait pratiquement au prix du billet aller Paris Cotonou.
Deux jours avant mon départ pour Cotonou je reçus une offre de travail dans une clinique de la place ici au Bénin. La boucle était bouclée et ceci m’incita alors à partir. Une fois au pays sans me donner des détails auxquels je n’ai réellement eu droit qu’à la veille de sa mort, ma mère m’informa que je devais être un initié au Vodùn. Une colère sourde s’empara de moi ; qu’est-ce que moi, intellectuel de haut niveau, sorti des universités de Paris, peux aller faire dans ce milieu d’ignorants, d’abrutis, de régressifs, de diaboliques et de sataniques ?

J’eus des mots très durs vis-à-vis de ma maman, ce que je lui demandai de me pardonner des années plus tard, et ce surtout à la veille de sa mort. Lors de ces entretiens d’excuse de ma part, elle me dit ce qui suit : « Evi mougble nanin vinon » (un enfant n’est jamais mauvais pour sa mère) et elle entonna la chanson « Djredjre vi nyin », une berceuse bien connue de Gnonas Pedro.

De retour au pays, comment se sont passés les rituels ?

Après bien des discussions, après bien des incidents et accidents suite toujours à mon refus de faire l’initiation Vodùn, je finis par céder aux suppliques de ma maman et suite aussi à deux évènements malheureux qui provoquèrent en moi une peur panique.
Le tout premier acte du processus est la purification pour me laver de toutes les souillures tant morales que psychiques, bref de tous les péchés peut-on dire avant d’approcher Vodùn. Fa consulté a dit que ceci doit se faire dans la forêt sacrée derrière Lokossa, dans le Mono, et ceci un mardi, la veille du marché Dantokpa (Zogbodo kpôsso), vers 01 heure du matin. Au jour J nous allâmes dans le lieu connu d’un ami résidant à Adjohoun. Ceux qui m’ont accompagné restèrent au bord de la forêt.

Déshabillé et ceint à la taille d’un pagne blanc je pénétrai seul dans le bois en direction d’un grand “Loko azagun” (ce nom je ne l’ai su que plus tard) qui se trouvait pratiquement à plus de 500 mètres de la voie. À peine ai-je fait à peu près 20 pas que je sentis que l’on me prenait par le bras des deux côtés et que j’entendis des voix qui me parlaient. Je ne voyais personne et il faisait noir. J’avais tellement peur que j’allais faire demi-tour en courant et en criant. « Silence et continue et évite tel obstacle, telle branche, pose le pied ici, passe par là », me disaient les voix. Il faisait noir et, bien que j’aie froid, je transpirais, mais il fallait avancer vers l’arbre.

Presque aux abords de l’arbre, j’entendis des vrombissements et des cris d’oiseaux qui s’éloignaient. Mes accompagnateurs invisibles et moi fîmes 9 fois le tour de l’arbre puis je fus installé par terre devant une jarre remplie du bain de purification. Je me lavai et fus lavé et repris le chemin de retour, cette fois-ci, seul, avec interdiction de regarder par derrière jusqu’à destination, la route nationale où je fus recouvert d’un pagne blanc. De retour à Cotonou, je refusai de continuer voulant m’éviter, disais-je, de telles tortures dont je ne voyais pas l’enjeu.
Deux autres incidents se produisirent et me forcèrent à obtempérer. Au niveau de la Coop vers l’ancien pont, je heurtai avec mon AV85 une dame très chichement habillée, pagnes “chigan” mode 1950, mouchoir blanc à la main. Je suis tombé et j’ai eu des écorchures un peu partout, mais elle, elle n’a rien, se tenant debout, sans piper mot. Je me relevai et pris la direction de la maison de ma maman. Arrivée au portail, la dame se tenait là et n’a pas dit un seul mot à mon arrivée. Surpris et agacé, je rentrai. Elle me suivit puis disparut quand j’ai commencé à raconter la scène à ma mère. Cette dernière sortit pour constater la disparition de la dame en question. Comme réponse elle m’exhorta à reprendre le processus d’initiation d’un ton très agacé et courroucé. Toujours pas question pour moi de rentrer dans cette aventure régressive et antiscientifique. Puis quelques semaines plus tard, je perdis mon boulot. Alors vive la galère d’autant plus que j’avais toutes les peines du monde à en trouver et à gérer le cabinet de soins médicaux que j’essayais d’impulser. Face à cette décrépitude et malgré l’aide de certains rares camarades, je finis par accepter de reprendre les choses, contraint et forcé par les évènements. Alors advienne que pourra, me disais-je.

Le processus pouvait alors être relancé et la deuxième cérémonie de purification pouvait recommencer un mardi dans les mêmes conditions. Cette nuit, je subis le deuxième bain de purification non plus dehors dans la forêt, ni au bord de la lagune ou au bord de la mer, mais dans la maison familiale à Agoue-Adjigo. Le lendemain est mercredi‚ seul jour d’ouverture du couvent dans la semaine. Torse nu dans un pagne blanc, j’eus droit, dès mon arrivée au couvent, à un geste de bienvenue de la part de la divinité qui est symbolisée par un arbre donc par un élément du règne végétal. Ce geste de bienvenue est une feuille verte qui se détacha de l’arbre et me tomba sur la tête. La feuille ramassée était exactement la même que celle ramenée de Paris que nous avions pris soin d’amener avec nous. Le bouc blanc sacrificiel fut immolé au premier coup de gong sacré et aux premières intonations des chants sacrés accompagnés de “Kple” (Tam-tam sacré) par les “Assafôvi”. On me lava dans son sang, une fois la tête et toutes les parties du corps couvertes de poils sont rasées, et on me rinça avec le “Chessi” ; j’eus la tête badigeonnée de kaolin avec lequel des figures symboliques me furent dessinées sur le corps. J’eus à esquisser des pas de danse très maladroits, qui déclenchèrent dans le public des appréciations diverses : évidemment, ce n’était pas la salsa, le tango, le chachacha ni la rumba congolaise.
Après les cérémonies de portage des colliers “Hunkan” et “Djessido” et l’installation sur le trône (Togbezikpe), je portai le Tchessi sur ma tête, c’est-à-dire l’eau lustrale (de purification) vers la lagune. C’était beau. J’étais heureux en entendant les chansons, les claquements des mains et autres qui m’accompagnaient. Puis les conseils et recommandations me furent prodigués par des maîtres prestigieux avec comme élément fondamental : ne pas chercher le malheur d’autrui, respecter la vie qui est un don de Mawu, les interdits alimentaires, les interdits sexuels, cultiver le respect de soi, le respect de la famille et de la société, le respect de la parole donnée… On m’informa des sanctions subséquentes en cas de manquements. Bref toute une façon de vivre selon les préceptes Vodùn, toute une vision du monde selon la religion Vodùn ; ainsi on vous cite les acquis de base de la Spiritualité Vodùn dont la connaissance devrait provoquer en vous une transformation vivante. Ce fut le départ pour Cotonou cette nuit, avec comme recommandation expresse de toujours avoir autour du cou et des poignets, ne serait-ce qu’un certain temps, mais surtout les mercredis, les colliers Hounkan et Djessido partout où je devais aller et le respect des conseils et recommandations.

Comment avez-vous vécu avec vos proches, suite à cette initiation ?

Arrivé chez moi, ma belle-sœur, la femme de mon petit frère avec qui je partage la maison demanda avec une rage et un empressement incompréhensibles malgré la présence de sa belle-mère, à ses enfants qui jouaient dans la cour de rentrer très vite dans leur chambre parce qu’un Azetô, c’est-à-dire malfaiteur‚ sorcier est venu. Alors commença une nouvelle période plus humiliante et plus vexatoire.

« Incapable de faire face aux difficultés que tout le monde rencontre une fois revenu au bercail, tu es allé t’enfermer dans les Azonɖâtô malfaiteurs et les Azetô sorciers qui sont contre tout progrès dans nos pays et vois-tu, tu nous déshonores » osaient me dire certains camarades du moins ceux qui jouaient dans la transparence et la sincérité avec moi, la plupart se contentant de cracher dans mon dos. Le doute a repris de nouveau. Un mois plus tard je revins à Paris où je m’inscris de façon curieuse en sciences annexes et connexes de la Santé que sont Santé Publique et Nutrition, Économie de la Santé, Anthropologie de la Santé (prophètes et guérisseurs en Afrique). Nous étions en 1985 et ce n’est que plus tard que j’ai compris ce qui m’entraînait vers ces écoles de façon inconsciente. Une fois les diplômes en poche, je revins au pays en transitant par Abidjan où un poste dans l’usine Nestle m’était promis. Mais rien. Une consolation : avec des camarades, nous avons jeté les bases du Ptd (Parti des travailleurs du Dahomey). Puis je rentrai au pays. Je pensais que les choses allaient s’améliorer. Bien au contraire c’est maintenant que les choses ont empiré. Je repartis faire le Tchessi pour une deuxième fois. Je tentai de mettre en place un cabinet de nutrition. Impossible, car la chose n’était pas très connue dans le pays à l’époque malgré l’existence d’une clientèle virtuelle nombreuse. Aucune aide de mes parents sauf ma mère, rien du côté des camarades et des amis non plus. Alors je privilégiai le militantisme politique et participai à la fondation de l’Utr. Là je fus élu député en 1991.

L’Utr mourut de sa belle mort à cause de ses contradictions internes et du refus de ses dirigeants d’observer la moindre discipline, de respecter la moindre parole donnée, c’était « tout pour-soi seul ». Plus tard, en 1996, je participai à la construction de l’Adema avec tous les coups fourrés mortels des dirigeants contre l’organisation. Aucun respect des principes organisationnels. Tous les coups sont permis pour une accumulation personnelle de biens et des honneurs, car, comme me le disait un ancien dirigeant de l’Ugeed, « il ne faut pas être naïf, on ne fait pas la politique pour être pauvre ».

Grosse désillusion et grande déception de ma part. J’étais perdu, brisé, flottant dans la vie sans plus aucun point d’attache parce que méprisé par les collègues intellectuels, par des parents qui disaient à mes enfants que leur père, un mécréant, va gâcher leur vie pour avoir gâché la sienne. Le plus dangereux encore était que paraissant un intellectuel moderniste, Akowe en Fongbè et Klake en Mina, je n’étais pas non plus accepté par tous les Hunnon pour qui les intellectuels occidentalisés n’étaient que des apatrides puériles et bavardes au service du Blanc ou « Yovo ». J’avais honte de moi-même et peur pour ma vie.
Empêtré dans toutes ces difficultés déséquilibrantes à plus d’un titre je rencontrai Cpcm -Association “Chrétiens Pour Changer le Monde”- et son fondateur le Pr Albert Gandonou. Ce dernier affirmait à qui voulait l’entendre qu’il était communiste militant du Pcb -Parti communiste du Bénin- et en même temps chrétien catholique, marié à une femme de religion musulmane. Je fus sidéré et réconforté de ne point être seul parce que militant marxiste, membre du secrétariat général de la 4ème Internationale et adepte du Vodùn ou plus clairement “Vodunhunnon” et marié avec une catholique pratiquante. Je me suis senti encouragé de croiser un « fou » comme moi, me disais-je, et son aisance dans cette apparente contradiction me sidérait et m’encourageait. De plus les débats étaient ouverts et s’adressaient à toutes les religions, dont le Vodùn. Ah, ça, c’est à prendre !

Je décidai alors de continuer de m’enfoncer dans le milieu Vodùn comme l’exigeaient les évènements et ne plus rester au milieu du gué, à la périphérie, d’autant plus que je découvrais de plus en plus les richesses, les merveilles et les surprises de ce milieu dont la principale est que c’est lui le moule de la culture négro-africaine et de la pensée négro-africaine qui sont différentes de la culture et de la pensée occidentales, cartésiennes, dont sont imprégnés les intellectuels béninois et l’élite négro-Africaine quelle qu’elle soit.

Depuis ce temps, avez-vous regretté votre titre ? Cette fonction vous est-elle facile à exercer ?

Je ne regrette en aucun cas aujourd’hui mon titre. Les études que j’ai faites m’ont permis d’atteindre un niveau de discernement. J’ai pu comprendre certaines choses. Je comprends mieux les évènements que je vivais quand je niais la sacralité qui se cache derrière le Vodùn. Aujourd’hui, je suis fier de parler de ma culture Vodun.

En tant que Hunnon Ata-Adjido, je connais ce qu’il faut faire et ce qu’il ne faut pas faire. Lorsqu’on respecte les instructions, la fonction est plus facile à exercer. Dans le cas échéant, c’est plus difficile quand on bafoue les préceptes et les principes. Je sais ce que je dois manger et ce que je ne dois pas manger. En respectant ces préceptes, je ne risque rien dans l’exercice de ma fonction. Le tout réside dans le respect des principes qui m’ont été prescrits. C’est pourquoi je veille à l’observance des préceptes pour ne pas souffrir de la punition des divinités.

Vous dignitaire Vodun dont la femme est chrétienne. La vie à deux a-t-elle été douce, aisée ou faite de conflits ?

Après mon intronisation officielle au trône en 2018, ma femme continuait à accroître sa foi dans l’Église Catholique. Et je n’avais rien à lui reprocher. Pour moi, elle était libre de fréquenter l’église de son choix. Je ne suis pas gêné quand elle allait à la messe. Certes, des mésententes arrivent quelques fois, mais cela n’est pas une raison pour que je lui interdise la pratique de sa foi. Il est vrai que les conflits ne manquent pas dans un couple. Mais, je n’avais rien contre elle.

Lorsqu’elle fut décédée, la cérémonie de ses funérailles a été dirigée par l’Église catholique. Elle est née dans cette religion, elle a grandi dedans. Je ne trouve aucune raison de lui interdire d’adorer ce en quoi elle croit. À cet effet, je déteste l’intolérance. Je ne trouve aucune raison de la critiquer. C’est sa foi, et je lui dois ce respect. Je n’ai pas le droit de m’opposer à sa foi. Lorsqu’elle était toujours encrée dans la foi catholique, je me disais quand elle comprendra, elle pouvait se retirer selon sa volonté. Pour moi, il faut que les gens évoluent selon le degré de leur compréhension. Ils sont libres de changer de décisions lorsqu’ils apercevront qu’ils étaient perdus. Chacun pratique ce en quoi il croit.

Un peu de culture générale avec vous. Le rituel ‘’Kpesɔsɔ’’ chez les Gin. Quels en est l’origine et le sens ?

Le “Kpesɔsɔ” marque le début de l’année nouvelle chez les Gin et les Mina et il provient du Ghana. La cérémonie se fait également au Bénin, au Togo. Toute les zones Gin et Mina sont concernées par le rituel Kpesɔsɔ.

Son importance est qu’il prévoit ce qui va arriver. Autrement dit, il prédit comme le Fa. Il informe sur la façon dont il faut se comporter au cours de la nouvelle année. Il annonce aussi les interdits qu’il faut respecter. Bref, le Kpesɔsɔ donne les directives à suivre pour vivre une année de paix et de prospérité.

L’année se présente selon la couleur de la pierre choisie par les grands dignitaires et les grands prêtres chargés de conduire ce rituel. La pierre blanche énonce la pluie et l’inondation. La pierre bleue quant à elle annonce le bonheur. C’est rare de voir la pierre rouge apparaître. Elle incarne le danger. Donc, selon la couleur de la pierre, l’année peut être faste ou néfaste. C’est un rituel très important chez les Gin et les Mina. Le rituel se déroule dans une grande forêt sacrée. Seuls les grands prêtres y ont accès.

Quelles leçons pourriez-vous donner à la nouvelle génération ? 

Formatés dans la pensée du colon et dans celle de l’autre, nous n’avons que du mépris pour notre pensée que nous disons inexistante parce que le colon le dit, du mépris pour notre religion endogène porteuse de nos valeurs, de notre culture, de notre identité, donc du mépris pour nous-mêmes négro-Africains, ce qui nous pousse à ne consommer que l’autre. À ce prix quel développement de nos pays pouvons ou voulons nous promouvoir assis entre deux chaises ou carrément engoncés dans le fauteuil de l’autre ?

Le « consommons local » ne peut être qu’un mot d’ordre creux parce que superficiel et ne reposant sur aucune base patriotique objective, culturelle et idéologique.

Le « changeons de mentalité » ne peut devenir réalité que quand il sera bâti sur la réappropriation de notre culture et de nos valeurs et notre réinsertion en leur sein pour la promotion d’un Patriotisme éclairé.
Ce chemin est long et difficile, très, très, très difficile après des millénaires de formatage. Mais nous devons l’emprunter.

Merci.

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