Après dix jours de résidence, les compagnies ‘’Ayé Panik’’ du Français Philippe Krebs et ‘’Soc et Wac’’ de Segun Olabisi ont présenté leur travail sur le spectacle Le Roi chap chap vendredi 27 janvier à l’espace culturel Le Centre de Lobozounkpa (Abomey-Calavi). Malgré la fatigue due à une intense répétition, la performance de l’équipe a forcé les acclamations du public restreint.
Par Sêmèvo Bonaventure AGBON
Une présentation « à poils », souligne d’entrée Segun Olabisi. La précision est utile, car l’absence d’espace et d’accessoires nécessaires ne permettrait pas de cerner le spectacle dans toute sa majesté. « On a jonglé, on prend note de vos observations », poursuit-il.
N’empêche ! le travail dont une étape est présentée amène tout de même à se rendre compte du projet artistique ambitieux bâtit autour de l’histoire du « Roi chap chap ». Le « Roi chap chap », est ici décrit comme un dirigeant que le peuple adore pour son humilité. Mais qui a décidé de ‘’partir’’ au regard des maux qui assaillent son peuple (épidémies, guerre en Ukraine, terrorisme)…
« Lui ce n’est pas son souhait pour le monde. Lui veut que tout aille bien, qu’il y ait le paradis sur terre. Face au chaos, il préfère aller ailleurs plus tôt que de mener cette vie. Quand le roi est mort, le peuple n’a pas voulu qu’un autre prenne sa place. D’où tout l’amour et la vénération qui entourent la statue qui le symbolise. Le peuple qui l’a choisi lui maintien son amour et se dit : même s’il n’est plus là, on garde son image, parce que nous l’aimons, on va le retrouver », récapitule Olabisi.
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Récit « susceptible de multiples interprétations », reconnaît Philippe Krebs, auteur du texte. Dans un sens littéral, le public pourrait être tenté d’y voir de la lâcheté voire de l’irresponsabilité de la part du Roi. Mais attention ! Le texte de Krebs se veut du « théâtre poétique ». Et donc, au-delà de cette compréhension profane, il serait plus intéressant de voir dans l’attitude du Roi chap chap, le « courage de disparaître du tumulte du monde pour retrouver son intériorité afin de revenir plus fort ».
Fusion artistique
Différentes performances aussi riches les unes que les autres se succèdent : de l’opéra à l’africaine, de la transe à l’acrobatie en passant par les roulades. Impossible d’occulter les parties hip pop, chants et danse où toute l’équipe fait montre d’une synchronie, puissance et maîtrise qui font frissonner. Le projet a surtout la particularité de réussir à fusionner théâtre, chorégraphie, cirque …avec les mêmes acteurs.
S’y ajoutera un volet croustillant « aérien où le public verra des filles qui voltigent dans les airs » mais que le cadre du Centre n’a pas permis de réaliser. « Nous avons présenté cette étape du travail par respect pour l’endroit : on a envie de remercier ‘’Le Centre’’ de nous avoir laissé travailler ici. Sinon, il n’y a pas la costume, la sonorisation, la scénographie, il manque des morceaux de scène », explique Philippe Krebs. « On vit à une époque où tout est syncrétique : les religions, mais aussi l’art, la culture. On est dans le syncrétisme. Tout vient se métisser. On est dans le côté interconnexion entre les individus de par les formes artistiques que chacun développe », souligne-t-il. Gagner ce « pari fou », a nécessité, dévoile-t-il, l’appui de professionnels de chaque discipline.
Le spectacle porte les marques culturelles du Bénin. Ce serait une gaffe, soutient l’auteur du texte, que de créer une œuvre au Bénin, sans parler des rois avec Abomey, sans incorporer des éléments comme la Récade, le Fa tout comme l’Amazone. Toutefois, ici, les empreintes identitaires se passent de tout conservatisme. Les deux patrons de compagnies osent casser les normes. « Quand on fait une création, moi j’essaie d’aller contre la norme, et faire autrement », justifie Segun Olabisi.
Ainsi, là où le Fa est évoqué, le ‘’agunmaga’’ (chapelet divinatoire) ou les cauris, sont remplacés par « trois chapeaux » en raphia. Surprise dans le public, notamment chez Marion Hammard, la directrice du Centre. « C’est fabuleux, j’ai trouvé la métaphore superbe ! », s’exclame-t-elle, pas trop fan elle aussi des codes.
Chanteuse de profession, l’unique femme de l’équipe, Tina Akakpo s’est montrée touche à tout. Sa présence assure le côté féministe de l’œuvre. Dans la société actuelle « il est important de redonner aux femmes ce qui leur appartient, une forme de pouvoir face à u 110ne masculinité dévorante », soutient Philippe Krebs.
Y. Foly s’est mépris sur la performance de cette Amazone, avant de se fondre en « félicitations » en apprenant qu’ « Elle est chanteuse, pas danseuse », et surtout « d’avoir pu faire tout ça malgré la fatigue, en deux semaines », comme l’a révélé Segun Olabisi.
Tournée ouest africaine
Le Roi Chap chap se donne un destin sous régional. Il sera accueilli dans cinq pays d’Afrique de l’Ouest, à savoir le Bénin, Togo, Ghana, Côte d’Ivoire et le Sénégal. Sa création complète nécessite un an et demi de résidence. L’étape de travail à l’espace Le Centre est la deuxième sur quatre.
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Elle a démarré en juillet 2022 dans les Pyrénées avec deux danseuses aériennes. Toute l’équipe se retrouve à la Villa Karo à Grand Popo en novembre 2023 pour deux semaines de travail. « A l’issue de cette résidence, le premier vrai spectacle du Roi Chap Chap ce sera à la Villa Karo », annonce Philippe Krebs.
©Le Centre/Page Facebook
