Pour contrer la menace sécuritaire au Sahel, qui se révèle de plus en plus critique, il est indispensable aujourd’hui d’impliquer toutes les parties de la société civile. Pour ce fait, Gnamien Attoubré, spécialiste en Gestion des conflits-paix-sécurité, et coordonnateur national du réseau des alumni de la Konrad Adenauer Stiftung révèle la responsabilité des groupes de la société civile dans la lutte contre les menaces sécuritaires. Interview.
Propos recueillis par Arnauld KASSOUIN(Coll.)
Bénin Intelligent : En quoi les groupes de la société civile seraient d’une utilité dans la lutte contre les menaces sécuritaires au Sahel et en Afrique de l’Ouest ?
Gnamien Attoubré : La situation sécuritaire au Sahel est critique. Elle conjugue à la fois les crises communautaires, velléités sécessionnistes comme le cas de l’Azawad au Mali, la criminalité transfrontalière avec des réseaux de trafics illicites de tout genre et aujourd’hui une menace terroriste qui a fini par s’imposer. Cette problématique profonde nécessite la mobilisation de tous les acteurs politiques. Dans ce sens, les sociétés civiles ont plusieurs rôles à jouer.
D’abord, elles doivent jouer le rôle d’éducation des populations sur la paix et la cohésion sociale à travers l’organisation de formation. Des initiatives dans ce sens contribueront à lutter contre la radicalisation et l’extrémisme violent. Ce travail doit être orienté à la fois vers les jeunes que les guides religieux et les chefs communautaires.
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Ensuite, elles doivent être des forces de propositions pour les gouvernants. En effet, leur proximité avec les populations leur permet d’identifier les violences structurelles et culturelles qui entraînent souvent des conflits communautaires. Ce type de conflit est également un sérieux problème. D’ailleurs, dans les pays comme le Tchad, ce genre de conflit constitue une menace grave pour la sécurité.
Enfin, elles peuvent mettre en place des systèmes d’alerte précoce pour lutter contre l’extrémisme violent et toute forme de menace sur la paix et la sécurité.
Pour prévenir ou combattre de façon spécifique et efficace les menaces sécuritaires dans le Sahel, que proposeriez-vous aux gouvernants ?
Comme annoncé plus haut, les défis sécuritaires au Sahel sont multiformes. De ce fait, la réponse doit être de deux ordres : D’une part, au niveau militaire, les pays du Sahel doivent se doter de moyens militaires adaptés aux enjeux du moment.
Aussi, ils doivent renforcer leur coopération afin que les actions soient plus efficaces et plus coordonnées.
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Mais de toute évidence, les problèmes sécuritaires au Sahel ne concernent pas que le Sahel, d’autant plus que de plus en plus nous assistons à une pression des mouvements terroristes sur le golfe de Guinée. Comme en témoignent les incursions terroristes à répétition en Côte d’Ivoire, notamment à Bassam, Kafolo etc.
Dans ces conditions, tous les pays de l’Afrique en général et en particulier ceux de l’Afrique de l’ouest doivent conjuguer leurs efforts en mettant sur pied une force permanente et opérationnelle sous régionale de lutte contre le terrorisme. Cette initiative doit être portée par la Cedeao qui est l’organisation sous-régionale.
D’autre part, une réponse socio-économique doit être apportée. Cette réponse doit permettre de mettre sur pied des projets structurants capables d’améliorer les conditions de vie des populations et les rendre plus résilientes face à l’extrémisme violent. Car plus les populations sont vulnérables, le risque de radicalisation est grand.
De plus, les États doivent se donner les moyens pour reconstruire les liens sociaux et marquer leur présence auprès des populations pour ne pas que ces dernières se sentent exclues. Un accent doit être mis sur la bonne gouvernance afin de lutter contre la corruption et favoriser une juste répartition des ressources. Car, là où la bourgeoisie insolente de la classe politique côtoie la misère ambiante du bas peuple, les frustrations qui en découlent constituent des menaces réelles sur la paix et la cohésion.