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Rites spécifiques d’inhumation au Bénin : Regards croisés de Prince Zédéka-Zédéka et Maitre Bobos

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Dans l’aire culturelle Aja-Tado, les rites funéraires ne sont jamais uniformes. Ils varient selon que la mort est brutale ou naturelle. Dans le premier cas, des cérémonies particulières sont observées pour défaire le défunt du monde des vivants mais également pour qu’il rejoigne ses ancêtres. Regards croisés de deux intellectuels et dignitaires sur la pertinence et les fonctions sociologiques desdits rituels : Maitre Bobos (Sylvain Adoho) spiritualiste-sociologue et Prince Zédéka-Zédéka Kanhohonou (Fiacre Zonou Cocou), dignitaire de Mami Sika et doctorant en sociologie.

 

  • Maitre Bobos (Sylvain Adoho) : « Les causes d’une mort déterminent les rites à faire »

Bénin Intelligent : Quels sont les différents types de rites funéraires qui existent au sein des communautés sociolinguistiques au Bénin ?

Maitre Bobos : On ne peut pas énumérer les différents types de rites funéraires. Il y en a trop. Il y a autant de rites qu’il y a des causes de mort. Les causes d’une mort déterminent les rites à faire. Il y a des rites liés à des clans, des collectivités ou à un groupe de clan partageant le même panégyrique.

Certaines morts sont liées à des pratiques bien déterminées. En cas d’accident de circulation, il y a des rites à faire avant d’inhumer la personne. Lorsque vous êtes adepte d’un vodun, il y a des rites. Lorsque vous mourrez par pendaison, il y a des cérémonies. Quand vous mourrez par accident de circulation on ne vous enterre pas dans une chambre, mais à l’air libre sous le soleil à la différence du cimetière, bien sûr.

Quelles fonctions jouent ces rites spécifiques aux types de décès ?

Lorsque la mort est brutale, la personne n’est pas censée connaitre une ascension. La personne va rentrer dans une sphère où son énergie vitale va continuer à travailler et donc la personne ne peut pas partir, retrouver sa propre lumière intérieure. Donc la personne est censée rentrer dans une sphère où les gens qui avaient subi le même sort seront là. Donc il faut des années pour que la personne retrouve son chemin pour pouvoir retrouver sa propre lumière intérieure ; et donc du moment où cet état de chose n’est pas bon pour les ancêtres, ils ont cherché encore et encore. Ils ont vu et ils ont compris qu’il faut un rite spécial pour ceux-là qui sont morts de façon brutale afin que, à défaut d’aller retrouver leur propre lumière intérieure, on les accompagne maintenant par ce rite pour qu’ils ouvrent les yeux et se disent « je ne suis plus dans ma chair, je ne suis plus dans ma matière, je ne suis plus dans mon corps » et donc « je suis déjà mort ».

Le rite va leur rappeler qu’ils sont déjà morts et qu’ils n’ont plus accès au monde des vivants. Du moment où le défunt se rappelle qu’il n’est plus dans sa chair, dans la matière, le défunt a la possibilité maintenant de dire « attention il faut que j’aille retrouver ma lumière intérieure, travailler cette lumière afin de revenir encore dans la matière en son temps » et c’est pour cela, les rites vont différer les uns par rapport aux autres.

Vous voyez quelqu’un qui est en pleine forme et qui se fait brutaliser par un véhicule : il n’avait pas la tête qu’il pouvait mourir alors que quelqu’un qui était malade, dans sa tête lorsqu’il commence à se sentir fatigué, lui-même déjà commence par se demander « est-ce que je ne vais pas mourir ? » Tout ça là arrive un peu un peu dans sa tête et parfois même il sort de son corps, de son sommeil et retrouve des ancêtres qui commencent déjà à lui tendre la main. Il peut commencer déjà à appeler le nom de certains défunts de sa famille. Celui-là est déjà en train de partir. Lui-même peut déjà se rappeler qu’il est en train de quitter ce monde.

Après les cérémonies liées à cette mort, la personne rapidement va se rappeler ou il y a des sorciers dans certaines familles qui rapidement vont se dépêcher de lui prendre la main et aller le mettre à l’entrée de la vallée de l’ombre de la mort et lui dire de ne pas avoir peur ; parce que cette zone est une zone de peur, qu’il faut qu’il marche avec assurance, courage et certitude pour pouvoir traverser cette zone ; et vous allez voir dans la bible, il est dit « quand je marche dans la vallée de l’ombre de la mort, je ne crains aucun mal » en réalité, c’est cette cérémonie. C’est un rite qui permet au défunt de ne pas craindre un mal quand il va traverser la vallée de l’ombre de la mort.

Qu’arrive-t-il lorsque ces rites spécifiques ne sont pas exécutés ?

Lorsqu’à partir d’une mort donnée, ce qui doit être fait n’est pas fait, le défunt va beaucoup errer d’abord. La première des choses, c’est que le défunt peut errer un tiers de l’âge qu’il a eu dans sa chair, dans son corps physique avant de mourir. Je suppose que la personne est morte de façon violente à 90 ans. Elle est capable d’errer 30 ans encore sur terre même s’il y a des rites, avant de comprendre ce qu’il faut faire.

Mais maintenant s’il n’y a pas de rites, si les cérémonies n’ont pas été faites, l’âme du défunt peut errer des siècles, 200 voire 300 ans avant de retrouver sa lumière mais seulement quand un grand maitre spirituel aurait laissé couler une goutte de son sang par terre. Ce que traduit le passage biblique « Jésus est mort sur la croix avec son sang pour nous sauver », c’est-à-dire « sauver les entités errantes».

Aussi, il peut avoir que des ‘’sorciers’’ sortent de leur corps et sont conscients qu’ils vont le retrouver. C’est le cas dans des panthéons donnés où on enterre des personnes qui faisaient un voyage astral profond juste parce que les familles ne sentent pas sa respiration. Le ‘’sorcier’’ peut retourner chercher son corps et le corps n’est plus là. Alors il va retourner au lieu de réunion (termitière, arbre) des sorciers, attendre les siens et ceci de façon permanente puisqu’il n’a plus de corps physique pour se retrouver au sein des humains. C’est quand un grand maitre spirituel ou un grand illuminé va laisser couler une goutte de son sang par terre que ce dernier va retrouver sa conscience et partir.

Il y a autant de rites que de causes de morts et voilà pourquoi les cérémonies doivent être faites pour le bien être de la personne. Maintenant si les cérémonies ne sont pas faites, la personne est obligée d’errer durant des années avant de retrouver sa propre lumière intérieure.

Merci.

 

  • Prince Zédéka-Zédéka : « L’esprit du défunt demeure quelques jours après sa mort »

Bénin Intelligent : Quelle est la pertinence des rites d’inhumation selon les types de décès observés dans les familles béninoises ?

Prince Zédéka-Zédéka Kanhohonou, dignitaire de Mami Sika et sociologue : Je ne saurais aborder les rites d’inhumation selon les types de décès sans aborder la définition du moteur “ancêtre’’. En effet, qu’est-ce qu’un ancêtre ?

La tradition réserve la notion d’Ancêtre à ce qui subsiste de la personne d’un défunt après avoir été introduit, par les rites de funérailles, au pays de ses Ancêtres. Selon la croyance la plus répandue dans les aires cultuelle et culturelle Yoruba, Adja-Tado et Wémè au Dahomey, l’esprit du défunt demeure quelques jours après sa mort et après l’enterrement en étroit contact avec le cadavre ou ce qu’il en reste. On dit qu’il se trouve à “yɔmɛ”, c’est-à-dire dans la tombe. Dans la langue Fon comme dans le Wémè on désigne par l’expression “yɔxɔ” qui veut dire la “maison des morts”, les Mausolées qui abritent les autels dressés aux Mânes des Ancêtres.

Dans ces conditions de sept jusqu’à neuf jours après l’enterrement (selon les coutumes particulières des clans), on vient notamment lui offrir, sur la tombe, les libations et de la bouillie (rites qualifiés de Yɔzinzin ou de Yɔxixɔ). Après ce rituel, l’esprit du mort se libère des liens qui le rattachent au cadavre. Il subsiste errant et insatisfait, dans un monde intermédiaire, que l’on appelle “Doukponou” (le dépotoir) ou “Vɔlimɛ (monde de l’ombre). Il tend revenir fréquenter les lieux qu’il a connus et c’est alors principalement, qu’il se manifeste sous forme de ‘’revenant’’. Pendant cette période, à chaque repas, les membres de sa famille lui offrent comme de son vivant une part (symbolique) de nourriture. C’est exactement ce qui se fait pour le cas des enfants victimes de l’esclavage transatlantique d’où l’égalité ou la synonymie entre les expressions “yɔmɛ” et “xùgodó” ; “yɔmɛ” signifie dans la tombe et “xùgodó”, derrière les atlantiques qui prend le sens de “l’au-delà” dans le jargon de la tradition dahoméenne.

Les funérailles sont faites pour détacher complètement le défunt du monde qu’il a connu et lui faire rejoindre l’au-delà du fleuve l’ouest, la place qu’il mérite au pays de ses Ancêtres de sorte que non seulement il y soit lui-même heureux, mais qu’il cesse aussi, et peut-être surtout, de déranger les vivants.

En quoi les rites spécifiques d’inhumation sont alors importants et que risquent les familles en cas de non-respect ?

Ces cérémonies et rituels liturgiques sont importants pour que le défunt soit accepté par ses Ancêtres originels kamites défunts dans “l’au-delà” afin que son âme retrouve la paix et la liberté et surtout cesse de hanter les vivants dans leur quotidien.

En cas de non-respect des rites la famille s’expose à essuyer des revers. Soit les gens de la famille meurent précipitamment sans aucun symptôme de maladie. Soit, les gens commencent par sentir la présence du fantôme du défunt chaque nuit ; alors ils vont croire que ce sont les mauvais esprits ou des individus malintentionnés qui agitent leur sommeil profond… Par conséquent, la psychose va emballer tout le monde.

Quels sont les types de décès qui nécessitent un rite particulier ?

Il y a plusieurs types de décès : par accident, noyade, pendaison, incendie, fusillade, etc. Il y a une petite particularité par rapport à ces types de décès.

Une mort imprévue, une mort tragique. Donc il y a des cérémonies appropriées qu’il faut faire. Sur les lieux où la personne a fait cet accident-là par exemple, soit il y a des gens mal intentionnés ou les sorciers qui vont prendre l’âme des défunts, les manipuler et causer d’autres accidents. Aussi, si les cérémonies n’avaient pas été bien fait, il y a l’âme des défunts qui viendront hanter des vivants. C’est pourquoi il est important de faire les cérémonies. Il faut faire des cérémonies spéciales à la divinité Gou « fogou », pour apaiser l’âme du défunt afin que d’autres accidents ne se produisent sur les mêmes lieux et permettre au défunt mort par accident de rejoindre ou d’être accepté par ses ancêtres.

Quand la personne meurt par noyade, il y a des cérémonies qui doivent être faites : « le minkù-tɔkù » que seuls quelques dignitaires avertis maitrisent. Il y a des rites qu’on pratique pour éviter des cas de noyade similaires au sein de la même famille car l’âme du défunt étant révoltée. Il y a les morts par fusillade aussi « minkù-gukù » qui nécessite également un lot de cérémonies conséquentes.

Merci.

Propos recueillis par Sylvania TCHANOU

 

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