Le cinéma béninois a longtemps souffert de l’individualisme chez ses acteurs, dénonce sans langue de bois le réalisateur et producteur Clovis Agbahoungba. Dans cet entretien accordé à l’occasion de la deuxième édition du Festival international des films de femmes (Fiff) de Cotonou 2021, il a salué la contribution des femmes et appelle surtout à l’organisation du secteur, à la « culture du travail en commun » car les talents pour honorer le cinéma ne manquent.
Propos recueillis par Sêmèvo Bonaventure AGBON
Bénin Intelligent : Un festival qui se veut féministe. Rien que des films de femmes à l’affiche. Est-ce discriminatoire selon vous ?
Clovis Agbahoungba, réalisateur-producteur : Non, c’est original et je pense que cela mérite d’être encouragé. Depuis la nuit des temps il n’y a pas assez de femmes qui se sont engagées dans des productions de film, de vrais films de qualité. Aujourd’hui la tendance a commencé par changer. Les femmes ont commencé par s’imposer de par leurs productions, des productions de grande facture en termes d’originalité, de créativité. Donc les femmes sont en train de révolutionner le cinéma à leur manière ; elles sont en train de s’imposer, de se tailler une place dans le concert des nations. C’est une très belle initiative qui mérite d’être soutenue à la fois par nous les acteurs du cinéma et le public. Parce que, qui ne va pas au cinéma pour sentir de l’émotion ? Le cinéma c’est de l’émotion. Au-delà de tout ce qui est fait derrière, c’est l’émotion, c’est ce que je ressens quand je regarde les images.
Parlant de l’émotion, en avez-vous ressentie de très forte pendant ces projections de films en compétition ?
J’ai été emporté par les films qui ont été projetés. Cela m’a permis de comprendre qu’il y a du travail qui se fait plus que par le passé. Je ne veux pas influencer le jury. Je ne vais donc pas citer nommément des productions. Mais tous les films qui ont été présentés ce soir sont très bons. Je me suis senti emporté par l’émotion, le message véhiculé par ces films.
Sur les diffuseurs de renom, le Bénin est peu voire pas du tout présent. Est-ce que ça promet de voir la tendance changer grâce à des genres comme le Fiff Cotonou ?
Je vous remercie très sincèrement d’avoir posé cette question. Ça promet ! Vous allez m’excuser. Que les lecteurs ne se sentent pas embêtés. Ça ne marchait pas parce que nous travaillions en rang dispersé. Aujourd’hui que les gens ont compris que le meilleur moyen d’aller de l’avant, la meilleure manière de convaincre les diffuseurs, les bailleurs de fonds, les chaînes de diffusion c’est de travailler en synergie et c’est tout ce qui manquait au Bénin par le passé. Excusez-moi : nous n’avons pas cette culture de travailler ensemble. Aujourd’hui que cela s’avère nécessaire on est obligé de travailler ensemble pour convaincre ces partenaires-là. Car, eux ne veulent pas faire du n’importe quoi, sortir de l’argent pour acquérir de programmes minables. Cela ne veut pas dire que des talents, de grands réalisateurs…nous n’en avons pas au Bénin. Nos acteurs sont sollicités de part et d’autre des quatre coins du monde pour aller travailler. Pourquoi ne pas comprendre que nous avons de la matière ? Si toutes les composantes -réalisateurs, acteurs…-peuvent taire leurs guéguerres, puisqu’il y en a qui ne nous font pas avancer, chercher à peaufiner des projets qui puissent convaincre ces bailleurs de fonds ou diffuseurs, il n’est pas question que le Bénin ne s’affiche pas. Ce sont eux-mêmes qui vont venir, courir derrière nous. Si vous préparez votre akassa que vous déposez sous votre lit, qui saura ? Les talents ne manquent pas au Bénin. Les belles idées ne manquent pas. Les développeurs ne manquent pas au Bénin. C’est question d’organisation.
Merci.
