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Mazoclet Olusegun Toninfo

Mazoclet Olusegun Toninfo : Entre culture et écologie, un artiste de l’unité

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Depuis 2014, le Béninois Mazoclet Olusegun Toninfo monnaye sa licence en transport et logistiques dans l’art plastique. Un débouché auquel ce parchemin ne le destinait pas pourtant. Mais il ne le regrette guère, car, au contraire, il se réjouit d’avoir échappé à la routine qu’il encourait dans une administration. Dans l’art, il savoure la liberté de créer et d’émerveiller.

Les œuvres de Mazoclet Olusegun Toninfo traitent d’une valeur plus que jamais en crise mais davantage nécessaire aujourd’hui : l’unité. Cette valeur cardinale, l’artiste plasticien restaure son ancrage culturel dans une démarche pédagogique de réappropriation morale. L’unité, il l’identifie, en effet, dans les cultes du panthéon Vodun/Orisha, notamment la déité Egungun, le culte des ancêtres.
Il part des parements Egungun, ces costumes intégraux sacrés portés lors de cérémonies dansées, dont il emprunte les techniques et procédés de confection. Ces accoutrements étaient réalisés à base des coupons de tissus collectés chez les épouses de la communauté dépositaire du culte. Ainsi, « À la sortie du ‘’Kouvito’’/Revenant, toutes les femmes peuvent retrouver sur un seul Egungun une partie ou un bout de leur pagne ». Le but est de « célébrer l’unité des familles et des communautés », commente Sika da Silveira, artiste plasticienne elle aussi.

Mazoclet Olusegun Toninfo

L’artiste discute avec un visiteur/Atelier Coffi galerie

Toutefois, l’artiste tient à ce que son art soit accessible à tous. S’il prend le concept d’Egungun, Mazoclet Olusegun Toninfo n’impose pas la dimension cultuelle, qui relève plutôt du domaine de la religion et donc du choix. Alors il se garde d’une reproduction aveugle du sacré costume Egungun : « Je ne voudrais pas être accusé d’intrusion par les dignitaires».

La démarcation est marquée par la substitution du sacré au profane dans une technique mixte. Sur du tissu ou moustiquaire de diverses dimensions selon son inspiration, Mazoclet applique de la colle. Puis, au moyen de pastilles en plastique, il fait émerger des formes polychromes tout aussi chatoyantes à l’instar des costumes Egungun.

Mazoclet Olusegun Toninfo

L’artiste poste au milieu de sa ”poubelle privée”.

Là intervient une autre dimension, cette fois-ci écologique du travail de Mazoclet Toninfo. En lieu et place de la peinture qu’il juge « difficile », il préfère lui les bidons d’huile à moteur comme matière colorante. Dans son atelier sis à Fidjrossè, il dispose d’une « poubelle privée », un amas de bidons. On y en trouve de toutes les couleurs : gris, jaune, bleu, blanc, rouge, noir. Ils sont d’une taille de 4 litres au maximum.

« Pour moi la chose la plus facile à manipuler c’est le plastique. Il est très rare que j’utilise des bidons de 25 litres qui sont plus difficiles à travailler. Je tiens à la flexibilité pour communiquer avec la matière ».

Ce sont ces bidons qu’il collecte lui-même ou obtient contre motivation pécuniaire, que l’artiste découpe et emploie comme pastilles. Le résultat qu’il obtient est satisfaisant : le mélange harmonieux des couleurs imprime vie aux œuvres tout en portant l’appel à la cohabitation pacifique et à l’unité que l’artiste véhicule. «C’est la première fois que je vois des bidons découpés et travaillés de cette manière », s’exclame Josaphat Kakpo, étudiant en formation aux ateliers Coffi galerie.

Comment Mazoclet Olusegun Toninfo en est-il venu aux bidons d’huile à moteur ? Il raconte :

« Un samedi j’étais chez mon mécanicien pour la vidange. Je le vois sortir un tas de bidons qu’il a commencé par brûler. Certains ont commencé par tousser. Je ne sais pas ce qui m’a poussé mais je lui ai dit d’éteindre le feu, que je vais récupérer les plastiques et les utiliser. La première œuvre que j’ai réalisé avec ces plastiques est une installation sur les murs de mon atelier. Ce mur m’accompagne partout. J’ai déjà déménagé déjà quatre fois, toujours avec ce mur. Le geste du mécanicien m’a amené à aller vers le choix du plastique ».

Les formes qu’il reproduit sur ses toiles, Mazoclet les obtient parfois en versant de l’eau par terre. Ce geste, dans la spiritualité africaine, n’a rien d’anodin. Geste d’accueil favorable, il est aussi rituel de reconnexion avec les ancêtres. Mazoclet en est bien conscient, lui qui jure ne manquer jamais d’inspiration « à moins que je n’aie plus de parents sous la terre ». L’unité dans l’acculturation, l’ignorance de ses origines est contreproductive, semble dire l’artiste. Il recourt fréquemment aux divinités et traditions endogènes comme dans les œuvres des séries ‘’Yèhoué’’ et ‘’Orun-Aye. Loin de n’en faire qu’un puits d’inspiration, il passe un puissant appel au ressourcement.

« Dans le passé, nos ancêtres avaient la sagesse de composer avec ces différentes divinités afin de s’assurer une vie paisible et épanouie en harmonie avec la nature. A travers la série Yèhoué, l’artiste invite à se reconnecter à notre source à travers nos cultures et traditions pour une meilleure manifestation de notre essence, gage de l’identité dont découlera notre unité à travers le continent », résume Sika da Silveira.

Intégration africaine

De son atelier aux ‘’Ateliers Coffi galerie’’ où il expose avec son homologue Prince Toffa, on découvre très vite l’évolution diachronique de l’art de Mazoclet. Ses premières œuvres sont plus accouchées dans le style du patchwork. Ce qui lui permet d’insister sur l’urgence de s’unir; l’idée qu’il renforce davantage par la soudure/couture qu’il réalise sur les éléments assemblés. « Ce n’est pas parce que je ne suis pas convaincu que ces bouts de plastiques ne vont pas rester ensemble mais pour donner plus de chance à notre unité… Mon travail renvoie vers cinq mots : flexibilité, rigidité, unité, pluralité et liberté ».

Désormais, il semble être passé à plus d’homogénéité avec des mosaïques murales ou toiles à grande dimension (105x105cm). Le message d’unité de Mazoclet ne s’adresse pas qu’aux béninois. L’artiste plasticien adhère à la vision panafricaniste qui prône la concrétisation des États-Unis d’Afrique. Dans la co-exposition ‘’Africa Dokpo’’ (unité africaine), installations, sculptures et performance incitent à l’unité des différents peuples d’Afrique, le démantèlement des barrières artificielles et la fédération des politiques.

La plus emblématique installation de la série ‘’Cartographie’’ présente les cartes des 54 pays d’Afrique assemblées autour d’une chaise avec un ‘’mortier’’ incrusté dans l’assise. Autrement, la métaphore de nation, pays où “Tò” chez les Fon du Bénin. L’Afrique, son intégration apparait alors comme condition sine qua non de son rayonnement socioéconomique et géopolitique.

Mazoclet Olusegun Toninfo envisage une tournée africaine d’exposition de ladite œuvre.

Par Sêmèvo Bonaventure AGBON

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