« Islam et Sida à Djougou : acteurs et logiques ». C’est le sujet de thèse que Imorou Assan Aoudou a défendu mardi 25 octobre 2022. La recherche a satisfait le jury international présidé par le professeur Albert Jovite Nouhouayi qui a fait du thésard, désormais docteur de la 17ème promotion du Laboratoire d’analyse et de recherche, Religions, espaces et développement (Larred-Uac) du Prof. Dodji Amouzouvi.
Par Sêmèvo Bonaventure AGBON
L’islam, tel que pratiqué à Djougou est-il un facteur d’adoption de comportements sexuels à risque associé à l’infection du Vih/Sida ? Telle est la question au centre de la thèse de doctorat unique de Imorou Assan Aoudou intitulée « Islam et Sida à Djougou : acteurs et logiques ».
Assan Imorou Aoudou est expert en santé de reproduction et gestionnaire de projets de santé chez Abms-Psi. Ses travaux de thèse sur le couple thématique religion et sexualité ont duré six ans sous la direction du professeur Dodji Amouzouvi.L’objectif de la thèse, dit-il, est donc d’analyser l’influence des doctrines islamiques et les logiques des acteurs sur l’adoption de comportements sexuels à risque face au Vih/Sida. Les données obtenues vont conduire à la conclusion que dans cette partie septentrionale du Bénin, la religion islamique dans sa pratique locale a bien un lien avec la forte prévalence de cette infection.
« Je défends la thèse selon laquelle il existe dans la religion islamique des doctrines et des pratiques dont l’interprétation subjective supporte la prise de risque individuelle face au Vih/Sida ».
D’abord, les données statistiques le confortent dans cette thèse. En effet, à Djougou, ville majoritairement musulmane à 78%, la prévalence du Vih/Sida est curieusement forte. Au plan national, la prévalence relativement faible et stable est de 1,2 % (Edsb-4, 2017-2018). Le département de la Donga, avec 77,9 % (Rgph-4, 2012-2013) de musulman.e.s, a une prévalence supérieure à la moyenne alors que l’Alibori (81,9 % de musulman.e.s) et le Borgou (69,8 % de musulman.e.s) ont des prévalences de l’infection par le Vih inférieure à 1 % (Edsb-4, 2017-2018).
Cette disparité en matière de prévalence du Sida au sein des populations et entre les départements du Bénin a vite attiré l’attention du chercheur.
Deux grands courants islamiques cohabitent à Djougou : le tijajiyyisme et le sunnisme. Leurs principaux acteurs sont les imams, chéou, amirs, oustaz, alfas, al-maziri et les fidèles, énumère Imorou Assan Aoudou. Sur cette population, le thésard confie avoir investigué 155 adeptes musulman.e.s à l’aide d’un guide d’entretien et d’un questionnaire.
« Musulmans de nom »
A en croire Imorou Assan Aoudou, peu de fidèles sur les 78% que compte la ville de Djougou mettent réellement en pratique les préceptes de cette religion. D’où le dicton populaire très évocateur : « Il y a des musulmans à Djougou mais il n’y a pas de croyants ». La boutade a particulièrement intéressé le président du jury, professeur Albert Jovite Nouhouayi qui a sollicité plus d’explications.
La phrase « Il y a des musulmans à Djougou mais il n’y a pas de croyants », clarifie Imorou Assan Aoudou, est couramment empruntée pour apostropher ceux qui ont « une image de musulmans mais ils sortent de la commune de Djougou pour aller commettre la fornication et l’adultère ». Autrement, « Ce qui veut dire pour eux que, être musulman c’est avoir peur de Dieu. Lorsqu’on a foi on a peur de Dieu. Donc le manque de foi entraine au niveau des fidèles qu’ils n’ont plus peur de pécher ».
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Au total, récapitule Imorou Assan Aoudou, « La représentation sociale du Vih/Sida et du risque associé est faite de logiques d’imputation et de regroupements de signes et varie selon le profil des acteurs. La contamination par le Vih/Sida est, pour certain.e.s enquêté.e.s, envisageable et non maîtrisable par la volonté humaine », écrit-il.
Dans le cadre d’étude, il a observé que « pour prévenir l’infection par le Vih/Sida, les acteurs utilisent diverses stratégies comme le mariage des célibataires, le recours à la polygamie, le double mariage par les femmes migrantes, le port du voile et la promotion des écoles coraniques et franco-arabes ». Par contre, la majorité d’entre eux rejettent la promotion du dépistage et du port correct du préservatif.
« Ces différents résultats obtenus montrent que les différentes interprétations des enseignements coraniques et les stratégies des acteurs alimentent l’adoption de comportements sexuels à risque d’infection au Vih/Sida, résume l’impétrant.
A l’issue de la soutenance Imorou Assan Aoudou a été élevé au grade de docteur. Il a obtenu la mention Très honorable avec les félicitations du jury.
Pour cette soutenance, le professeur Dodji Amouzouvi a été rapporteur. Ses collègues Prof. Pitaloumani Gnakou Ali, Dr (Mc) Padabo Kélèm Tata, Dr (Mc) Fabien Affo et Dr (Mc) Karl Nassi ont été examinateurs.