Les Bokonon organisent en leur sein un recensement général sur initiative de l’Association des Fagbassa et Boconon du Bénin (Afab). L’opération se déroule du 2 avril au 30 mai. Elle vise à assainir la corporation et à en défendre les intérêts. Koffi Aza, le président du Conseil national des cultes endogènes du Bénin (Conaceb) qui coordonne l’opération, exhorte ses collègues à se mobiliser.
Propos recueillis par Sêmèvo Bonaventure AGBON & Raymond FALADE
Bénin Intelligent : Pourquoi recenser les Bokonon aujourd’hui ?
Koffi Aza : Un tel recensement vise beaucoup de choses. La fonction de Bokonon se professionnalise de plus en plus. Ce n’est plus comme hier où le Bokonon avait d’autres choses qu’il fait, ou avait d’autres structures, des champs. Aujourd’hui, il y a des personnes qui se consacrent entièrement à la profession de Bokonon. Donc, ça se professionnalise davantage. Il y a lieu d’assainir le milieu parce qu’il est pris d’assaut par tout le monde.
Deuxième chose, ces derniers temps, nous sommes un peu peinés de voir certains de la corporation ou non, être impliqués dans des affaires de cybercriminalité. Est-ce que tout cela est vérifié ? Il y en a selon nos investigations qui sont vérifiés et il y en a qui ne sont pas vérifiés. Mais personne n’est à l’abri parce que, celui qui vient vers le Bokonon et dit : « je veux des savons de chance ou je veux faire des consultations, je veux faire des sacrifices », vous ne pouvez pas savoir tout ce qu’il fait. Même si vous lui demandez son occupation, il va vous dire ce que vous allez entendre, ce qui l’arrange. Ce qui fait que personne n’est à l’abri.
« Aussi, nous voudrions disposer d’un fichier clair sur tous ceux qui exercent ce métier de Bokonon sur toute l’étendue du territoire. Ce qui nous permettra de savoir qui est qui, qui est où, qui fait quoi. »
Nous avons décidé alors de nous mettre ensemble davantage et avoir un conseil, avoir un avocat qui pourra nous aider, nous orienter en cas de souci. Aussi, nous voudrions disposer d’un fichier clair sur tous ceux qui exercent ce métier de Bokonon sur toute l’étendue du territoire. Ce qui nous permettra de savoir qui est qui, qui est où, qui fait quoi. Cela va mieux nous motiver pour que nous pussions nous mettre ensemble davantage pour des interventions futures pour le mieux-être de notre corporation. Il faut également souligner que, autant que nous sommes, nous avons intérêt à nous mettre ensemble pour défendre nos intérêts surtout nos intérêts institutionnels. Nous y tenons aussi.
Quels sont les garde-fous que vous envisagez pour que dans ce recensement, n’importe qui ne soit enregistré alors qu’il n’est pas Bokonon en réalité ?
Vous savez, tant que la profession n’est pas assainie, on ne pourra pas avoir beaucoup de garantie. Mais là maintenant, on ne pourra pas exclure des gens, on ne peut pas faire un recensement exclusif, on est obligé de prendre d’abord tout le monde parce que nous avons d’autres objectifs derrière.
Quand on va prendre tout le monde et que la personne est censée être Bokonon, nous allons investiguer par la suite et voir quel est son niveau de compétence, quelle est sa maîtrise ; parce que dans un avenir très proche, nous envisageons mettre en place deux grands centres. Il y aura un centre de formation et de perfectionnement.
On a prévu également mettre en place une Académie des sciences et techniques du Fâ. Ce centre-là, celui qui n’est pas suffisamment mur, qui n’est pas suffisamment formé, ne maîtrise pas suffisamment l’art divinatoire, on le renvoie au centre et il a le devoir d’aller au centre pour se faire perfectionner. Cela peut durer un an, deux ans.
Il peut toujours continuer par exercer mais on va lui donner beaucoup plus d’outils pour mieux satisfaire la population. Quant à ceux qui sont déjà à un niveau de maîtrise satisfaisante, nous allons leur faire passer des textes pour les accepter au niveau de l’Académie des sciences et techniques du Fâ. Et ceux-là, les expériences qu’ils ont capitalisées, on va pouvoir les consigner comme mémoire. Ils doivent laisser des mémoires pour la postérité. Ce qui fera que nous, on aura de la matière de recherche à partir de ces mémoires-là que ces ainés vont laisser pour la postérité.
Y a-t-il un travail préalable afin tout le monde soit recensé ?
Le Bénin est vaste. C’est pour cela qu’on a prévu deux mois pour faire le recensement. Nous avons déjà commencé par communiquer. Après le lancement, on aura deux mois pour recenser tout le monde sur toute l’étendue du territoire. Là où nous avons nos représentants à travers le pays au niveau de l’Association des Fagbassa et Bokonon du Bénin (Afab) et au niveau du Conseil national des cultes endogènes du Bénin (Conaceb), nous allons fédérer les efforts pour que tout le monde soit recensé.
« On ne peut pas fixer une grille tarifaire, ça va être très compliqué parce que c’est tout comme si vous demandez au Bokonon par exemple qui exerce à Cotonou d’adopter les mêmes tarifs que le Bokonon qui exerce par exemple à Glazoué : ils ne vont pas sur les mêmes marchés, ils ne subissent peut-être pas les mêmes pressions d’impôt »
Après le recensement, puisque ce sera une liste informatisée réactualisable que nous allons mettre en place ; chaque six mois, nous allons relancer pour deux semaines la réactualisation du fichier. Puisqu’il y aura de nouveaux Bokonon qui vont sortir des Fagbassa. Donc, tous ceux qui n’ont pas pu se faire enregistrer, tous les six mois, on va ouvrir un fichier pour que ceux-ci s’enregistrent. Le fichier sera actualisé régulièrement. Donc, tout est déjà prévu pour que tout se passe bien.
Il y a des Bokonon qui ne sont plus uniquement des Bokonon. Ils sont à la fois Bokonon et Hunnon. Pensez-vous qu’il faut aller à une démarcation ?
Ça c’est une question qu’il faudra peut-être menée après, quand on va mettre en place ce creuset. Donc je ne peux pas dire oui, on va se cantonner sur ça parce que moi-même qui vous parle, je suis Vodunnon. J’étais déjà connu en tant que Bokonon mais je suis Vodunnon. Donc on ne peut pas dire aux Vodounon de laisser la profession de Bokonon et on ne peut pas dire au Bokonon de laisser la profession de Vodounon.
Le moment venu, on va trouver un juste milieu mais l’essentiel pour nous c’est que cela se professionnalise davantage, qu’il faut aller vers une perfection de la fonction de Bokonon.
Quant à la prestation, comment ça se passe ? Est-ce que vous pensez à une grille tarifaire ne serait-ce qu’à Cotonou pour que le client sache quoi débourser, car certains crient à l’escroquerie ?
Il y a environ un mois, on a eu une journée de réflexion sur le Fâ et le Tofa. Au cours de cette journée de réflexion, cette situation a été posée par les participants. On a mis en place un cadrage. On ne peut pas fixer une grille tarifaire, ça va être très compliqué parce que c’est tout comme si vous demandez au Bokonon par exemple qui exerce à Cotonou d’adopter les mêmes tarifs que le Bokonon qui exerce par exemple à Glazoué : ils ne vont pas sur les mêmes marchés, ils ne subissent peut-être pas les mêmes pressions d’impôt : par exemple, impôt foncier, celui qui a sa maison à Cotonou et qui paie des impôts et celui qui a sa maison à Glazoué et qui ne paie pas peut-être d’impôt parce qu’il exerce dans une maison familiale, les deux ne peuvent pas appliquer les mêmes grilles tarifaires.
Ce n’est pas possible. Celui qui a ses enfants à Cotonou et qui a sa profession en tant que Bokonon à Cotonou, doit mettre ses enfants dans les écoles à Cotonou, qui coûtent excessivement chères comparativement aux écoles qui sont dans les villages.
Donc, le problème est que, une fois que la personne exerce la fonction de Bokonon en tant qu’unique profession, il faudrait qu’elle puisse en vivre. Et pour en vivre, on doit forcément avoir les moyens de ce que nous faisons. Donc, on ne peut pas dire que les Bokonon exagèrent. Un «Fa-titè» qui coûte jusqu’à 200 mille francs, je ne pense pas que ce soit exagéré aujourd’hui encore à Cotonou et même à Calavi et dans les environs.
Pensez-vous qu’on peut être uniquement Bokonon aujourd’hui à Cotonou et en vivre toute sa vie ?
Si vous êtes efficace, vous êtes honnête et véridique, vous pouvez exercer exclusivement la fonction de Bokonon et vivre de cela toute votre vie durant. C’est possible.
Avez-vous approché les pouvoirs publics dans le cadre de ce recensement pour avoir leur accompagnement afin que les objectifs soient atteints ?
Pas forcément parce que vous savez, nous sommes une structure autonome. Nous sommes une structure indépendante. Nous nous sommes en train d’assainir notre profession.
On n’a pas besoin que l’Etat s’y implique forcément. Mais dès que le recensement sera fait, nous allons déposer à qui de droit le fichier qui en sortira afin que les pouvoirs publics sachent qu’à tel niveau, il y a telle personne qui exerce telle profession reconnue pas sa corporation, pour qu’on arrête de nous vilipender tout comme si nous sommes ceux-là qui fournissent des gris-gris aux cybercriminels.
« Un Bokonon qui néglige ça et que demain -on ne le souhaite pas- une situation arrive, on aura du mal à le défendre parce que déjà il n’est pas avec nous, il n’est pas parmi nous, on aura du mal à le défendre devant les juridictions compétentes. »
Dès que le fichier sera réactualisé, nous allons également le mettre à leur niveau. On n’a rien à cacher. Il faut également dire que nous sommes en train de devancer l’Etat dans son devoir régalien de pouvoir recenser toutes les corporations professionnelles au niveau du Bénin. Nous sommes en train de l’aider à pouvoir le faire. Donc, même sans leur accompagnement matériel ou financier, nous on a pris toutes les dispositions pour financer ce recensement-là.
Un Bokonon qui aurait négligé le recensement, à quoi doit-il s’attendre ?
Ça va être dommage parce que plus on est uni, plus on est fort. Un Bokonon qui néglige ça et que demain -on ne le souhaite pas- une situation arrive, on aura du mal à le défendre parce que déjà il n’est pas avec nous, il n’est pas parmi nous, on aura du mal à le défendre devant les juridictions compétentes.
Donc, ça va être un peu compliqué. Aujourd’hui ou plus que jamais, le Bokonon doit comprendre que à l’instar des pharmaciens, des médecins, des avocats, des huissiers, nous avons le devoir d’aller vers un ordre national des Bokonon et de pouvoir nous inscrire au niveau de cet ordre-là et d’exercer notre profession de Boconon sous cet ordre qui pourra nous protéger après en cas de souci ; parce que là maintenant on n’est pas du tout à l’abri et des innocents se sont retrouvés en prison parce qu’on les soupçonne de complicité avec les cybercriminels.
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1 Commentaire
Très belle initiative.
Nous sommes des africains , de surcroit béninois.
La culture sans ma culture m’acculture.
Moi je suis très ému de ce projet prometteur d’avenir.
Le fâ ne ment jamais et celui qui exerce le métier de fâ doit être sain, serein, éducateur, sage car le fâ révèle , éduque et montre le droit chemin.
Avez- vous une fois lu l’ouvrage intitulé
“LA NAISSANCE DE FÂ OU L’ENFANT QUI PARLE DANS LE VENTRE DE SA MÈRE” ?
Si vous l’avez lu vous comprendriez que l’Afrique est mystère.
On ne peut pas parler de Fâ sans faire allusion aux voduns , impossible, le fâ est le porte -parole de tous les esprits.
Si nous consultons c’est pour découvrir ce qui se cache dans l’invisible car nous vivons entre deux mondes le visible et l’invisible.
Ainsi la loi de la dualité est la règle d’or: le jour et la nuit , l’obscurité et la lumière , le bien et le mal, le vrai et le faux…….