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Les membres de la communauté Lgbtq+ sont des personnes humaines. A ce titre, ils sont couverts par le droit à la vie et à la protection garantie par la Constitution du 11 décembre 1990 modifiée (article 36). Néanmoins, le pays se réfugie derrière cette seule disposition juridique et évite d’afficher sa position pro ou anti quant à la pratique en elle-même. Une posture préjudiciable aussi bien du point de vue sociétal, éducatif que culturel.
Par Sêmèvo Bonaventure AGBON
Des Béninois ont tiqué en apprenant par les médias que « la communauté Lgbtqia+ était en fête à Cotonou » samedi 14 octobre dans le cadre de la deuxième édition de “Cotonou Gay pride”. La fête, selon diverses sources, s’est tenue « dans une grande salle de fête » tenue secrète. À ce rendez-vous « de retrouvailles », « des communautés [Lgbtq+] des pays voisins ont été également conviées ». Au titre du « programme alléchant » de la fête, « il y a eu élection miss gay », à en croire Benin-News.
Au Bénin, la majorité des opinions restent hostiles aux pratiques Lgbtq+. Cela se traduit par la stigmatisation, le rejet et les agressions physiques et sexuelles que subissent les personnes de cette obédience. « Chaque jour, ces personnes humaines subissent des violences physiques et morales et même la violation de leur droit à la vie de la part de leurs familles, leurs entourages, leurs collègues ou camarades ou encore tout simplement dans la société », note la Commission béninoise des droits de l’Homme (Cbdh) dans son rapport annuel de 2021.
Les pratiques Lgbtq+ sont perçues comme importées, promues par l’Occident. La France a même nommé « un ambassadeur Lgbtq+ », en la personne de Jean-Marc Berthon. Un séjour au Cameroun lui a été refusé; ce pays d’Afrique centrale étant anti-Lgbtq+. Qu’en est-il du Bénin ? Tolère-t-il à ses fils et filles de devenir gay, lesbienne, ou de naître homme le matin et se transformer en femme le soir ? Si la justice fait bien de condamner les auteurs d’agressions sur des citoyens fut-il Lgbtq+, la question de fond, elle, est survolée.
En janvier dernier, lors du dialogue interactif dans le cadre du 4ème Examen périodique universel (Epu), la délégation béninoise avait réagi à une préoccupation de la Belgique et du Royaume-Uni relative aux personnes Lgbtq+. « La délégation béninoise a expliqué que les droits des personnes Lgbtqia+ étaient protégés par les lois de la République. Toute violation de leurs droits en tant que personne était sanctionnée », lit-on dans le rapport.
Un homme a écopé de 12 mois de prison, dont six mois ferme en 2021, pour « coups et blessures volontaires » sur trois femmes transgenres. Le droit à la protection des personnes Lgbtq+ est donc acquis en tant que personne humaine mais pas encore en matière de mariage au Bénin. « Les membres de la communauté Lgbtqia+ ne pouvaient pas adopter d’enfants et le mariage n’était reconnu qu’entre un homme et une femme », souligne la délégation béninoise.
Le Bénin a reçu lors de la 42ème réunion du Groupe de travail sur l’Examen périodique universel du Bénin, une kyrielle de recommandations relatives aux personnes Lgbtq+. Plusieurs pays se sont préoccupés de la situation des personnes Lgbtq+ au Bénin lors de la 53ème session du Conseil des droits de l’Homme de l’Onu, comme le révèle le rapport A/HRC/53/10 consulté par Bénin Intelligent.
Parmi les pays porteurs figure Malte. Cet État insulaire invite le Bénin à « Prendre des mesures pour interdire toute discrimination fondée sur l’orientation sexuelle, l’identité de genre et les caractéristiques sexuelles, et veiller à tout faire pour que les auteurs de ces actes soient traduits en justice ».
Ces recommandations montrent « l’urgence de protéger le droit de tous les citoyens », apprécie Passita Gonzalex, membre de Synergie Trans Bénin, une association de défense des Lgbtq+. Le Bénin les a simplement « notées ». « Cela expose la communauté [Lgbtq+, ndlr] à d’autres abus, au rejet social et aux agressions des uns et des autres. Nous méritons une protection juridique et la possibilité de contribuer au développement de notre pays », insiste Passita Gonzalex (transgenre).
Bénin, plaque tournante des pratiques Lgbtq+ ?
Le Bénin compterait environ 18 000 membres Lgbtq+. Ils sont contraints de vivre cachés face au rejet social. En mai 2019, l’Ong Amnesty international a ainsi invité le gouvernement à initier une loi pour protéger les personnes transgenres et ceux qui défendent leurs droits. Mais « Si certain ont un mode de vie qui leur impose de se cacher, c’est qu’ils ont un problème existentiel. Est-ce la société qui est contre eux ou bien ce sont eux qui ont un problème avec la conscience de vivre dans une société ? » interroge l’universitaire. Lgbtq est « une copie de l’Occident », insiste Raymond Assogba.
Des enquêtes révèlent que dans les pays africains, des jeunes en proie au chômage sont enrôlés en douce par des lobbys et organismes étrangers dans cette pratique. Ils sont ensuite formatés pour présenter leur ”orientation sexuelle” comme héréditaire. Tel est l’avis du sociologue de développement Raymond Assogba. L’universitaire observe que les pratiques Lgbtq+ sont portées par l’Occident, «financées et promue dans la publicité».
«Dans les premières semaines de son administration, le président Biden a publié un mémorandum demandant à toutes les agences fédérales américaines travaillant à l’étranger de « veiller à ce que les efforts diplomatiques et l’aide étrangère des États-Unis promeuvent et protègent les droits humains des personnes Lgbtqi+ ». Et cet important travail est en bonne voie», se félicite justement l’ambassade des États-Unis près le Bénin dans un communiqué le 16 mai 2021 à l’occasion de Journée internationale contre l’homophobie, la transphobie et la biphobie (Idahotb).
En octobre 2020, la Conférence épiscopale du Bénin a ainsi relevé la promotion insidieuse de l’homosexualité qui gagne progressivement les États africains.
«La Ceb est très préoccupée par la promotion insidieuse et l’introduction progressive de l’homosexualité et de l’orientation sexuelle comme droits humains dans les législations des pays de l’Organisation des Etats d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (Oeacp), à la faveur du renouvellement des accords bilatéraux et multilatéraux en vue de l’obtention de l’aide internationale», lit-on dans le communiqué sanctionnant la première session ordinaire plénière.
Il y a un risque à ne pas trancher la question Lgbtq+ dans le pays. Les pratiques Lgbtq+, nous le savons, sont vues comme « une culture étrangère qui essaie de s’imposer chez nous » (professeur Coovi Raymond Assogba). Le silence du Bénin pourrait être appréhendé comme une caution à la pratique. Le Bénin serait d’ailleurs devenu la plaque tournante de cette question en Afrique de l’ouest. Beaucoup y viennent se réfugier. Les associations de défense y prospèrent, organisent ateliers et séminaires sur le sujet et accueillent des ”Lgbtq+” présumés persécutés dans leur pays d’origine.
On est conscient du dilemme que pose la question des pratiques Lgbtq+. Une législation pro marquera une rupture violente avec les valeurs culturelles et sociales reçues de générations en générations jusque-là. A contrario, une posture anti Lgbt+ du Bénin lui vaudra la hargne des associations de défense des droits humains. Et pas que. Le pays entretient des relations avec des pays occidentaux qui inscrivent les droits de l’Homme (y compris ceux de la communauté Lgbtq+) dans les principes de coopération. Plusieurs aides et programmes de développement en Afrique y sont subordonnés.
Comment imaginer que la France par exemple, qui a nommé un ambassade Lgbtq+, puisse coopérer sereinement avec un pays qui criminalise ces pratiques ? Or dans plusieurs États africains, la société et les valeurs partagées assignent à la sexualité la fonction déterminante de la procréation.
L’ancien président de la République, Boni Yayi a ainsi provoqué la colère de la communauté Lgbtq+ weekend dernier en présentant cette ”nouvelle culture” en vogue comme une menace. «Il s’agit donc par ces pratiques de la mise en œuvre d’une volonté malheureusement concertée de détruire non seulement les sociétés africaines mais simplement humaines dans leur fondement.», a-t-il défendu, vendredi 27 octobre sur sa page Facebook. Rappelant le sens de «nos traditions» qui « n’ont jamais accepté que l’homme aille avec l’homme ou la femme avec la femme. Nos sociétés considèrent cela comme une abomination dont la conséquence est la colère et la malédiction de nos ancêtres qui nous ont précédés dans la vie».
Héréditaire ou contagieux ?
Un prêtre catholique est du même avis. «La “promotion” de l’homosexualité et tout le reste désigné Lgbtq est une “immoralité déshumanisante”. Je “tolère” que des gens puissent avoir une tendance contre nature et qu’ils s’assument en toutes responsabilités. Je condamne la promotion, la normalisation d’une déviation grave et sa “douce” imposition à nos adolescents et jeunes”, avoue celui-ci.
Un ancien directeur du Festival international de théâtre du Bénin (Fitheb) avait témoigné publiquement avoir subi des pressions pour inscrire au programme un film faisant l’apologie des pratiques Lgbtq+. Et qu’il a résisté à l’appât de l’argent que lui ont tendu les demandeurs. L’illustration de la promotion des pratiques Lgbtq+ vient du Cameroun.
Au pays de Paul Biya, plusieurs programmes ont été épinglés comme « faisant la promotion des pratiques homosexuelles”, “généralement diffusés par des éditeurs étrangers”. Selon le Conseil national de la communication (Cnc) un organe gouvernemental, les programmes du genre prolifèrent et “se retrouvent de plus en plus dans les dessins animés destinés à l’enfance et aux mineurs”. En septembre dernier, le Cnc après une première mise en garde, a sommé le groupe Canal+ d’interrompre la diffusion de sa chaîne Canal+ Elles.
Bien qu’elle prône l’accueil et l’acceptation des homosexuels, la Rév. docteure Fifamè Houssou Gandonou, théologienne et spécialiste de l’éthique sexuelle et familiale, rejette l’idée que l’homosexualité serait “seulement” donnée par la nature comme le prétendent certains.
L’homosexualité, écrit-elle, « se construit aussi au fil de la vie et est influencée par l’environnement, l’éducation, les relations parents-enfants etc. (…) A priori, l’homosexualité qui se fonde sur une base d’amour et sans l’aliénation du partenaire ne pose aucun problème mais c’est au moment où les bases éthiques sont erronées qu’elle doit être combattue sous toutes ses formes».
D’où le devoir pour l’État de recadrer afin d’éviter une corruption à grande échelle de sa jeunesse.
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