Home Actualité Écoles islamiques : Vers la fin de l’isolement
écoles islamiques

Écoles islamiques : Vers la fin de l’isolement

Par flat
0 Commentaire

Jusque-là, l’État béninois, qui est laïc, ne reconnaît pas les diplômes obtenus dans les écoles islamiques qui « fonctionnent pour l’essentiel, de façon autonome tant du point de vue de leur organisation calendaire que du point de vue du contenu des curricula ».

Par S. AGBON

Des imams, dirigeants et maîtres d’école coranique se sont retrouvés mardi et mercredi 10 mai à Parakou dans un ‘’atelier d’engagement des parties prenantes nationales dans la formulation du projet de cadre régional de partage d’expériences relatives à l’intégration des écoles islamiques dans le système national’’.

« C’est pour la première fois que l’État béninois a pensé à insérer l’éducation islamique dans l’éducation nationale », observe, satisfait, Mohamed Nourou Dine Sanni, imam de la mosquée centrale de Natitingou et quatrième vice-président de l’Union islamique du Bénin. Le dignitaire a participé audit atelier. Il y voit « un pas géant ».

La situation des écoles islamiques fait partie des sujets à la base de « frustrations nourries à l’encontre de l’Etat » notamment au nord Bénin, révélait l’Étude  sur les risques et les facteurs potentiels de radicalisation et d’extrémisme violent en république du Bénin (octobre 2018). « La non-intégration des écoles islamiques [appelées ‘’médersas’’ en arabe, ndlr] dans le système éducatif formel de l’enseignement ainsi que la non-reconnaissance des diplômes qui y sont délivrés » sont vues comme de la « discrimination», écrivent les auteurs.

Le soulagement qu’éprouve donc Assifatou Amoussa, imam de la mosquée centrale de Porto-Novo ayant participé à la rencontre, se justifie par des années d’isolement et de non reconnaissance dont il voit arriver la fin avec ce premier pas que constitue l’atelier de Parakou.

« Il y a beaucoup de Béninois qui sont sortis de l’Arabie Saoudite, du Koweït, en Algérie, Tunisie. Ils ont des diplômes équivalents à la licence, master et doctorat mais leurs diplômes [souvent non sous-tendus par le Bac en français] ne sont pas encore validés comme pour l’État béninois », déplore l’imam Assifatou Amoussa.

Et ce n’est pas sans conséquence. Les médersas franco-arabes sont reconnues en tant qu’écoles privées confessionnelles au Bénin, souligne ladite étude. Les autres « qualifiées d’arabo-islamiques », non. Les diplômes qui y sont délivrés tout comme ceux obtenus par les promoteurs ou élites formés à l’extérieur « n’ont pas de valeurs aux yeux de l’État ».

Pour les apprenants, ces parchemins « ne permettant pas l’accès à d’autres types d’établissement scolaires (dites arabo-islamiques) », observent Sagna & Roy cités dans l’Etude.

La question de la langue se pose. L’enseignement se passe en arabe, langue d’office attribuée à la religion musulmane. Ainsi « Tout effort d’harmonisation des programmes avec ceux des écoles laïques publiques ou privées, peut paraitre une entreprise périlleuse dans la mesure où l’enseignement se fait dans la plupart de ces écoles, à l’exception des écoles franco-arabes, dans la langue arabe et/ou les langues locales. C’est justement cela qui pose le problème de reconnaissance et d’équivalence au niveau national des diplômes issus de cette filière de formation ».

Ce n’est donc pas anodin que l’imam de la mosquée centrale de Porto Novo garde espoir que « L’arabe sera inséré dans la formation à la base ».

Education pour tous

Généralement, les écoles islamiques répondent au besoin d’éducation religieuse des parents (musulmans) pour leurs enfants. « Les parents  ont voulu que leurs enfants comprennent l’islam. On ne peut pas comprendre l’islam sans comprendre ce qui se trouve dans le saint coran et dans la Sunna du prophète. Donc ce besoin a poussé les musulmans à créer les écoles que nous avons nommées : école coranique, école islamique et finalement nous sommes arrivés à la création des écoles franco-arabes », confirme l’imam Mohamed Nourou Dine Sanni.

Cela justifie d’ailleurs leur succès. « Ce sont des milliers d’enfants qui viennent apprendre dans ces écoles franco-arabes », confirme le quatrième vice-président de l’Union islamique du Bénin (Uib). En 2018, la Direction départementale des enseignements maternel et primaire (Atacora-Donga) a dénombré 23 écoles franco-arabes dans le seul département de la Donga selon l’Étude. « Au Bénin, nous avons le problème d’insertion de nos diplômes. Nous avons plusieurs fois soulevé le problème d’insertion sans avoir gain de cause. Lorsqu’on parle d’Arabe ici, les gens disent que c’est l’islam. Ce qui fait qu’au Bénin on ne veut pas nous insérer dans le circuit professionnel, alors qu’on peut bien enseigner l’Arabe dans les collèges et Lycées », déplore un islamologue cité dans l’Etude.

Cette situation de marginalisation ne se justifie pas aux yeux de l’imam, d’autant que c’est seulement la langue qui diffère. Sinon, « le système éducatif est le même un peu partout dans le monde : vous avez la littérature, vous avez la science ». Ainsi, avec l’atelier de Parakou la question de la reconnaissance officielle lui paraît essentielle. « Tout récemment certains ont pensé faire enregistrer leurs écoles franco-arabes au niveau des ministères de l’éducation. Ce n’était pas obligatoire, c’est celui qui veut seulement qui le faisait. Maintenant avec (cet atelier) on est contraint de marcher correctement avec notre système éducatif qui peut ouvrir la voie devant ces milliers d’apprenants qui étaient dans ces écoles où le programme n’était pas déterminé ; où chacun enseignait les programmes selon sa vision ».

Les plaidoyers pour la prise en compte des écoles islamiques fusent de plus en plus. Les élites formés dans les pays arabes qui y enseignent ou les promeuvent « contribuent …à la réalisation des objectifs d’Education pour tous et à l’atteinte des Odd », soutient l’Étude. Un rôle qui plaide en faveur de leur reconnaissance et harmonisation avec le système classique. Cela est aujourd’hui capital surtout en vue de la sauvegarde de l’avenir de leurs pensionnaires, appuie Mohamed Nourou Dine Sanni.

« La décision qui a été prise va permettre aux enfants d’être au même niveau que leurs collègues des écoles publiques. Je peux dire que c’est la nation qui gagnera. Tous les enfants qui sont dans ces écoles islamiques, coraniques ou franco-arabes auront la chance d’étudier correctement l’arabe que les musulmans voulaient ; la science islamique que leurs parents voudraient qu’ils apprennent et encore le français qui va leur permettre de se servir eux-mêmes d’abord et servir la nation tout entière », assure l’imam de la mosquée centrale de Natitingou. « L’Etat ne doit pas négliger » les enfants inscrits dans ces écoles qui regorgent de talents. « Nous avons des génies…qui vont servir loyalement l’Etat par la grâce de Dieu », jure-t-il.

Avis de participants à l’atelier

  • Assifatou Amoussa, Imam de la mosquée centrale de Porto Novo : « C’est une initiative salutaire »

C’est une initiative salutaire. Je remercie le président de la République Patrice Talon pour cette démarche et encore principalement le ministre de l’Enseignement primaire, M. Salimane Karimou et ses collaborateurs. Et aussi l’Unicef qui a initié cette initiative. Que Dieu tout puissant les rende au centuple.

Insérer la langue arabe dans les écoles françaises au Bénin, c’est très important et c’est très capital. Pourquoi ? Il y a beaucoup de Béninois qui sont sortis de l’Arabie Saoudite, du Koweït, en Algérie, Tunisie. Ils ont des diplômes équivalents à la licence, master et doctorat mais leurs diplômes ne sont pas encore validés comme pour l’Etat béninois. C’est de cela que nous avons discuté et tout le monde était gai pour cette initiative. Nous demandons au Seigneur de nous accompagner sur cette initiative, qu’elle soit réalisable.

Quelles sont les propositions qui ont été faites pour que désormais ces diplômes soient reconnus par l’Etat béninois ?

Nous en tant que leaders religieux et des directeurs des écoles coraniques nous avons des démarches à entreprendre pour pouvoir gagner cette occasion. Le tout revient à la structure faîtière qu’est l’Union islamique du Bénin (Uib).

Nous avons proposé d’avoir une commission au niveau national et au niveau régional pour pouvoir siéger à une assemblée générale pour discuter de ce sujet.

Donc c’est la commission qui sera chargée de faire des propositions au gouvernement.

L’Unicef et le gouvernement vous ont-ils présenté des propositions élaborées par eux ?

Il y a des idées qui nous ont été  proposées et elles cadrent avec nos désirs dans le sens de la réalisation de cette initiative.

Peut-on en avoir une idée ?

C’est de s’unir et aller à l’Affaire étrangère avec ces diplômes. L’arabe sera inséré dans la formation à la base.

 

  • Mohamed Nourou Dine Sanni, imam de la mosquée centrale de Natitingou et quatrième vice-président de l’Union islamique du Bénin : «C’est pour la première fois que l’Etat béninois a pensé à insérer l’éducation islamique dans l’éducation nationale»

 

Effectivement j’ai eu la chance d’être parmi les participants de l’atelier qui a été organisé à Parakou du mardi 9 au mercredi 10. C’est un atelier qui est profitable à toute la nation béninoise. C’est pour la première fois que l’Etat béninois a pensé à insérer l’éducation islamique dans l’éducation nationale.

L’atelier s’est bien passé. Les présentations que nous avons suivies sont faites correctement. C’est un pas géant de la part du ministère de l’Enseignement maternel et primaire (Memp).

Vous savez bien que la communauté musulmane a commencé à créer ses écoles depuis longtemps. En tant que musulmans ils ont voulu que leurs enfants comprennent l’islam. On ne peut pas comprendre l’islam sans comprendre ce qui se trouve dans le saint Coran et dans la Sunna du prophète. Donc ce besoin a poussé les musulmans à créer les écoles que nous avons nommées : école coranique, école islamique et finalement nous sommes arrivés à la création des écoles franco-arabes.

Depuis lors les musulmans apprennent à leurs enfants le coran. Leurs parents les ont obligés d’apprendre le coran pour avoir un bon comportement. Ils l’ont appris, il n’y avait pas la science islamique dans le pays. Il n’y a pas les maîtres qui vont transmettre correctement cette science aux apprenants. Cela fait qu’il y a des milliers d’enfants qui ont fait les écoles coraniques, qui ne connaissent rien même la signification de ce qu’ils ont appris. Ils récitent seulement le Coran sans savoir ce qu’ils ont appris.

Le bon Dieu nous a donné la chance et certains parmi nous sont allés dans le monde arabe et islamique pour avoir le coran et la science islamique. Vous n’êtes pas sans savoir que le système éducatif est le même un peu partout dans le monde : vous avez la littérature, vous avez la science.

Ceux qui ont la chance d’aller faire les études arabes ont compris l’arabe et à leur tour ils ont créé les écoles franco-arabes dans lesquelles aujourd’hui l’islam est enseigné, la langue arabe aussi et le français qui est la langue officielle dans notre pays et qui est enseignée dans tous les établissements publics.

Donc chacun le faisait à sa manière ; ce sont des milliers d’enfants qui viennent apprendre dans ces écoles franco-arabes.

Tout récemment certains ont pensé faire enregistrer leurs écoles franco-arabes au niveau des ministères de l’éducation. Ce n’était pas obligatoire, c’est celui qui veut seulement qui le faisait. Maintenant avec cette décision [les discussions lors de l’atelier, ndlr] on est contraint de marcher correctement avec notre système éducatif qui peut ouvrir la voie devant ces milliers d’apprenants qui étaient dans ces écoles où le programme n’était pas déterminé, où chacun enseignait les programmes selon sa vision.

La décision qui a été prise va permettre aux enfants d’être au même niveau que leurs collègues des écoles publiques. Je peux dire que c’est la nation qui gagnera. Tous les enfants qui sont dans ces écoles islamiques, coraniques ou franco-arabes auront la chance d’étudier correctement l’arabe que les musulmans voulaient, de même que la science islamique que leurs parents voudraient qu’ils apprennent et encore le français qui va leur permettre de se servir eux-mêmes d’abord et servir la nation tout entière.

Nous saluons le chef de l’Etat, le président Patrice Talon. Parce que c’est sous son règne que cette décision a été prise. Il a amené son gouvernement à réfléchir et penser à ces enfants que l’Etat ne doit pas négliger. Je vous assure que vous allez voir les talents que nous avons dans ces écoles, nous avons des génies, ceux-là qui vont servir loyalement l’Etat par la grâce de Dieu.

Propos recueillis par Sylvania TCHANOU

 

LIRE AUSSIEducation: Quand les travaux de fin d’année deviennent la chasse gardée de certaines administrations

LIRE AUSSILa part des pratiques arabo-islamiques dans l’échec scolaire à Djougou

LIRE AUSSIImorou Assan Aoudou détermine le lien entre islam et Vih/sida à Djougou

Lire aussi

Laisser un commentaire

A propos de nous

Bénin Intelligent, média au service d’une Afrique unie et rayonnante. Nous mettons la lumière sur les succès, défis et opportunités du continent.

À la une

Les plus lus

Newsletter

Abonnez-vous à notre newsletter pour être notifié de nos nouveaux articles. Restons informés!