À quelques heures de l’annonce du Grand prix littéraire du Bénin, l’honnêteté intellectuelle pourrait nous pousser à nous poser une question simple : en quoi le grand prix littéraire du Bénin est-il grand ?
Je le dis tout de suite. Le but n’est pas de monter sur nos grands chevaux et de nous mesurer aux distinctions comme le Goncourt français, le Pulitzer américain, le Prix des cinq continents de la francophonie ou encore, depuis peu, et c’est très heureux, le Prix les Afriques, porté par la CENE littéraire, une initiative africaine.
Mais nous savons que l’idée de distinguer des œuvres littéraires n’est pas une invention béninoise.
Il reste pourtant essentiel de se demander si grand prix littéraire dans le contexte béninois n’est pas un titre ronflant aux réalités banales…
De la pérennité d’une action
Soyons justes. Dans un pays où la littérature écrite n’est pas la chose la mieux partagée, il faut reconnaitre au gouvernement le mérite d’avoir pérennisé l’aventure du Grand prix littéraire du Bénin qui en est donc à sa cinquième édition.
On suppose qu’il ne s’agit pas seulement d’une ligne de plus dans le budget du ministère de la Culture. Et que le gouvernement tient vraiment à révéler le Bénin littéraire. D’ailleurs, le grand prix ne distingue pas que des auteurs de fiction. Il salue aussi depuis quelques années, le meilleur journaliste ou chroniqueur littéraire, la meilleure maison d’édition et peut-être demain, je l’espère, le meilleur bibliothécaire, le meilleur libraire, etc.
Une production littéraire vivante
L’activité littéraire au Bénin est assez dynamique. Chaque semaine, de nouveaux livres paraissent.
Les éditeurs, malgré les faibles moyens dont ils disposent, font des efforts appréciables pour accompagner les auteurs. Ceux-ci de leur côté, rivalisent de créativité pour promouvoir leurs livres, notamment sur les réseaux sociaux.
Aussi, ces dernières années, plusieurs livres édités au Bénin ont été remarqués à l’international.
Carmen Toudonou fut finaliste du Prix Kourouma 2019 avec Carmen Fifonsi Aboki (CFA). Colorant Félix de Destin Akpo a été dans la sélection finale du Prix Orange en 2022. Et l’on se rappelle qu’avant de remporter le Grand prix littéraire du Bénin en 2020, Giovanni Houansou avait été lauréat du prix RFI Théâtre en 2018.
Les auteurs béninois s’illustrent donc hors des frontières nationales, mais il faut qu’ils soient valorisés d’abord et surtout chez eux. Et les prix littéraires sont un bon moyen de le faire.
Le grand Prix littéraire en gros…
Dans le cadre de cet article, nous avons fait un sondage sur les réseaux sociaux pour évaluer le rapport des Béninois au Grand prix littéraire du Bénin.
Il faut en retenir d’abord que 100 % des personnes qui ont daigné répondre à ce questionnaire ont déjà entendu parler du prix en question.
Si environ 80 % de ces personnes connaissent un auteur ayant remporté le prix, 66 % ont déjà lu un livre primé.
Cet échantillon ne représente pas forcément l’ensemble du peuple béninois. Le sondage a ciblé sur les réseaux sociaux les groupes dédiés à la littérature.
Mais nous pourrions risquer d’en tirer quelques leçons.
Le Grand prix littéraire du Bénin s’est déjà fait une réputation. La plupart des personnes qui s’intéressent au livre au Bénin connaissent ce prix. Des lecteurs choisissent de lire des livres parce que ces derniers ont reçu le prix.
Mais des efforts doivent être encore faits pour valoriser la distinction.
Ainsi, et pour revenir à notre sondage, seuls 18 % des personnes interrogées affirment avoir participé à une activité en lien avec le Grand prix littéraire du Bénin (conférence, dédicace, atelier d’écriture, etc.)
Une autre donnée est assez préoccupante : toutes les personnes interrogées estiment que la communication autour du prix n’est pas efficace.
Grand prix, petites activités ?
On ne finit jamais de grandir. Et le plus prestigieux prix littéraire du Bénin doit encore monter en importance.
En dehors de la cérémonie officielle de proclamation, il y a très peu de communication avant et après la réception du prix.
Le Grand prix littéraire ne doit pas se résumer à une simple cérémonie de distinction. Le ministère de la Culture doit imposer sur une année un cahier de charge aux lauréats et leur donner les moyens d’atteindre des objectifs précis.
Les lauréats du Grand prix devraient par exemple organiser des activités, ne serait-ce que dans les bibliothèques départementales du pays, mais aussi dans les écoles.
L’auteur, l’éditeur et le journaliste ou chroniqueur littéraire de l’année doivent aussi travailler à la réputation du prix en mettant en avant les activités qu’ils organisent ou auxquelles ils participent dans le cadre du prix.
Plus l’on communique sur ces activités, qu’elles soient organisées par le ministère de la Culture ou par des organisations privées, plus l’on renforcera le prestige de ce jeune prix qui a au moins le mérite de subsister.
Alors, en quoi le plus prestigieux prix littéraire béninois est-il grand ?
Le cadre de délibération ? Magnifique !
Le trophée ? Sublime !
L’enveloppe financière ? Assez importante.
Mais sur bien d’aspects, le Grand prix littéraire du Bénin est bien trop petit…
Par Eurydoce Désiré Godonou,
Spécialiste de l’information documentaire
Étudiant en master Métiers du livre et de l’édition
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