Face aux nombreux dégâts du changement climatique et le défi de l’autosuffisance alimentaire, la production biologique s’impose. Au Bénin, cette tendance mobilise plusieurs acteurs certes, mais l’équation à résoudre touche au coût du bio, terrain sur lequel l’agriculture à base de produits chimiques semble garder encore l’avantage.
Par Bernadin ANATO
L’Oms recense plus de 1000 pesticides utilisés à travers le monde pour empêcher les rongeurs et autres agents nuisibles d’endommager ou de détruire les aliments/cultures. Revers de la médaille : ceux-ci peuvent avoir des effets sur la santé humaine. L’agriculture écologique et biologique est donc l’agriculture d’avenir. Saine et respectueuse de l’environnement, elle a le potentiel de satisfaire la demande mondiale, rassure l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (Fao).
Les produits biologiques rencontrent d’ailleurs un accueil favorable auprès du public. Les béninois ont pris conscience du bien pour leur santé de consommer des produits naturels. Épices bio, légumes bio, jus de fruit bio… sont désormais leurs préférences. « Je produis des légumes bio. Au début, c’était difficile mais aujourd’hui, je n’ai pas la capacité de satisfaire tous mes clients », confirme Jean-Claude A. jeune entrepreneur agricole résidant à Pahou.
Du champ au marché d’approvisionnement, les témoignages concordent. « Mes clients préfèrent les tomates sans produits chimiques. Elles sont naturelles et ne pourrissent pas vite », appuie maman Clara, commerçante au marché local de Gbégamey à Cotonou.
Seulement, si le bio s’apprécie il a néanmoins un coût plus élevé que les cultures à base de substance chimique. La quantité de tomate dite écolo produite dans une ferme à Cotonou est moindre par rapport à d’autres variétés à base de produits phytosanitaires. Aussi, pour 100 francs par exemple, la quantité de tomate écolo cédée aux clients peut équivaloir à la moitié de celle chimiquement produite.
Toutes les classes sociales ne peuvent donc pas s’offrir le luxe de la consommation du bio. Il faut en détenir le pouvoir d’achat. « L’observation est pertinente, mais la santé n’a pas de prix dit-on. Donc c’est une question de vie l’élimination (progressive) du chimique de nos plats », relève un fonctionnaire.
Ce différentiel de prix soulève la question de l’accompagnement de l’État. « Nous vivons de fonds propres, nous ne recevons aucune aide du gouvernement pour faire ce que l’on fait. Si nous étions accompagnés, cela nous aiderait à étendre nos capacités », confiait à Rfi Pierre-Louis Amoussou, un acteur. « Les producteurs que je rencontre sont plus dans l’agriculture conventionnelle, parce que la production bio nécessite beaucoup de travail, beaucoup d’énergie et beaucoup d’argent », appuie un ancien élève de ce dernier, Rawlings Gnanga.
En 2019, le Bénin a été classé 20ème au plan africain et 56ème au plan mondial comme fournisseur africain de produits agricoles Bio vers l’Europe par la Commission européenne dans son rapport annuel « Importations de produits agroalimentaires biologiques dans l’UE : Principaux développements en 2019 ». Le pays a exporté 2081 tonnes de produits agricoles bio vers l’UE en 2019, à la lumière du rapport cité par Matin Libre.
Le coton prioritaire ?
Au Bénin, même s’il est difficile de trouver des document-programmes nationaux d’agriculture bio, il existe la loi n°2021-01 du 3 février 2021 sur la biosécurité qui encadre l’utilisation des produits organiques et la transformation génétique.
L’actualité de l’agriculture bio au Bénin, ne reste pas sans toucher à la production à grande échelle du coton. Celui-ci semble être la culture qui attire plus l’attention du gouvernement béninois où il intervient directement et à grande échelle. L’engouement de l’État pour investir dans la production bio des autres cultures ne se sent pas ou est faible.
Le Programme d’action du gouvernement pour le quinquennat 2016-2021 et celui de 2021-2026, ont offert une belle part à l’agriculture. L’Exécutif y a affiché sa préoccupation en matière de transition écologique quant à la culture du coton. Il a alors mis tout en œuvre pour encourager une production bio.
Le ministre de l’Agriculture, de l’élevage et de la pêche déclinait ainsi, lors d’une interview en 2020, l’une des trouvailles du gouvernement pour orienter les producteurs vers la culture du coton bio :
« Ce qui va améliorer la production cotonnière maintenant, c’est que nous utilisons désormais des semences délintées. Les graines sont travaillées pour être nues. Sur la peau des graines, il n’y a plus de fibres. Alors, mise en terre, la graine germe automatiquement parce que l’eau du sol rentre en même temps, la graine se gonfle au bout de 3, 4 jours et amorce sa germination. Au bout de six jours, la plante s’est déjà levée. Alors que l’autre, vous devrez mettre plusieurs graines, 6 ou 8 dans le trou. Cela va prendre deux jours avant de commencer par sentir l’humidité du sol et engendre un retard dans la germination ».
La production du coton bio ne devrait pas souffrir de débouchée, se réjouit Gaston Dossouhoui. « C’est une question de traitement cotonnier. Au lieu d’utiliser des produits chimiques, on va peut-être utiliser des produits de synthèse. Des produits à base de neem, d’insecticide biologique. Mais ce qui est bien, il y a des firmes qui achètent très cher les cotons biologiques. Nous devons encourager les producteurs pour qu’ils s’y adonnent ».
Les acteurs du bio
Des structures privées et organisations non gouvernementales évoluent également dans la production bio dans tous les secteurs agricoles sans attendre les dirigeants. Elles encouragent et aident les producteurs à opter pour une agriculture sans usage de substances chimiques.
En dehors du coton, plusieurs vivriers sont ainsi produits de façon biologique au Bénin. Entre autres, le soja, ananas, orange, banane, riz, tomate, légumes et les tubercules.
Dans la chaîne de production bio au Bénin on rencontre des structures de fabrication d’intrants et de pesticides bio au profit des agriculteurs. C’est le cas de la société Agreco qui fournit plusieurs coopératives agricoles. Les fermes bio se multiplient désormais sur le territoire. Celles-ci constituent un levier de la promotion d’une culture sans substance chimique. Le centre d’exploitation agricole de Songhaï, situé à Porto-Novo, en est une illustration. L’endroit est désigné comme un centre d’excellence d’agriculture bio par les Nations-Unies.
Par ailleurs, les organisations à but non lucratif prennent une part active dans le processus de vulgarisation de la culture bio. L’Ong ‘’Les Jardins de l’espoir’’ est un exemple. Elle a installé près de Cotonou un camp d’entrainement pour apprendre l’agriculture bio aux agriculteurs et potentiel agro-entrepreneurs. Les coopératives et associations de producteurs ne sont pas restées en marge du combat de la production bio. Le réseau des producteurs d’ananas (RépaB) est l’un de ces regroupements qui parient sur le bio. Il est même déjà parvenu à produire et exporter l’ananas et son jus bio.
« La production bio est en pleine expansion au Bénin » ; il n’est plus un mythe mais une réalité, salue Edgard Maxime Deguenon, entrepreneur agricole. L’Organisation béninoise pour la promotion de l’agriculture béninoise appuie fortement les associations de producteurs bio pour l’obtention des certifications biologiques auprès des structures compétentes afin de faciliter la commercialisation des produits sur le plan international.