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Sophie Négrier, artiste-photographe : Peindre la société en toute sobriété

Par Sêmèvo Bonaventure AGBON
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L’artiste-photographe d’origine française résidant au Bénin Sophie Négrier a tenu avec la presse, mercredi 2 février 2022, une rencontre-discussion autour de son parcours et ses expériences qui influencent énormément son travail. Une riche soirée de projection suivie d’interaction à l’espace culturel « Le Centre » de Lobozounkpa avec celle qui a culturellement un pied en Europe et un autre en Afrique.

Par Sêmèvo Bonaventure AGBON

Sophie Négrier s’est d’entrée définie comme une artiste-photographe sensible. « Je m’intéresse à ce qui touche à l’être humain ». À ce titre, c’est la société qui l’inspire et c’est encore elle, que Sophie peint. « Je passe énormément du temps à observer. Je dévisage la société. À partir de là je découvre des détails ». La mer n’est pas que de l’eau pour elle. « C’est aussi les vibrations ». Si sa carrière est un engagement, ses œuvres, par contre, en sont dépourvues. Aucune rébellion, aucune satire. Juste une peinture neutre proposée à son public. Sophie Négrier jure ne rien imposer. « Je ne dénonce rien du tout. J’ai envie de proposer des questionnements à un public. Je n’ai jamais rien voulu dénoncer. Je ne suis pas un artiste de dénonciation. J’aime la plasticité, l’esthétique. Je raconte, je propose quelque chose. Le public est libre de prendre ou pas », objecte-t-elle à un journaliste.

Impossible d’imprégner l’œuvre de Sophie Négrier sans regimber. Les fruits de ses inspirations sont hors du commun. D’ailleurs, projeter des photographies la nuit et cette option exclusive du blanc-noir à une époque dominée par les couleurs‚ les détails‚ le décors…Les professionnels des médias n’en sont pas restés indifférents. « Sans lumière pas de photo », reconnaît-elle. Le blanc-noir‚ soutient-elle‚ « joue sur la perception du public » et « avec le blanc-noir on va au-delà du réel ». La mise en valeur par le blanc-noir répond à son choix de sobriété afin que ses sujets se présentent au public en toute simplicité‚ sans aucune surcharge esthétique.

Être née et avoir grandi en France avant de descendre au Bénin‚ en Afrique, lui permet de communier avec deux cultures riches de leur diversité. À 26 ans‚ en effet, elle retrouve le Bénin en 2009. Elle ne s’est plus retournée et mène même une carrière d’enseignante loin de son pays d’origine. Ainsi‚ elle vit l’ex-Danxomè et ses réalités que sa passion n’élude pas. Ouverture d’esprit et regard multiculturel transparaissent d’ailleurs nettement dans son travail. « Chaque être humain est différent et vit différemment », retient-elle. Vérité qu’illustre sa série de photographies blanc-noir sur les coiffes africaines. Les coiffes, généralement, ont un aspect culturel, en France ou en Afrique. Sur ses modèles à dominance féminine, il ressort que « La coiffe chez la femme donne une orientation par rapport à la société ». Une des caractéristiques mise en lumière par les œuvres de Sophie Négrier est la préférence. Si une femme « peut construire un monument sur la tête » -extravagance donc, encore que « tout dépend de l’approche » – une autre peut se contenter de se raser comme le témoigne ce tableau de trois femmes photographiées de dos, présentant une petite fille, une dame et une vielle. « On dépasse la tête, le corps pour aller vers la vibration », explique l’artiste au public tout ouï. Les photographies de Sophie Négrier révèlent également l’extraversion en matière de coiffes; ce que traduit l’omniprésence des mèches brésiliennes chez les femmes africaines, au détriment des tresses traditionnelles qui se font rares sans toutefois disparaître.

« Mur de seins »

Des photos de seins, Sophie Négrier en a aussi projetées au public. Il ne s’agit pas d’un répréhensible exhibitionnisme. Ce focus sur les seins, a-t-elle indiqué, lui a permis d’infirmer par exemple l’idée répandue selon laquelle les amazones auraient les seins coupés. « C’est faux ! », martèle-t-elle. La photographe entretient la mémoire de ces femmes exceptionnelles et remarquables dont l’itinéraire va du Bénin à la France en passant par le Brésil.

Entreprendre de photographier des seins, une partie extrêmement intime de la femme, n’est pas gagnée d’avance. La crainte de rencontrer des oppositions était forte au départ. Mais, à l’arrivée, elle témoigne avoir été agréablement surprise par l’adhésion des femmes sollicitées. Elle a réalisé de là une « carte des seins » avec les prénoms des femmes et surtout des années importantes pour les femmes en générale, notamment en matière de droit de vote, interdiction des violences sexistes et l’éducation inclusive.

Sophie Négrier est très pointilleuse quant à la taille de ses photos. Sa préférence‚ les grands formats. Ce qui offre au public un face à face imposant et éblouissant avec les sujets photographiés. Elle calcule donc les tailles. Tous ses clichés reposent sur la formule 314 et le 1,618 qui traduit pour elle la vibration qui se trouve sur tout ce qu’elle travaille. « Ces chiffres sont très importants dans mon travail parce qu’ils régissent la nature‚ ils sont autour de nous‚ ils sont dans la construction. Ils sont un peu particuliers. Depuis la nuit des temps‚ quand on cherche…ces chiffres sont vraiment partout. Le public les exploite vraiment dans ses impressions, ce qui fait que quand je fais mon projet, la mise en espace est aussi importante que le projet lui-même. Parce que c’est important que le public ressente des choses », s’est-elle défendue face à l’assistance très curieuse.

Son « futur projet » porte sur le sucre. Un produit apparemment banal, mais à sémantique profonde. « Le sucre, c’est ce qui nous fait sourire. C’est ce qui attire. Il est présent partout. Le sucre rappelle aussi l’esclavage. Le sucre a pourri les dents à beaucoup de bourgeois. Le sucre, on essaie de s’en détacher en vain », a-t-elle égrené.

L’œuvre de Sophie voyage entre photographies‚ dessins et installations. Canaux d’extériorisation de sa sensibilité et son regard multidimensionnel sur les sociétés.

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