L’Église protestante méthodiste du Bénin (Epmb) a lancé, dimanche 19 février 2023, la quinzaine des 180 ans de son existence à travers un culte d’hommage au missionnaire britannique Thomas Birch Freeman, célébré en l’église locale ‘’Saint Esprit’’ de Ouidah. Cette ville est la terre d’accueil de celui qui a fondé le 6 mars 1843, la première communauté chrétienne au Danxomè, actuel Bénin.
Par Sêmèvo Bonaventure AGBON
Une vingtaine de pasteurs, des centaines de fidèles. Ce dimanche 19 février 2023, le premier temple méthodiste ayant vu le jour au Dahomey en 1843 -restauré en 2011- a accueilli le culte de lancement de la quinzaine des 180 ans de l’Epmb. La célébration proprement dite étant fixée au dimanche 5 mars 2023 au Stade Mathieu Kérékou de Cotonou.
La période d’avant sera faite de séances de prière et de jeûne dans toutes les églises. La quinzaine inclut également, les préparatifs du Synode biennal de l’Église avec la session pastorale dès mardi 28 février et la session plénière, le 1er mars 2023.
Lors du culte, l’Epmb s’incline devant la mémoire de deux anciens présidents décédés la même semaine ; les pasteurs Nicodème Ibiladé Alagbada, le 6 février à 64 ans, et Samuel Zannou Oke, deux jours après à 81 ans.
Au départ, un missionnaire
Célébré par la première haute autorité spirituelle de l’Église, le culte de lancement de la quinzaine des 180 ans aborde essentiellement le « souvenir de l’œuvre inoubliable qu’a accompli le missionnaire Thomas Birch Freeman ». L’hommage est marqué de façon indélébile par l’inauguration d’un mémorial apposé à la façade principal du temple de Ouidah.
En provenance de Badagry, au Nigeria où il a implanté aussi les germes du méthodisme, le missionnaire Thomas Birch Freeman avait foulé le sol béninois à partir de Ouidah. Le 6 mars 1843, le roi Guézo lui accorda une rencontre à Abomey. Les fondations de la première communauté chrétienne au Bénin venaient ainsi d’être posées.
En lançant donc la célébration des 180 ans d’existence de l’Epmb à Ouidah, la communauté revient sur les traces de Freeman « pour montrer que Ouidah joue un rôle de premier plan dans la vie de notre Eglise », justifie, dans son sermon, Son Eminence Rév. Kponjesu Amos Hounsa, président de l’Epmb. L’Église, poursuit-il, salue aussi « l’hospitalité légendaire de la terre de Ouidah, l’hospitalité légendaire du royaume du Danxomè couronnée par l’accueil du roi Guézo ».
Elle se souvient donc de tous les « héros ici à Ouidah et à Abomey qui ont favorisé l’implantation de la première communauté chrétienne dans l’ex Dahomey », insiste Rév. Kponjesu Amos Hounsa. « À travers Freeman à Ouidah, Dieu s’est révélé, Dieu s’est manifesté à tout le Bénin », a-t-il salué.
« La mission de partout vers partout »
Le message du président Kponjesu Amos Hounsa, insiste surtout sur le devoir chrétien de retrouver l’esprit missionnaire ayant caractérisé aussi bien Thomas Birch Freeman que le fondateur du méthodisme mondial, John Wesley. « A l’instar de John Wesley, à l’instar de Freeman, chacun de nous est investi pour la mission ; la mission de partout vers partout ».
Esaïe Dègnon, président du ‘’Comité stratégique d’organisation des 180 ans’’ mis en place depuis 2018, est de cet avis. L’Epmb ne fera pas une célébration superficielle de ses 180 ans :
« L’objectif global de cet événement anniversaire, est de permettre à l’Epmb d’accroître son témoignage missionnaire à travers le renforcement de la capacité spirituelle de ses membres et l’augmentation de ses œuvres de témoignage socioéconomiques par une œuvre dynamique », souligne-t-il lors du culte.
Les 180 ans d’existence constituent alors, un moment important d’évaluation et d’édification :
« Il était impérieux que l’occasion permette de rappeler aux jeunes générations et à toute l’opinion publique et internationale les bases historiques de l’évolution de l’Epmb, faire le bilan de l’œuvre d’évangélisation de l’Epmb à ce jour et étudier les techniques d’implantation pouvant permettre à l’Epmb d’occuper son champ missionnaire et sa présence permanente parmi les peuples ; et, de manière remarquable, marquer d’une séquence pertinente et particulière le parcours missionnaire, évangélique de l’Epmb, rechercher le témoignage social et économique de l’Epmb », poursuit Esaïe Dègnon.
Hauts et bas
Clergé et laïcs n’ont pas oublié les soubresauts qui ont jalonné le long parcours existentiel de l’Epmb. Fondée par Thomas Birch Freeman, elle était, au départ, dépendante de l’Église mère de Grande Bretagne. Après 150 ans de tutelle britannique, elle devient autonome en 1993.
Très tôt, une crise institutionnelle éclate et dure 20 ans. Le calme est revenu depuis 2017 grâce à la médiation du chef de l’État Patrice Talon. La réconciliation et la réunification des deux ailes rivales ont abouti à l’élection d’un président, le Rév. Amos Hounsa.
Les crises au sein de l’Epmb ont entrainé la désertion de plusieurs fidèles dont certains ont fondé d’autres Églises protestantes ou évangéliques. Rév. Amos Hounsa rassure que l’institution religieuse méthodiste a désormais tiré toutes les leçons de ces moments difficiles de son histoire:
« L’Epmb a connu des difficultés comme toute communauté humaine. Même dans un couple on a des difficultés, mais l’essentiel c’est de les surmonter, de parvenir à s’entendre pour bâtir l’avenir. Nous avons tiré les leçons de ces difficultés et nous prions le Seigneur de nous aider par la foi, par le truchement du Saint esprit à surmonter ces difficultés et de montrer que l’Epmb est une Église modèle, une Église qui veut que les uns et les autres viennent adorer le Seigneur dans la paix, dans la quiétude et dans la joie pour le salut de l’Homme et de tout l’Homme ».
Les femmes, acceptées au ministère pastoral dans l’Epmb, entendent contribuer à ce processus. « En 180 ans tout n’est pas parfait. Il y a des défis à relever, nous venons de très loin après la crise. Les femmes continuent de travailler pour la consolidation de l’Église », rassure la Révérende Past. Philomène Akiyemi Zannou Tchokpo, aumônière des femmes dans la région synodale Cotonou/Akpakpa.
L’Epmb en chiffres
En 2013, l’Institut national de la statistique et de l’analyse économique (Insae) dans son Recensement général de la population et de l’habitation (Rgph 4), recensait 3,4% de méthodistes Béninois. Mais les chiffres ont évolué. Dix ans après, l’Epmb compte aujourd’hui plus d’un million de fidèles, à en croire le pasteur Fritzel Ogouma, chargé de communication de l’institution confessionnelle.
Elle regroupe également, toujours selon lui, plus de 1000 églises locales réparties en 19 régions synodales. En matière de ressources humaines, l’œuvre d’évangélisation dans l’Epmb mobilise 4000 prédicateurs et 315 pasteurs.
Sur le plan socio-éducatif, l’EPMB est très engagée. Elle dispose d’écoles (Csp Gbéto, Akpakpa, Godomey…), d’hôpitaux –dont la plus emblématique Polyclinique ‘’Le Bon Samaritain’’, de crèche-garderie et centres de formation.
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Toutefois, en tant que première Église au Bénin et avec 180 ans d’existence, l’Epmb devrait être plus avancée qu’elle ne l’est actuellement. Une Église postérieure à elle, comptait en 2013 selon le Rgph4, 6,7% de fidèles, soit le double de celui de l’Epmb.
Une « multiplicité de causes » explique le retard en termes de croissance numérique pris par l’Epmb, selon le Rév. Sègbégnon Mathieu Gnonhossou, professeur de missiologie wesleyenne à l’Université protestante d’Afrique de l’ouest (Upao) et président du ‘’Mouvement de réveil méthodiste’’ :
« Il y a eu, dès le départ, plusieurs pesanteurs y compris ceux politiques ayant milité en défaveur du progrès méthodiste, malgré ou à cause de sa dimension anti-esclavagiste et par suite logique, anticoloniale ». Ainsi, « Dans les années après Guézo, le méthodisme rencontra des oppositions farouches de la part des successeurs du roi et des gouverneurs Français…. Le méthodisme étant d’origine britannique, son traitement par les autorités françaises n’était pas de la rosée, ce qui défavorisa les méthodistes… »
Réveil spirituel, davantage d’investissement dans le développement socio-économique, ce sont les engagements de l’Epmb pour les lendemains de ses 180 ans.