La cybercriminalité, malgré les interpellations et les sanctions pénales prévue par la loi, semble avoir la peau dure. Des jeunes se ruent toujours vers cette pratique pour de nombreuses raisons. Entre autres, « les crises de valeurs éducatives, la quête du gain facile, le chômage, les ambitions démesurées et l’échec de nos politiques d’orientation sectorielle et de développement socio-économique », explique Fayçal Mama Memako. Le socio-économiste de formation invite les parents, l’Etat ainsi que les jeunes à prendre leurs responsabilités. Entretien !
Propos recueillis par Raymond FALADE
Bénin Intelligent : Que pensez-vous de l’opération d’interpellation des présumés cybercriminels lancée par la Police républicaine ?
Fayçal Mama Memako, socio-économiste : Avant de répondre à votre question, permettez-moi de définir la cybercriminalité. La cybercriminalité est l’usage des moyens électroniques pour commettre une infraction grave que les lois punissent d’une peine afflictive ou infamante.
Revenant à votre question, depuis quelques jours, notre police, la police républicaine mène une opération d’interpellation des présumés cybercriminels. Cette opération est à apprécier suivant deux aspects: le fond et la forme. Sur le fond, la police fait un travail remarquable et noble du moment où ceci permet de ralentir et de réduire considérablement le fléau social. Sur la forme, je reste perplexe du fait de la masse arrêtée en un seul jour ou en une seule opération. Est-ce à dire que les cybercriminels ont des lieux de rencontre périodique ou sont-ils souvent en conclave pour que toute une masse soit prise d’un seul coup ?
Si la cybercriminalité est un crime au Bénin, il l’est donc au même titre que tous les autres crimes punis par la Criet : abus de fonction, détournement de deniers publics, enrichissement illicite, escroquerie foncière et abus de confiance, pour ne citer que ceux-ci. Il est donc important que le principe d’équité et d’égalité de la justice soit respecté dans la lutte contre les crimes et auteurs : même objectif et même traitement.
Il y a une disparité au niveau du traitement correctionnel en l’occurrence à la décision du procureur représentant la justice sur le principe de sursis, de son existence ou pas dans les cas de condamnation de nos amis du clavier car nous remarquons pour les compatriotes auteurs de détournements de deniers publics, l’existence de ce principe dans leur condamnation, après pour ce qui est de son application cela reste discutable. Si la lutte contre la cybercriminalité reste uniquement des séries d’arrestations et d’emprisonnements, il est clair que la mesure est incomplète et a besoin d’être repensée et complétée.
Qu’est-ce qui selon vous pousse les jeunes à se ruer vers cette pratique malgré les lois, le Code du numérique ?
La ruée des jeunes vers cette pratique malgré les sanctions prévues par les lois et le Code du numérique est due à plusieurs causes au nombre desquelles on peut citer : les crises de valeurs éducatives, la quête du gain facile, le chômage, les ambitions démesurées et l’échec de nos politiques d’orientation sectorielle et de développement socio-économique.
L’argument du chômage évoqué souvent comme principale cause de la cybercriminalité est-il valable selon vous ?
L’argument du chômage de mon point de vue sociologique n’est pas valable car les conditions de vie ne sauraient justifier un vice et de surcroît la cybercriminalité. Le bonheur se trouve dans ce que l’on a et non dans ce qu’on désire. Il suffit juste de savoir se contenter et ne pas vivre au-delà de ses moyens.
Qu’attendez-vous de la Justice par rapport aux jeunes arrêtés ? Sa clémence, comme l’ont demandé certaines personnes dont des artistes ?
De la justice, concernant les jeunes arrêtés, j’espère une reconversion professionnelle, une rééducation et une réinsertion sociale basée sur la culture du mérite sans oublier une clémence dans les peines pénales. La clémence demandée par plus d’un, est noble et salutaire mais c’est au ministère public que revient le dernier mot. Vivement un aboutissement heureux.
Quels conseils avez-vous à prodiguer aux jeunes, aux parents et même à l’Etat dans le cadre de cette opération ?
Les responsabilités sont partagées en ce qui concerne l’éradication de la cybercriminalité qui s’érige progressivement en norme sociétale. Combattre ce fléau et limiter son expansion est un impératif qui ne saurait attendre vu le niveau de la gangrène.
Les parents doivent mettre un accent sur les valeurs humaines dans le processus éducatif et de socialisation des enfants et adolescents. L’Etat doit limiter l’accès à certains sites internet et les jeunes doivent se suffire avec ceux qu’ils ont et avoir la culture du mérite.