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Lgbtq+, le Bénin fait le dos rond

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La situation des droits humains au Bénin a été discutée à l’Onu jeudi 26 janvier, lors de la 42ème session du Groupe de travail sur l’Epu du Bénin. Au cours des interventions modérées par la troïka (Kazakhstan, Lituanie et Somalie), plusieurs Etats ont ainsi plaidé notamment pour la protection des droits des personnes Lgbtq+, la révision du code du numérique et la réadhésion du pays au Protocole relatif à la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples dont le Bénin s’est retiré en 2020. Suite au rapport de janvier, le gouvernement a apporté des réponses vendredi 7 juillet, lors de la 27ème réunion de la 53ème session ordinaire du Conseil des droits de l’Homme après avoir soumis un rapport additif en avril.

Par Sêmèvo Bonaventure AGBON

Le Bénin a reçu de 99 délégations, 258 recommandations lors de la 42ème réunion du Groupe de travail sur l’Examen périodique universel du Bénin, 4ème cycle. Après leur analyse avec les ministères sectoriels impliqués dans le mécanisme national de suivi et de l’application des instruments internationaux des droits humains, le gouvernement a accepté, dans un premier temps, 224 recommandations, soit 86,82% selon le rapport additif d’avril 2023 adressé au Conseil des droits de l’Homme de l’Onu et consulté par Bénin Intelligent.

Mais ce nombre a évolué suite au dialogue gouvernement-Organisations de la société civile (Osc). « Les échanges entre les deux parties ont renforcé la relecture de divers codes notamment le code pénal et le code du numérique et de ce fait, le nombre de recommandation acceptée est passé à 234, soit un taux de 90,70%, celles partiellement acceptées à 2 soit 0,77% et celles notées à 22 soit un taux de 8,53% », a dévoilé Yvon Detchenou lors de la 27ème réunion du Conseil des droits de l’Homme au cours de sa 53ème session ordinaire.

Dix nouvelles recommandations sont donc acceptées. Il s’agit des recommandations 92 ; 93 ; 94 ; 95 ; 96 ; 97 ; 98 ; 99 ; 101 ; et 102. Formulées par Malte, Espagne, Suisse, Canada, Danemark, Luxembourg, Lituanie, Estonie, Australie, Allemagne et la République de Chypre, elles portent toutes sur le code du numérique. Tous les pays cités plaident sa révision, excepté l’Allemagne qui appelle carrément à son abrogation en vue d’ « éliminer les restrictions à la liberté de la presse ».

 

Réadhérer à la Cadhp

Outre le code du numérique, le retrait du Bénin de le Protocole relatif à la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples n’a pas échappé à plusieurs Etats. Le Botswana, Malawi, Sierra Leone, Mexique et le Costa Rica ont formulé à cet effet les recommandations 9, 10, 11 et 12 « acceptées » heureusement par le Bénin. Elles appellent le gouvernement à « envisager de réadhérer » ou « réenvisager d’adhérer » au « Protocole relatif à la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples » et « reconnaître à nouveau la compétence de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples ».

En avril 2020, le Bénin s’était retiré du protocole suite à une décision de la Cadhp alors saisie par Sébastien Ajavon. En donnant raison à ce dernier qui se plaignait de “préjudices irréparables” en cas d’organisation des élections (communales) en son absence, le gouvernement avait estimé que cette cour a outrepassé « ses prérogatives pour s’immiscer dans des affaires qui ne la concernent en rien », fustigeait Séverin Quenum.

S’agissant des recommandations, le Bénin pouvait faire mieux, estime Ralmeg Gandaho, insatisfait. Le président du conseil d’administration de l’Ong ‘’Changement social Bénin’’ représentant la société civile, a particulièrement critiqué le fait que « les recommandations concernant la justiciabilité des droits économiques et socioculturels, l’ouverture juridictionnelle sur la Cadhp et la protection des défenseurs » n’aient été que simplement « notées ».

Il salue tout de même « l’acceptation…d’une grande partie des recommandations » faites au pays lors de ce 4ème cycle de l’Epu. Il souhaite que la relecture du code pénal et le code du numérique « en vue d’une réelle ouverture de l’espace civique » se fasse dans une « dynamique de dialogue avec la société civile ».

 

Personnes Lgbtq+

Comme le révèle le rapport A/HRC/53/10 consulté par Bénin Intelligent, plusieurs pays se sont préoccupés de la situation des personnes Lgbtq+ au Bénin lors de la 53ème session du Conseil des droits de l’Homme de l’Onu.

Parmi les pays porteurs figure Malte. Cet État insulaire invite le Bénin à « Prendre des mesures pour interdire toute discrimination fondée sur l’orientation sexuelle, l’identité de genre et les caractéristiques sexuelles, et veiller à tout faire pour que les auteurs de ces actes soient traduits en justice ».

De leur côté, les Pays-Bas exhortent à « Interdire toute discrimination fondée sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre et veiller à ce que les auteurs d’actes de violence ou de discrimination à l’égard des personnes Lgbtiq+ soient traduits en justice et sanctionnés ».

Le Chili, Colombie, Costa Rica, l’Islande et Israël plaident eux aussi en faveur de l’interdiction des discriminations fondées sur l’orientation sexuelle, la protection de la communauté Lgbtq+ de même que les associations  de défense de leurs droits.

« Garantir le droit des personnes transgenres à la santé et à l’autonomie corporelle en améliorant l’accès aux soins, y compris à des services de santé sexuelle et reproductive et à des services médicaux tenant compte du genre », souligne l’Islande. Israël encourage « des campagnes de sensibilisation pour lutter contre la stigmatisation et la discrimination à l’égard des personnes Lgbtqi+ ».

La kyrielle de recommandations relatives aux personnes Lgbtq+ montre « l’urgence de protéger le droit de tous les citoyens », apprécie Passita Gonzalex, membre de la communauté Lgbtq+ qui a délivré un message par vidéoconférence au nom de Synergie Trans Bénin, une association de défense.

Ces recommandations portant sur la transidentité et la lutte contre l’homophobie, la communauté Lgbtq+ s’attendait donc vivement à leur acceptation par le Bénin. Mais, le pays les a simplement « notées ». « Cela expose la communauté [Lgbtq+, ndlr] à d’autres abus, au rejet social et aux agressions des uns et des autres. Nous méritons une protection juridique et la possibilité de contribuer au développement de notre pays », insiste Passita Gonzalex.

Contactée plus tard par Bénin Intelligent, elle reprécise les impressions de la communauté Lgbtq+ au Bénin :

«Nous ne sommes pas déçues. Bien que nous aurions aimé que le Bénin s’engage plus, nous félicitons le gouvernement pour sa flexibilité pour avoir accepté les 2 recommandations. C’est une victoire pour nous car c’est une première en Afrique francophone. Nous avons d’ailleurs remercié le Bénin qui œuvre vraiment pour conserver le climat de paix et de solidarité dans le pays. Ces recommandations acceptées renforcent notre lutte contre les discriminations à l’endroit des personnes Lgbtqi+ car tout le monde naît libre et égaux en dignité et en droit. Le respect de la diversité et l’inclusion doit être promu dans notre pays pour permettre à chaque personne de participer pleinement à la construction de notre pays. Le droit à la différence existe et c’est cette différence qui construit l’humanité.»

Lgbtq+

Délégation du Bénin à l’Onu, examen périodique universel (Epu 4)

La lecture des déclarations du côté du gouvernement montre que le pouvoir ne voit pas la pertinence d’une législation spéciale pro-Lgbtq+ au Bénin. Ceux-ci, tranche le gouvernement, doivent être simplement considérés comme des personnes humaines dont les droits sont déjà garantis et protégés par la constitution.

Fort de cette position, le Bénin a « accepté » les recommandations 46 (d’Afrique du Sud) et 255 (de la Grande Bretagne) qui appellent respectivement à « Poursuivre les efforts de lutte contre la stigmatisation et la discrimination à l’égard des personnes vivant avec le Vih Sida, y compris les membres de la communauté Lgbtq+ » ; et « Veiller à ce que les actes de violence dirigés contre des membres de la communauté Lgbt+ fassent l’objet d’une enquête rapide et que les auteurs soient traduits en justice ».

D’ailleurs, lors du dialogue interactif en janvier, la délégation béninoise avait réagi à une préoccupation de la Belgique et du Royaume-Uni relative aux personnes Lgbtq+. « La délégation béninoise a expliqué que les droits des personnes Lgbtqia+ étaient protégés par les lois de la République. Toute violation de leurs droits en tant que personne était sanctionnée », lit-on dans le rapport de 25 pages.

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A titre illustratif, un homme a écopé de 12 mois de prison, dont six mois ferme en 2021, pour « coups et blessures volontaires » sur trois femmes transgenres. Le droit à la protection des personnes Lgbtq+ est donc acquis en tant que personne humaine mais pas encore en matière de mariage. « Les membres de la communauté Lgbtqia+ ne pouvaient pas adopter d’enfants et le mariage n’était reconnu qu’entre un homme et une femme », souligne la délégation.

 

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