Après deux mois d’ateliers, « La Troupe des ados de Togoudo » a tenu en haleine, samedi 3 décembre, les populations de la localité. Des tableaux de fou rire, de danse et de théâtre sur fond de sensibilisation au civisme ont laissé parents, encadreurs et initiateurs unanimement satisfaits.
En cette soirée du samedi le public a passé un inoubliable moment de plaisir. Des enfants âgés entre 8 et 19 ans, ont exécuté excellemment aussi bien des danses traditionnelle que urbaine. Ce spectacle de la troupe est régulièrement ponctué de par des conte théâtralisé et séance de fou rire.
Miriam, 8 ans, élève au Ce2 vient de découvrir la scène pour la première fois. Elle fait partie des enfants qui se sont remarquablement affichés sur le podium. Aucunement intimidée par l’impressionnant public composé essentiellement de parents. Ses répliques tranchées ont déclenché de rires et acclamations nourries. Miriam a joué le rôle « d’Aziza » et en a pris goût. Désormais, « je rêve de devenir actrice », avoue-t-elle. Angèle, sa maman est tout aussi séduite et tentée. « Je serais ravie si elle entame une carrière artistique », confie-t-elle, heureuse.
« J’ai beaucoup gagné en connaissances », témoigne de son côté Kévin Kounasso, un étudiant de 19 ans. « Avant, avoue-t-il, je ne savais pas faire des pas de danse. En fait, c’est à cause de la danse que j’ai intégré le groupe. Mais j’ai vite compris qu’après la danse traditionnelle et moderne, il y a l’humour et la comédie donc ça m’a encore plus émerveillé et m’a donné l’envie de continuer »
Satisfaction totale du côté de l’équipe d’encadrement également. Olatoundji Humber Boko, comédien et metteur en scène est celui qui a initié les jeunes au théâtre durant la période. « Un enfant qui n’avait jamais fait le théâtre, qui se présente devant un public pour prendre la parole, c’est un acquis. A voir la réaction dans le public je suis satisfait. Je félicite les enfants », témoigne-t-il.
Olatoundji Humber Boko souhaite que « ça continue ». Car, « On a fait la découverte de beaucoup de talents parmi ces enfants. Si on lâche ces enfants maintenant c’est qu’on a rien fait, on aura tout perdu. Il faut faire un suivi de ces enfants pour que demain ils aient le choix de décider du théâtre comme moi ou s’ils veulent de la danse ».
Hélas ! le projet n’a pas prévu un volet suivi. « Il s’agit d’un projet de sensibilisation à l’art. Donc l’idée n’est pas de trouver des talents et de les suivre, non. L’idée c’est de faire en sorte que la pratique artistique ne soit plus une chose tellement nouvelle [pour les populations, ndlr] », rectifie Giovanni Houansou, directeur du projet.
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« La Troupe des ados de Togoudo » est un projet porté par l’association Sudcréa dirigée par le dramaturge Sèdjro Giovanni Houansou. Il est financé par l’Institut français du Bénin (Ifb) dans le cadre de son dispositif d’aide à l’implantation territoriale d’équipes artistiques. L’objectif est de rapprocher les populations de Togoudo de l’offre artistique en arts vivants. « Ce qu’on vient de voir là met l’art, l’expression au centre, qui montre aussi que l’on est tous porteur de poésie, d’envie de dire des choses, de partager. Là on a une belle troupe en gestation. J’ai trouvé que c’était très édifiant ! », s’est exclamée Fabienne Birdoux, directrice de l’Ifb à l’issue de la restitution.
« La Troupe des ados de Togoudo » restera une empreinte indélébile du projet. Elle est constituée d’une vingtaine d’enfants du quartier, âgés entre 8 et 19 ans. Les consommateurs des prestations ne seront que leurs propres parents. « Le projet c’est d’arriver à implanter ici un petit groupe qu’on appellera « la Troupe des ados de Togoudo ». Quand on dira groupe il ne s’agira pas de voir les individus mais plutôt le creuset dans lequel les enfants et les adolescents peuvent venir s’initier à la danse et au théâtre juste pour la communauté, les besoins du quartier. C’est ça l’idée. Donc les gens vont venir ici, on va inviter les enfants qui vont faire des ateliers de formation et après on fait la restitution. Petit à petit le quartier va commencer par s’habituer à ce lieu comme étant un espace où ils peuvent venir voir des spectacles », indique Giovanni Houansou.
Déforestation, insalubrité…
Instant théâtre après un plateau chorégraphique. Une dizaine de jeunes vient mettre en terre des plantes sur l’espace ensablé du podium. A leur départ, une « dame » monte sur scène. Alléguant d’avoir faim, elle coupe sans vergogne. En quelques coups de machettes, tout est à nouveau désert.
La séquence alerte sur les ravages de la déforestation avec pour sévère corollaire, le réchauffement climatique. « Elle se meurt, notre terre, Elle se réchauffe, Elle suffoque, Elle vivote, Elle tremble, Et elle tombe », déclame ensuite un acteur.
Un autre plateau s’attaque plutôt à l’insalubrité à Togoudo. Jet d’eaux usées dans les rues, dépôt d’ordures çà et là. De l’incivisme qui n’est pas sans conséquence. Le prix, la prolifération par exemple des moustiques qui assaillent les populations de la localité. L’acteur éponyme souffre justement de fièvres, ne peut dormir la nuit et ses gémissements interminables indisposent l’entourage. « Toi et moi nous sommes un, si je meurs, tu meurs », lui objecte un moustique dans la peau d’un personnage.
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« La Troupe des ados de Togoudo », se veut une troupe de proximité qui travaille les thématiques du quartier : écologie, sécurité, éducation des enfants… « Les divers thèmes abordés reflètent les préoccupations des habitants du quartier ; enfants, jeunes et adultes que nous avons interrogés par le biais de deux jeunes auteurs issus de notre dispositif Échafaudages », précise Giovanni Houansou.
Esther Iriko Doko fait partie desdits auteurs en formation pour être des dramaturges. En prélude aux ateliers, elle a participé à l’immersion dans les maisons de Togoudo. Tout comme ses collègues, elle a discuté avec les habitants et a recueilli les problèmes qu’ils rencontrent.
« Cela nous a permis de sortir des thématiques sur lesquelles on devrait écrire. Quels sont les problèmes à Togoudo qu’on peut aborder en vue d’un changement ? Nous les avons recueillis. Après l’écriture il fallait également corriger, pour savoir si c’était bien pour la mise en scène, pour que ça puisse véhiculer le message qu’on voulait », récapitule Esther Iriko Doko.
« On est très satisfait. Vous avez vu les enfants, ils se sont amusés, ils étaient très contents. Les parents aussi étaient contents. C’est ça l’idée, essayer de les sensibiliser un peu à la pratique artistique et ludique », a renchéri Giovanni Houansou.