Home Actualité Rencontre-discussion en hommage à Ludovic Fadaïro : Partage de visions avec la jeune génération

Rencontre-discussion en hommage à Ludovic Fadaïro : Partage de visions avec la jeune génération

Par Sêmèvo Bonaventure AGBON
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• « On ne forme pas d’artiste à l’école des beaux-arts ».

• « C’est avec les difficultés que l’artiste crée »

• « Le problème de l’art contemporain n’est pas un problème de support mais un problème de préoccupation ». 

Viyé Diba, Siriki Ky, Abdoulaye Konaté, Mathilde Moreau, Barthélémy Toguo. Des figures emblématiques de l’art contemporain en Afrique de l’ouest réunis en un même cadre, l’espace culturel ‘’Le Centre’’ sous la modération d’Ousseynou Wade. Une occasion rare offerte, mercredi 15 février 2023, à un public de jeunes artistes assoiffés d’expériences et de conseils afin d’assumer ou de perfectionner leur talent. La rencontre-discussion s’inscrit dans le cadre de l’hommage au doyen Ludovic Fadaïro à l’occasion du FinaB.

Par Sêmèvo Bonaventure AGBON

Vécus, conseils, regard sur l’avenir de l’art. C’est l’une de ces rencontres enrichissantes d’où on sort à la fois, édifié et bouleversé. Il y a, en effet, quelque chose de terrifiant d’apprendre qu’on fait « fausse route » en entrant dans une école d’art dans le projet de devenir artiste.

« On ne forme pas d’artiste à l’école des beaux-arts. Il n’y a pas une école pour être artiste », assume pourtant Viyé Diba, professeur d’art au Sénégal. A l’école, « Il s’agit de vous révéler à vous-même. Il s’agit de confirmer la personnalité que vous êtes, prendre conscience de vous-même, de votre potentiel. L’école donne les instruments pour accélérer cette prise de conscience de votre potentiel. L’école c’est juste une transition », développe-t-il.

Opinion qui ne rencontre pas d’objection auprès des autres doyens. « Chacun est artiste en lui. A l’école, on apprend les techniques », enfonce Siriki Ky. Mais ces propos ne viennent pas émasculer les écoles. Espace de transition, elles demeurent « très importantes pour la formation ».

Le Camerounais Barthélémy Toguo en a fréquentées plusieurs. Avec la particularité d’être resté guidé par « l’envie d’aller toujours vers les gens », de découvrir d’autres choses. La formation dans une école ne perd pas de sa pertinence à ses yeux. « J’ai eu la chance de quitter le Cameroun », se réjouit-il. Eternel insatisfait, la quête permanente de découvrir de nouvelles choses, l’a amené d’abord en Côte d’Ivoire, puis à Grenoble, Amsterdam, etc. « J’avais envie d’aller toujours vers les gens, d’aller découvrir. Il faut que vous soyez comme ça aussi », exhorte-t-il.

S’ouvrir

Le Bénin ne dispose d’aucune école des beaux-arts à ce jour. Le gouvernement y a pensé. Le ministre Jean-Michel Abimbola a annoncé, en décembre 2021 à l’occasion des « Nuits artistiques et culturelles de Cotonou » (Nacc), la création d’une « structure performante, à l’image d’une école des beaux-arts, mais pluridisciplinaire d’envergure, qui intègre tous les arts visuels et scéniques, y compris le théâtre ».

En attendant sa concrétisation, il y a de quoi combler ce désert : l’école des ainés. « La jeunesse doit prendre un peu exemple sur nous », reconnaît Siriki Ky. « Allez voir vos grands frères qui ont un parcours élogieux… », recommande Barthélémy Toguo.

Il cite entre autres le plasticien Romuald Hazoumè, Meschac Gaba, peintre-sculpteur et le plasticien Dominique Zinkpè. « Ils ont un bagage professionnel énorme » « dont vous devez profiter », témoigne-t-il au public tout ouï.

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Il est alors contreproductif alors de travailler en reclus. « Il faut travailler devant tout le monde et avoir le point de vue de tout le monde. Parfois, il est important pour vous d’appeler des amis, des confrères artistes, vos amis, copines, parents pour qu’ils viennent voir votre travail. C’est ce que je dis aux jeunes étudiants des écoles des Beaux-Arts qui cachent ce qu’ils font… », insiste-t-il.

Dans le processus de création, les écueils constituent des stimulants. « C’est avec les difficultés que l’artiste crée », assène Ludovic Fadaïro. Abdoulaye Koné l’appuie avec une boutade assez expressive : « Quand on en a plus, on est bon pour la tombe ».

Préoccupation

Créer ex nihilo, ce n’est pas de l’art, à en croire le sénégalais Viyé Diba. L’artiste doit vivre son temps tout en s’inscrivant dans le temps. « Il faut s’intéresser aux événements contemporains qui nous touchent », dit-il, évoquant en exemple l’épidémie d’Ebola, la guerre en Ukraine et « le Sida qui sévit depuis plus de quarante ans ».

L’art doit traiter des préoccupations. Car « en créant on reflète les préoccupations géostratégiques du monde ». C’est pourquoi, la montée du numérique ne l’ébranle guère. Le peintre de la deuxième génération du mouvement de « L’Ecole de Dakar », estime que « Le problème de l’art contemporain n’est pas un problème de support mais un problème de préoccupation ».

Ainsi, l’artiste doit se préoccuper des grands enjeux qui engagent l’avenir du monde. Pour donner l’exemple, Viyé Diba dénonce « Le projet du monde libéral », celui « de remplacer l’Homme par la machine ».

Philosophie

Au-delà des vécus, des intervenants dont Gaël Sankara Davo et Gildas Amètonou ont poussé les invités à dévoiler leurs philosophies de l’art. On dirait que ceux-ci s’attendaient à la question.

Viyé Diba, 68 ans, était très inspiré tout comme ses collègues. « Un artiste, il est un produit de l’histoire. Nous sommes tous un produit de l’histoire, il faut que les gens comprennent » soutient-il. Aux jeunes, il recommande de se découvrir.

« Le plus important pour chaque artiste c’est de découvrir sa particularité parce que chaque artiste est particulier. C’est quand vous arrivez à découvrir votre particularité que vous êtes artiste, avant ça vous êtes en mouvement. Avoir sa personnalité c’est le plus important ».

Pour y arriver, il faut de la connexion à son environnement. « Vous appartenez à un espace qui a une énergie visuelle, sonore, lumière, etc. Votre rôle c’est de vous situer par rapport à ces énergies, à les capturer et à les transférer à travers des matériaux, des espaces. Au fond, c’est ça », se veut-il plus explicatif.

En plus de ce qu’il préconise, notamment quant au regard artistique sur l’actualité géostratégique, Abdoulaye Konaté lui, insiste sur le recours à « sa » culture.

« On est plus proche aujourd’hui de notre culture que avant quand on recevait la formation. Ce que je vous demande, c’est d’avoir la confiance en votre culture. C’est quelque chose de très important. Il faut connaître la culture des autres, mais creusez, essayez de comprendre votre culture et n’ayez pas honte de votre culture. Elle a été longtemps sous veilleuse. Votre culture ne fait qu’apporter un plus à la culture universelle », a-t-il développé.

Hommage

Ludovic Fadaïro mérite des hommages. Les grandes figures de l’art contemporain en Afrique de l’ouest réunis à l’occasion de la discussion, « Il les connait tous individuellement. Il a partagé avec chacun d’eux des expériences, des moments de réflexion, de discussion et des moments de création également », révèle le modérateur Ousseynou Wade.

« Ils ont profité du Festival International des Arts du Bénin (FinaB) pour faire venir ces grands créateurs de l’Afrique de l’ouest qui ne sont plus à présenter, avec qui on a partagé et on continue de partager jusqu’au dernier pinceau », a entériné Ludovic Fadaïro. « Ils seraient venus et partis sans parler avec vous, sans vous entendre et que vous ne les écouter pas, aurait été un échec », assure-t-il.

« Diplômé de l’école d’art ‘’Artist’school’’ d’Amsterdam et de l’atelier des Beaux-Arts de Paris, Ludovic Fadaïro, à 23 ans entame des recherches fructueuses dans ce domaine et prend part, pour sa première fois, à une foire internationale d’exposition qui s’est déroulée à Cotonou en 1970 », écrit à son sujet le quotidien Matin Libre.

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