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Exposition « Umami » de Sophie Négrier : Le sucre dans toute son ambivalence

Par Sêmèvo Bonaventure AGBON
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L’espace culturel ‘’Le Centre’’ a accueilli vendredi 29 septembre, l’exposition ‘’Umami’’ de l’artiste française Sophie Négrier dans le cadre de la deuxième édition du projet ‘’Cotonou gallery weekend’’.

Par Sêmèvo Bonaventure AGBON

Face aux premières œuvres qui l’accueillent, Sylvia Sessou est confuse. « Je n’ai pas encore réellement compris ce qu’elle met dans le sucre ». Elle avance, contemple, sans grande idée. Devant elle, des tableaux présentant des morceaux de sucre (saint louis) superposés. Taille, disposition et nombre de sucres variables d’un tableau à l’autre.

Umami présente des œuvres simples dans leur monochromie mais profondes dans la préoccupation traitée. Sophie Négrier s’est toujours gardée des couleurs‚ des détails et décors. La mise en valeur par le blanc-noir répond à son choix de sobriété afin que ses sujets se présentent au public en toute simplicité‚ sans aucune surcharge esthétique.

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L’exposition Umami signifiant ”savoureux”-la cinquième saveur en japonais avec le sucré, l’acide, l’amer et le salé- oscille entre photographies imprimées, dessins et installations. Par intensité, Sophie Négrier conduit le visiteur sur les pas de « l’ambivalence » du sucre. Mais le sujet du sucre est sensible. Sophie Négrier le comprend.

En plus de l’art, elle convoque des connaissances scientifiques irrécusables à valeurs illustratives. Elle recourt essentiellement à deux disciplines, l’histoire et la santé. « Le sucre vient de l’Inde. Il est découvert à la fin du XIe siècle par les croisés en Orient », écrit-elle en légende à des dessins.

De remède à nourriture au siècle de la Renaissance, le sucre a ainsi poursuivi, comme le présente Umami, son ‘’chemin’’. Des usages en passant par les époques, le sucre échappe finalement à un marquage précis.

« Le sucre, il est ambivalent ; il est à la fois délice, bonheur et aussi mortel. Parce qu’il amène beaucoup de maladie, il détruit le corps. Mais aussi il est essentiel pour le corps parce qu’on le retrouve dans les cellules, justement sous l’ADN. Il est la charpente de l’ADN, sans le sucre il n’y a pas d’ADN ».

Sa production, un des motifs de l’esclavagisme, a coûté la vie à des millions d’Africains. De « 11 à 12,7 millions d’africains » ont été déportés le « XVIe et XIXe siècles » dont « 6 millions ont été envoyés dans les plantations sucrières », rappelle Sophie Négrier.

De nos jours, le sucre fait davantage de victimes, très sournoisement à travers « surconsommation », « overdose » et « addiction ». Et le corollaire, ce sont des affections dont l’obésité et le diabète qui peut conduire à des amputations. Sophie Négrier n’exagère pas. Avant elle, le chef de la santé d’Amsterdam, Paul Van der Velpen l’avait qualifié de la « drogue la plus dangereuse de tous les temps et peut être facilement acheté partout ».

Umami

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Toutefois, impossible de lui attribuer exclusivement la connotation de la négativité. Le sucre, étant aussi « délice », « bijou » comme l’illustre l’installation « Bijou de Umami » présentant des « cristaux de sucre ». De même que la seconde installation de l’exposition, une sorte de « Laboratoire », où Sophie Négrier laisse voir une expérimentation (Néons, bocaux, cristaux de sucre) sur le rôle d’humectant du sucre dans l’entretien des cheveux.

« Je suis artiste »

Dans Umami, Sophie Négrier refuse d’être étiquetée ‘’activiste’’. « Je suis artiste, je ne suis pas de l’ordre de la santé. Je reste à ma place d’artiste », insiste-t-elle. En février 2022, elle se définissait aux médias comme « une artiste-photographe sensible », qui s’intéresse « à ce qui touche à l’être humain ». Mais, elle dit ne proposer qu’une « peinture neutre » à son public, sans rien imposer.

« Je ne dénonce rien du tout. J’ai envie de proposer des questionnements à un public. Je n’ai jamais rien voulu dénoncer. Je ne suis pas un artiste de dénonciation. J’aime la plasticité, l’esthétique. Je raconte, je propose quelque chose. Le public est libre de prendre ou pas ».

Sophie est donc restée constante dans son art et sa démarche. Elle n’exhorte pas péremptoirement le visiteur à « fuir » le sucre. Elle s’arrête au stade du questionnement. « Le sucre est vraiment partout, aujourd’hui le sucre est dans tous les aliments. Il est caché, on en met partout pour créer une dépendance. Un questionnement sur le sucre qui est un produit très facile de consommation, facile d’accès et facile partout ».

La charge édificatrice des œuvres d’Umami est évidente. Julie l’a perçue avec perplexité. « Au fil des ans, je me rends bien compte de ma dépendance ; mais jusque-là j’échoue à réduire ma consommation ». Témoignage qui rappelle l’appel de Paul Van der Velpen aux gouvernements à « contrôler » le sucre.

D’autant que le « sucre crée un désir insatiable de continuer à manger, effet utilisé par l’industrie alimentaire pour augmenter la consommation de leurs produits ».

Brassage

Au-delà du fond, le travail de Sophie Négrier frappe par « la technicité, le processus de création. Ce n’est pas commun », souligne Zed Salou, lui aussi artiste dessinateur. Carole Borna, en a été aussi subjuguée.

Le « travail [de Sophie Négrier] est de plus en plus affiné, on sent qu’il y a de la recherche, on sent qu’il y a de la réflexion. Les œuvres qu’elle nous présente sont pleines de sens, pleines de réflexion ; ce sont des œuvres qui nous touchent ; puisqu’elles parlent de choses du quotidien, d’éléments qui font partie de la vie de tous les jours de l’homme et qui l’impactent », salue la conseillère technique du ministre du Tourisme, de la culture et des arts.

Sophie Négrier est née et a grandi en France avant de descendre au Bénin‚ en Afrique. Partagée entre les deux continents, elle communie avec deux cultures riches de leur diversité. Elle a retrouvé le Bénin en 2009, à l’âge de 26 ans et depuis, elle y vit en tant qu’enseignante loin de son pays d’origine.

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Le projet Cotonou gallery weekend est l’initiative de plusieurs centres culturels privés. Le privé entend accompagner par-là la dynamique de mise ne valeur de la culture et de l’art amorcée par le gouvernement et dont le couronnement a été l’exposition « Art du Bénin ; d’hier à aujourd’hui ». Leur ambition, rendre l’art contemporain accessible et ainsi « casser l’idée qu’il est un secteur fermé et très élitiste ».

 

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