Il n’y a plus la centralité de Dieu au sein de l’Église protestante méthodiste du Bénin (Epmb), déplore Tobias Gbaguidi, prédicateur laïc “Plein droit” et vice-président de la région synodale des Monts (département des Collines). Nous l’avons rencontré à la session plénière du Synode biennal quelques heures avant la réélection à un second mandat du président Kponjesu Amos Hounsa. A celui-ci il reproche « sans langue de bois » une gestion matérialiste.
Propos recueillis par Raymond FALADE
Bénin Intelligent : L’Epmb tient son synode biennal 2022 au temple Jérusalem de Yenawa, à Akpakpa, Cotonou. Quel est le sens de cette édition pour l’Église ?
Tobias Gbaguidi : Le synode biennal 2022 est un synode particulier pour l’Epmb parce qu’il va connaitre l’élection d’un nouveau président, d’un nouveau vice-président et d’un nouveau secrétaire général. C’est un synode à enjeu très important parce que cela va définir la suite que nous voulons donner à notre Église.
Beaucoup d’informations terrifiantes ont futé ces derniers jours sur l’Epmb. On parle même d’une nouvelle crise. Est-ce que vous, de l’intérieur vous confirmez que, il y a un malaise aujourd’hui au sein de l’Église ?
Ne pas le reconnaitre, ce serait un péché devant le Seigneur. Il y a malaise au sein de notre communauté. Il y a même une crise qui couve parce que ça ne va pas. La direction actuelle a commis beaucoup de gaffes et je pense que si on ne change pas de direction, on ne va plus parler d’Église, on va parler plutôt de regroupement mondain.
Alors que l’Église d’abord, c’est la connexion avec Dieu. Il y a des principes éthiques, il y a des normes morales. Donc, ces principes doivent revenir. Les autres pour moi ce sont des détails. Si on reste sur ces fondamentaux, je pense que, on s’accorde et c’est sur ces fondamentaux que nous voulons travailler.
Sans langue de bois, est-ce à dire que le mandat du président Kponjesu Amos Hounsa [réélu pour un second mandat de cinq ans, ndlr] n’a pas comblé les attentes et il faut changer complètement de cap ?
Moi je ne peux parler qu’en mon nom personnel. Je pense que non, le premier mandat du Rév. Hounsa n’a pas comblé les attentes. On peut même avoir les réalisations et tout, ce qui n’est pas forcément confirmé. Mais au niveau spirituel, ce n’est pas ce que nous voulons.
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À l’Église, c’est le spirituel, à l’Église c’est la centralité de Dieu, la place qu’on accorde à Dieu. Moi je ne pense pas en tant que simple fidèle qu’on accorde la place qu’il faut à Dieu. On accorde la place à l’argent, on accorde la place au pouvoir.
Comment comprenez-vous alors qu’à la session pastorale, le président Amos Hounsa ait pu quand même réunir plus 103 voix sur 198, pour être en lice à la session représentative au côté de Célestin Kiki ? Comment vous comprenez ce plébiscite ?
Tobias Gbaguidi : Moi cela ne m’a pas étonné en tant qu’observateur. Pour être pasteur, c’est quoi ? Le pasteur c’est celui qui encadre un troupeau, des brebis. Pour être pasteur, il faut une condition sine qua non à laquelle nous on ne fait plus attention dans l’Epmb. Cela fait partie des réformes qu’on doit faire urgemment.
Vous ne pouvez pas ne pas être sauvé et être pasteur. Il y a beaucoup d’inconvertis. Ce dont on parle, il y des gens qui ne mesurent pas l’enjeu. Ils ne peuvent pas le mesurer parce que, il y a encore du travail à faire sur eux-mêmes. Donc, c’est normal si on fait des promesses à des gens…
Ceux qui sont autour du matériel, ils peuvent faire ce qu’ils veulent. Mais je crois qu’il y a des gens qui s’élèvent au-dessus du matériel pour voir objectivement si nous sommes cohérents avec la volonté de Dieu. C’est de cela qu’il s’agit.
Donc, ce plébiscite c’est ainsi qu’il peut s’expliquer. Il y a beaucoup de pasteurs non convertis. Il y a des pasteurs même peut-être qui sont convertis, mais qui sont attachés au matériel parce qu’on leur a fait des promesses de postes.
Quelles sont vos assurances que le « camp » qui tient au spirituel pourrait remporter ?
Tobias Gbaguidi : Pour vous dire vrai, humainement je n’ai aucune assurance. Ma seule assurance, c’est Jésus Christ, c’est la volonté de Dieu, c’est la souveraineté de Dieu. Dieu peut, s’il veut manifester sa souveraineté dans un camp comme dans un autre. Moi je m’attends seulement à la main souveraine de Dieu. Mais comme calcul humain, je n’en ai pas.
L’Epmb a 180 ans d’existence. Ce renouvellement du bureau intervient donc à un moment crucial. Qu’est-ce que cela vous inspire ? Une simple coïncidence ?
Pour Dieu, il n’y a pas de hasard. A travers cette coïncidence, Dieu nous appelle à la réflexion. Dieu nous appelle à nous interroger nous-mêmes. Cela me rappelle le message de l’apôtre Paul aux Corinthiens. J’ai encore beaucoup de choses à vous dire. Mais vous êtes lents à comprendre. Vous êtes encore au lait.
180 ans, c’est comme un enfant qui a besoin de grandir. 180 ans, on ne mange pas encore de la nourriture sérieuse. On est encore au lait et c’est triste. Mais c’est un message de Dieu. Si nous commençons à manger de la nourriture, nous allons grandir rapidement. C’est un message de Dieu.
Qu’est-ce que vous attendez du nouveau bureau qui sera élu à l’issue de ce Synode biennal qu’il soit d’un camp ou dans l’autre ?
Tobias Gbaguidi : La restauration de l’image de l’Église. Aujourd’hui, on ne sent plus qu’on est à l’Église. On est dans une association. Il n’y a pas la centralité de Dieu. Il faut remettre Dieu à sa place à tous les niveaux. C’est cela l’enjeu pour moi quel que soit le bureau qui sera élu. Ils doivent en faire un chemin de bataille.
Je ne parle pas de l’extérieur qui ne nous respecte pas mais à l’intérieur même, ceux qui ont un peu de grain de foi, qui craignent encore Dieu savent que ce n’est pas ça, au point où moi je suis arrivé à dire à ma famille, il faut une prise en charge individuelle.
Chacun va prendre en charge sa foi et moi je suis élu pour travailler à envoyer au ciel ma femme et mes enfants et j’y travaille parce que ce qui se passe n’est pas bon. Si Dieu nous a introduits dans une Eglise, nous avons le devoir de travailler pour le rayonnement de cette Église, pour la restauration de cette Église. C’est ce que moi j’attends.