Fragilisée par les cas malien, guinéen et burkinabè où les militaires ont réussi à se maintenir au pouvoir jusque-là, la Cedeao compte faire du règlement du coup d’Etat au Niger une occasion de réaffirmer son autorité et crédibilité. Elle y va alors de la plus ferme des manières. Dimanche, neuf mesures ont été dévoilées contre la junte à l’issue d’un sommet extraordinaire tenu à Abuja sous l’égide de Bola Tinubu, président en exercice de la Cedeao.
Par Sêmèvo Bonaventure AGBON
L’organisation sous-régionale continue de considérer Mohamed Bazoum comme le « chef d’Etat légitime élu de la République du Niger » dont il réclame la libération et surtout, le rétablissement dans ses fonctions. «Prise d’otage», «kidnapping», Bakari Adjadi, le chef de la diplomatie béninoise a repris le même ton et langage de fermeté dimanche soir lors d’une restitution des conclusions du sommet extraordinaire Uemoa-Cedeao face à la presse.
La Cedeao menace les nouvelles autorités et n’exclut surtout pas « l’usage de la force ». A cet effet, « les chefs d’Etat-major de la Défense de la Cedeao devront se réunir immédiatement ». L’ultimatum adressé aux putschistes est court : une semaine contre deux données par l’Uemoa pour satisfaire aux exigences. Les neuf mesures avec effet immédiat impliquent le blocus économique du pays. Elles comprennent la fermeture des frontières terrestres et aériennes entre les pays de la Cedeao et le Niger ; l’établissement d’une zone d’exclusion de la Cedeao pour tous les vols commerciaux à destination ou en provenance du Niger, le gel des avoirs de l’Etat du Niger dans les banques centrales de la Cedeao ; et l’interdiction de voyage et gel des avoirs des officiers militaires impliqués dans la tentative de coup d’Etat.
En somme, des sanctions qui avaient prouvé par le passé leur inefficacité avec le Mali, Burkina Faso et la Guinée Conakry. La seule mesure ”nouvelle” sur la liste est celle d’une éventuelle intervention militaire pour déloger les putschistes.
Bain de sang…
Dans ce bras de fer Cedeao-Niger, aucune des parties ne se laissent intimider. « Nous mettons en garde la Cedeao et ses alliées contre toute intervention militaire à Niamey, en conséquence nous serons obligés de nous défendre jusqu’à la dernière énergie. Nous sommes prêt ! », avait d’ailleurs prévenu sur twitter le général Tchiani, nouvel homme fort du pays bien avant le communiqué final du 51ème sommet extraordinaire de la conférence des chefs d’Etat et de gouvernement de la Cedeao au cours duquel les sanctions ont été décidées.
La Cedeao peut-elle réellement intervenir militairement au Niger contre les putschistes ? Oui, répond le politologue Codjo Orisha contacté par Bénin Intelligent. « C’est une menace sérieuse” car « Ce n’est pas la première fois que la Cedeao intervient dans un processus de rétablissement de l’ordre constitutionnel. Le dernier exemple date de 2017 seulement [avec Yahya Jammeh de la Gambie]».
Un usage de la force par la Cedeao pourrait ainsi bénéficier de l’appui du Bénin, Nigeria et le Tchad; des pays qui partagent des frontières avec le Niger. Aussi, la France et les Etats-Unis qui disposent de militaires présents en Afrique de l’ouest peuvent apporter leur soutien logistique et en personnel à une éventuelle opération militaire de l’organisation sous-régionale. Ces derniers maintiennent encore leur condamnation du coup de force. Antony Blinken, le chef de la diplomatie américaine a d’ailleurs assuré le président nigérien déchu Mohamed Bazoum de l’« indéfectible soutien » des États-Unis.
Toutefois, en dépit de cette « faisabilité », Codjo Orisha ne recommande pas une intervention militaire sous drapeau de la Cedeao au Niger. Il redoute une catastrophe au plan humanitaire. «C’est complexe, cela risque de créer un bain de sang. Il faut privilégier la voie diplomatique », suggère-t-il à Bénin Intelligent. D’autant que toute l’armée nationale s’est ralliée au putsch qui bénéficie, plus grave encore, d’un soutien populaire sur fond de rejet de la France.
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