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Vaccination contre la Covid-19 : Une protection au goût de …dictature

Par Sêmèvo Bonaventure AGBON
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La lutte contre la pandémie de Covid-19 amené le gouvernement à prendre des mesures fortes. Aux heures chaudes, outre les gestes barrières et le port de masque, la vaccination était devenue (presque) obligatoire. L’accès aux administrations publiques est subordonné à la présentation d’un pass vaccinal. Une décision qui n’est pas sans conséquences sur les citoyens qui se sont vus plusieurs fois refouler aux portes des services publics.

Par Raymond FALADE

« Début octobre 2021, j’ai été contactée alors que j’étais au marché, que mon époux vient d’avoir un accident et admis dans un centre de santé public à Cotonou. Prise de panique, je me suis précipitée pour me rendre à son chevet. À l’entrée j’ai été bloquée par le gardien. Il m’a demandé ma carte de vaccination. Je lui ai dit que je n’en ai pas. Il m’a fait comprendre que je ne pouvais pas entrer. J’ai tout dit mais il m’a bloquée. Ne pouvant pas laisser mon époux mourir, à un moment donné j’ai poussé le gardien pour aller voir mon mari. Tout ce qu’il disait, je ne l’ai même pas regardé » : témoignage de dame Elise rencontrée lors de nos investigations avec l’aide d’un médecin. Comme elle, plusieurs d’autres citoyens se sont vus ainsi interdit d’accéder aux services publics aux heures chaudes de la pandémie de Covid-19 pour défaut de présentation d’un carnet de vaccination. C’est le cas des garde-malades dans les établissements sanitaires publics.

 

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Le 24 septembre 2021, le directeur de la médecine hospitalière Ange Dossou à travers une note, a informé l’opinion que les garde-malades sont désormais contraints de se faire vacciner contre la Covid-19. « Dans le cadre de la riposte à la pandémie de Covid-19 et en vue de réduire la contamination intra hospitalière, il est porté à la connaissance de tous les directeurs d’hôpitaux que les garde-malades n’auront désormais accès à l’hôpital que sur présentation de leur carte de vaccination (Cobid-19) » a-t-il écrit. Ainsi, les directeurs d’hôpitaux ont été invités à prendre des mesures idoines pour la mise en œuvre effective de cette mesure. « En tout état de cause, des équipes de supervision seront déployées sur le terrain pour vérifier le respect de la présente prescription », avait-il prévenu.

L’information a été très mal appréciée au sein du public qui en ce moment n’était pas convaincu de l’importance de la vaccination. Conséquence, les hôpitaux publics et même privés étaient devenus déserts, a constaté Ulrich Déo-Gracias Aliho, médecin diplômé de l’État en service à Kétou dans le département du Plateau. « Beaucoup de personnes ont déserté les hôpitaux. Des gens ont préféré se faire soigner dans les centres illégaux qui existaient encore en cachette. Certains ont préféré même aller se faire soigner chez les tradithérapeutes juste pour contourner la vaccination », informe-t-il.

Pour les patients courageux qui venaient, il a été difficile de convaincre les parents en position de garde-malades, qui étaient très réticents par rapport au vaccin. Mais avec le temps, confie le médecin, « on a réussi à convaincre beaucoup de gardes malades si bien qu’en statistique, il y a 60 à 70% des garde-malades qui présentaient le pass vaccinal ». Les gardes malades qui ne présentaient pas de preuve de vaccination sont automatiquement bloqués à l’entrée des formations sanitaires conformément aux instructions des gouvernants. Ainsi, certains patients se sont retrouvés dans leur lit d’hospitalisation sans garde-malades. « Il arrivait des moments que nous avons des patients sans garde-malades. Ce qui nous amenait à solliciter des aides-soignants qui sont de repos de venir nous aider pour pouvoir essayer de rester au chevet de ces malades, pour nous aider à contribuer aux soins et si possible, aux besoins de ses malades », témoigne Ulrich Déo-Gracias Aliho.

 

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« Lorsque la vaccination est devenue une obligation pour les malades et les garde-malades, c’était la totale », renchérit Narcisse Vigan, médecin généraliste, en service au centre d’écoute de la Covid-19 installé pour traquer les cas suspects au début de la pandémie, transformé plus tard en une unité de dépistage, de traitement et de prise en charge des cas positifs dans la zone Ouidah, Kpomassè et Tori. « Il y a certains qui disaient qu’ils préfèrent rester à la maison pour soigner leurs parents malades. Donc, les cas qui venaient à l’hôpital, c’était ceux-là qui n’avaient aucun problème avec le vaccin », observe-t-il.

En Conseil des ministres le mercredi 20 octobre 2021, le gouvernement a rendu l’accès aux services publics y compris les collectivités territoriales, à la présentation d’une preuve de vaccination ou d’un texte Pcr datant de moins de 48 heures.

Dans les mairies et surtout celles qui sont dans les zones reculées, cette mesure n’a pas été respectée selon les témoignages recueillis sur le terrain. Par contre, beaucoup se sont vus refouler en son temps aux portes des administrations publiques en ville pour non présentation d’une preuve de vaccination. « J’allais retirer mon passeport un matin. Je ne me rappelle plus de la date exactement, lorsqu’on m’a dit sans le pass vaccinal, je ne peux pas rentrer », se souvient Raoufou Gbadamassi. « C’est ce jour que je me suis fait vacciner puisque j’avais besoin du document pour voyager la semaine qui suit », a-t-il ajouté.

Contre-attaque

Des journalistes aux enseignants en passant par les responsables des organisations syndicales, personne n’a été épargné par ces mesures prises par le gouvernement pour riposter contre la Covid-19. Le 10 septembre 2021, la Confédération syndicale des travailleurs du Bénin (Cstb) a été invitée comme les autres organisations représentatives, à participer à la première session ordinaire de la Commission nationale de négociations et de concertations gouvernement-centrales syndicales. À l’avant-veille de la rencontre, une autre correspondance a été adressée aux organisations syndicales représentatives dont la Cstb, leur faisant l’obligation de se munir d’un pass vaccinal. La réaction de la Cstb ne s’est pas fait attendre. À travers une lettre ouverte adressée à la ministre de la Fonction publique vice-présidente de la commission, le secrétaire général de l’organisation Kassa Nangnini Mampo a protesté contre cette décision. À l’en croire, « certains militants au niveau des ministères faisaient déjà l’objet de menace, de harcèlement par rapport à cette vaccination qui était purement illégitime et illégale ».

 

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Pour le Sg/Cstb, « imposer une vaccination aux populations est non seulement une violation des droits syndicaux mais également une violation des droits sanitaires parce qu’il y a l’article 7 de la loi 2020-37 du 3 février 2021 portant protection de la santé des personnes qui stipule que « Tout patient a le droit d’accepter ou de refuser un acte médical ou l’application d’un traitement médical ». Donc, « on ne peut pas obliger quelqu’un à recevoir un vaccin malgré lui », a-t-il dénoncé.

En réponse, le ministre de la Santé Benjamin Hounkpatin a précisé « qu’il est vrai qu’en situation normale, chaque individu a le droit de décider ou de refuser un traitement ». Toutefois a-t-il nuancé, il est également prévu dans la même loi aux articles 58 et 59 que « Toute personne vivant en république du Bénin ou entrant sur le territoire béninois se soumet aux vaccinations obligatoires. Un décret pris en Conseil des ministres précise les modalités d’application de l’alinéa précédent ». Article 58 : « Toute personne atteinte de maladies transmissibles et contagieuses à potentiel épidémique, susceptibles de constituer un danger pour la santé des populations, se soumet à un traitement hospitalier ou ambulatoire. Ce traitement est gratuit. Les sujets contacts sont soumis à un contrôle médico-sanitaire conformément aux dispositions législatives et réglementaires ». Pour le ministre, « à partir de ces deux articles, le gouvernement est en droit d’imposer le traitement en situation d’épidémie ». De ce fait, l’article 7 évoqué par les responsables des centrales syndicales n’est pas applicable a-t-il réfuté.

L’imposition d’un traitement médical à un patient majeur est non seulement contraire au principe de liberté posé par la Constitution, mais également au pacte international relatif aux droits civils et politiques, soutient Fréjus Attindoglo, juriste, chargé à l’organisation au Centre de formation en mécanisme de protection des droits humains (Cfmpdh). Cependant, fait-il remarquer, « en période de crise sanitaire, l’État peut limiter cette liberté pour faire respecter les droits d’autrui, assurer l’ordre public et le bien-être général ». Mais avant, l’État doit s’assurer que cette limitation respecte une certaine nécessité et proportionnalité. « Cela voudra dire que le fait d’imposer un pass vaccinal aux garde-malades en période de Covid n’est pas réellement contraire aux droits de l’homme, parce que l’État a les prérogatives de le faire tout en respectant le principe de la nécessité et de la proportionnalité », détaille Fréjus Attindoglo.

Par ailleurs propose le juriste, ceux qui se seraient sentis piétiner à travers cette décision peuvent porter plainte contre l’État. Dans ce cas, précise-t-il, ils peuvent s’adresser directement à une juridiction statuant en matière civile pour avoir réparation. Ils peuvent également s’adresser à la Cour constitutionnelle s’ils pensent que dans cette démarche l’un de leurs droits fondamentaux a été violé.

Depuis quelques semaines, plusieurs mesures de riposte contre la Covid-19 ont été levées dont celle relative à la présentation d’une preuve de vaccination pour accéder aux services publics. Les fausses nouvelles et les doutes sur la qualité des vaccins au regard du temps record mis à les fabriquer, ont surtout contribué à la radicalisation des anti-vaccins.

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