À Ouidah, ville spirituelle située à l’ouest de Cotonou, 500 jeunes dont 425 filles retrouvent l’espoir en un avenir meilleur grâce au ProDIJ financé par la Banque mondiale. La société AdMec, avec qui l’État a conclu un partenariat gagnant-gagnant, les initie gratuitement aux métiers de l’énergie solaire. Pas sans promesse d’insertion professionnelle à terme…
Par Sêmèvo Bonaventure AGBON
Firmine, 25 ans et mère était livrée à elle-même. Faute de moyens, elle a dit adieu à l’école après l’obtention de son Bepc. Ce profil de jeunes a intéressé le Projet d’inclusion des jeunes (ProDIJ). Généralement âgés entre 15 à 30 ans, les bénéficiaires sont sujets à trois vulnérabilités majeures : économique (faible niveau d’étude avec inactivité ou sous-emploi), sexuelle (mère ou père précoces) et liée à l’extrémisme violent (40% des bénéficiaires sont issus de zones à risque dressée par l’ABeGIEF).
À Dassa-Zoumè d’où elle est originaire, Firmine vivait par exemple du commerce précaire de sucreries. Aujourd’hui, elle se confond en reconnaissance. «Je remercie l’entreprise et le projet». L’on comprend alors la spontanéité avec laquelle elle s’est portée volontiers pour partager avec le groupe d’activistes -dépêchés par la Banque mondiale pour une visite dans leur atelier, lundi 16 octobre- le quotidien de ses camarades en formation sur le site de la société AdMec domicilié au “Centre d’orientation, de perfectionnement et d’apprentissage de Ouidah” (Copao).
Au profit de cette cible, le gouvernement a initié le ProDIJ -Projet d’inclusion des jeunes. Dans ce cadre, l’Exécutif à travers l’Anpe a conclu un partenariat gagnant-gagnant avec la société AdMec, spécialisée dans le solaire.
Sur le site de Ouidah, celle-ci initie les 500 jeunes aux métiers d’assemblage, de maintenance et de réparation de lampadaires led et solaires. Pour la cause, chacun d’eux est doté d’une «boîte d’outils ». Il comprend multimètre, sonde, tournevis, testeur, clé à laine, clé à molette, fer à souder, marteau…
Assez holistique, le ProDIJ prend en compte les besoins de subsistance des bénéficiaires. De sorte à favoriser un apprentissage en toute sérénité. Les bénéficiaires témoignent avoir perçu des droits d’installation (30 000F), déplacement (de leur lieu de résidence à Ouidah) 9000F et mensuellement, 40 000F comme droit d’allocation.
Le projet s’inscrit dans le dispositif Azôli (chemin de l’emploi) mis en place par l’Anpe et soutenu par la Banque mondiale. Il coûte 60 millions de dollars pour une période de cinq ans (2021-2025).
Le centre dispose par ailleurs d’une infirmerie et surtout d’une garderie. Un besoin spécifique des filles mère dont elles en apprécient la prise en compte.
«C’est grâce à la garderie [intégrée au centre] que j’ai pu supporter la formation jusqu’à ce jour. Il y a des mamans recrutées par la banque mondiale. Nous on ne paie rien. Nous déposons seulement nos enfants et les mamans s’occupent bien d’eux. Nous prévoyons l’alimentation de nos enfants», témoigne, souriante, Firmine.
Insertion professionnelle
Vu leur nombre, les jeunes ont été répartis en 3 à 4 vagues pour des questions de logistique et d’efficacité. «Les mises en formation se sont déroulées par vague entre le 3 et le 24 avril 2023, pour une durée maximale de 6 mois.»
Avant le démarrage, l’Anpe rappelle les avoir formés au sein des «atelier de réussite en entreprise» (Are). Ils consistent à « attirer leur attention sur la déontologie administrative, comment communiquer en entreprise, comment respecter la hiérarchie, comment gérer son temps ; autrement, les conscientiser davantage.»
Le ProDIJ a d’ores et déjà prévu le sort des 500 jeunes à l’issue de leur formation. «À terme, 200 jeunes auront un contrat d’emploi direct avec la société AdMec qui offre gratuitement la formation», ajoute Marcel Adjahouisso, chef antenne Atlantique de l’Anpe.
Les autres, «qui ne seront pas recruté(e)s directement à la fin du processus auront la possibilité de faire valoir leurs compétences dans d’autres entreprises ou de s’installer à leur propre compte s’ils le souhaitent, avec l’appui conseil des spécialistes du dispositif Azôli», souligne-t-il.
Les entretiens ont même démarré en vue de la sélection des 200 jeunes à recruter, confirme à Bénin Intelligent un responsable d’AdMec rencontré sur le site. «Plus de la moitié a déjà fait l’entretien», assure celui-ci. «La société AdMec Ctib qui intervient dans le domaine de l’énergie, envisage créer une entreprise au Bénin pour s’occuper de la réparation, l’installation solaire. Quand ils seront recrutés c’est pour travailler dans ladite entreprise», dévoile le responsable.
Sur le site, l’apprentissage se déroule suivant un rythme soutenable. Les jeunes se concentrent de 7h30 à 11h45, puis marquent une pause avant de reprendre le travail de 14h à 15h45 et enfin, de 16h à 17h45.
Mathieu Dènon, ressortissant de Zè était un agent MoMo et vendeur d’essence de contrebande. En formation depuis le 25 avril, ce jeune titulaire du Baccalauréat qui a dû décrocher faute de moyens, parle déjà un langage de professionnel de l’énergie.
«Le panneau solaire est un dispositif qui capte les rayons lumineux du soleil et les transforme en énergie électrique. Pour savoir si un panneau est défaillant, on fait l’inspection visuelle et fonctionnelle», enseigne-t-il.
«Les acquis c’est beaucoup. Chez moi il n’y avait pas électricité. Si je vais au village maintenant je peux sensibiliser les gens et ils vont acheter des panneaux et je vais les aider à faire l’installation», s’engage-t-il déjà.
«Nous apprenons la réparation des lampadaires, l’électricité générale. Nous pouvons faire des installations domestiques», appuie Claire Nouagovi, fille mère ressortissante d’Agonlin, niveau Bepc, 23 ans. Elle bénéficie du soutien de son mari qui planifie l’après formation avec elle. «A la fin, mon mari dit que si je ne suis pas retenue parmi les 200 qui vont travailler à la Gdiz, je vais créer un centre de vente de matériels électroniques».
Les apprenants ont toutefois évoqué des couacs à propos desquels les responsables se montrent optimistes : retard de paiement des allocations, «panneaux solaires insuffisants pour faire des exercices pratiques», «l’infirmerie ne fonctionne pas».
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