Majoie Houndji a été victime du harcèlement ‘’traditionnel’’ et « du cyber-harcèlement à un moment donné » de sa vie. Elle a su se relever pour s’imposer aujourd’hui comme une actrice majeure de la lutte contre le cyber-harcèlement au Bénin et dans le monde. Entretien.
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Bénin Intelligent : Qu’est-ce qui vous a poussé à vous engager dans la lutte contre le cyber harcèlement?
Majoie Houndji, chroniqueuse et activiste : Eh bien, pour avoir été victime du harcèlement et du cyberharcèlement à un moment donné, je ne sais pas si c’est une chance ou si c’est une malchance. Mais pour moi c’est les deux. J’ai compris que le cyberharcèlement n’était pas autant connu comme le harcèlement au moment où je le vivais en 2017 au Bénin.
Le cyberharcèlement, ce fait -là n’était connu de personne en Afrique de l’Ouest. Et dans mon pays, le Bénin, personne ne savait que le harcèlement traditionnel avait son sosie sur internet et portait déjà un nom. Étant victime des deux, j’ai compris que le cyber-harcèlement est bien plus dangereux que le harcèlement même en question.
Bien qu’il soit gravement nuisible, personne ne luttait contre dans mon pays parce que personne n’avait idée de son existence. Il y a des gens qui vivaient le cyber-harcèlement, mais ils ne savaient pas qu’ils le vivaient.
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Il y a d’autres personnes qui confondaient le cyberharcèlement comme de la liberté d’expression sur internet. Et j’ai compris que je n’étais pas la seule personne à être victime de ce fléau sur internet.
Alors j’ai décidé d’être celle, la première personne à mener cette lutte afin de faire connaître l’existence du cyberharcèlement aux béninois, d’ouvrir les yeux à l’Afrique de l’ouest sur l’existence de ce fléau. Et ainsi, permettre à chacun de pouvoir se lever ensemble pour pouvoir mener une lutte contre le harcèlement numérique ; afin que plus personne ne vive le harcèlement numérique et qu’au même titre que le harcèlement traditionnel, qu’il y ait des luttes contre le cyberharcèlement.
Quels sont les défis auxquels vous avez été confronté dans votre parcours de lutte contre le cyber-hacèlement ?
J’ai été confrontée à plusieurs défis, mais il y a deux qui ont été les plus majeurs : le premier, c’était de faire connaître l’existence du cyber-harcèlement aux Africains et leur faire comprendre que le cyberharcèlement, ce n’était pas la liberté d’expression.
Bien qu’il soit gravement nuisible, personne ne luttait contre dans mon pays parce que personne n’avait idée de son existence. Il y a des gens qui vivaient le cyber-harcèlement, mais ils ne savaient pas qu’ils le vivaient.
Parce que, comme je le disais tout à l’heure, souvent le cyberharcèlement est pris pour de la liberté d’expression et on pense souvent qu’on peut tout dire sur les réseaux sociaux. J’aimerais faire comprendre à tous ceux qui étaient sur les réseaux sociaux, j’aimerais leur ouvrir les yeux, que le monde digital, c’était comme dans le monde réel.
Le second défi, c’était qu’ensemble, tout le monde puisse être ensemble pour lutter contre le cyberharcèlement. C’est-à-dire que ce ne soit pas moi seule qui ai vu, je peux dire au Bénin, qu’il y a quelque chose qui s’appelle le cyberharcèlement, et j’ai décidé de mener la lutte.
Mais au fur et à mesure, maintenant qu’ils ont pris conscience de l’existence du cyberharcèlement, que tous, en tant que personnes, en tant qu’africains, nous puissions mener la lutte contre le cyber-harcèlement, au même titre que le harcèlement traditionnel, afin que les choses puissent changer. Donc, c’est le second défi majeur auquel j’ai été confrontée.
Quelles sont vos stratégies pour sensibiliser contre le cyber-hacèlement et promouvoir un environnement sain en ligne ?
J’ai une communauté au Bénin, mais aussi dans plusieurs pays d’Afrique. Donc, je me sers de leurs réalités pour parler du cyberharcèlement. Parfois, on organise des webinaires avec des organisations de l’extérieur pour parler du cyber-harcèlement dans ces pays-là, ou parler du cyber-harcèlement spécifiquement concernant ces pays-là.
C’est quelque chose qui fonctionne beaucoup. Donc, je me sers aussi de ma communauté qui veut m’aider à parler du cyberharcèlement.
Il y a aussi ces personnes-là qui sont avec moi dans l’ombre. Je parle par exemple des psychologues qui peuvent parler aux personnes victimes de cyber-harcèlement et qui peuvent leur montrer qu’une telle chose existe. Vous voyez, vous pouvez essayer de vous en sortir même si vous êtes victime.
J’accompagne certaines organisations dans plusieurs domaines donnés. Cela me permet à chaque fois de faire la promotion de ma lutte contre le cyber-harcèlement.
Il y a aussi les hommes de loi comme les juristes, les avocats et autres qui peuvent aider aussi afin que la personne puisse se sentir à l’aise. Donc, je mets parfois des victimes du cyber-harcèlement qui ont peur de parler, qui ont peur de s’ouvrir devant et au contact des autres personnes pour qu’ils puissent comprendre qu’elles ne sont pas seules.
Il y a aussi d’autres stratégies qui sont en train d’être mises en place et qui vont faire que je ne travaillerai plus seule, mais je travaillerai avec beaucoup de corps de métiers artistiques.
Comment collaborez-vous avec d’autres acteurs comme les autorités, les Ong dans la lutte contre le cyber-hacèlement ?
Bien souvent, les organisations béninoises et internationales me contactent pour qu’on puisse parler du cyber-harcèlement. J’accompagne certaines organisations dans plusieurs domaines donnés. Cela me permet à chaque fois de faire la promotion de ma lutte contre le cyber-harcèlement.
Je suis avec l’Ong internationale européenne de lutte contre le cyber-hacèlement. Nous travaillons sur ce sujet-là. De la même manière, je travaille avec Oxfam Ghana à travers un webinaire.
Il y a également Amnesty International, Unicef Bénin, l’Association des juristes du Bénin, des personnalités publiques comme la diva Angélique Kidjo, Steeve Facia et beaucoup d’autres…
Comment peut-on alors lutter efficacement contre le cyber-hacèlement ?
Pour pouvoir mener la lutte contre le cyber-harcèlement efficacement, ce n’est pas seulement les réseaux sociaux, ce n’est pas seulement les jeunes, ce n’est pas seulement de la sensibilisation, mais c’est tout le monde ensemble.
Quand je dis tout le monde ensemble, il faut que les parents sachent que le cyber-harcèlement existe, que la dépression ne doit pas être un sujet tabou en Afrique et que ceux qui vivent le cyber-harcèlement peuvent se déprimer, ils peuvent chercher à se suicider.
Il faut aussi sensibiliser sur ce côté-là. Il y a plusieurs attaques qui entrent en jeux dans la lutte contre le cyberharcèlement. Si tout le monde ne mène pas le combat ensemble, nous allons toujours faire des sensibilisations, mais il n’y aura pas des fruits. Ceux qui sont les migrants du numérique ne connaissent rien à ce qu’on appelle le cyber-harcèlement. Il faut qu’ils vivent avant de le savoir.
Quels sont vos mots aux victimes du cyber-harcèlement ?
Si j’ai des recommandations à l’endroit de ceux qui sont victimes de cyber-harcèlement sur les réseaux sociaux, c’est de se dire que ce n’est pas de leurs fautes. Il faut qu’ils sachent que le monde du numérique, c’est aussi une jungle.
Il faut que les parents sachent que le cyber-harcèlement existe, que la dépression ne doit pas être un sujet tabou en Afrique et que ceux qui vivent le cyber-harcèlement peuvent se déprimer, ils peuvent chercher à se suicider.
Donc, ils n’ont qu’à faire attention à ceux à qui ils font confiance sur internet et qu’ils fassent attention à leurs personnels branding sur les réseaux sociaux. Parce que si tu es bizarre sur internet, tu as des comportements étranges sur internet, tu peux provoquer aussi ton cyber-harcèlement.
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En réalité c’est comme dans la vie. Quand nous sortons, nous ne pouvons pas sortir nus, au fait. Parce que quand on sort nus, les gens vont nous insulter. Aujourd’hui, par exemple, tu ne peux pas porter une minijupe très sexy pour pouvoir sortir, pour pouvoir partir à Tokpa. Il y a des bonnes dames qui sont à Tokpa, qui vont critiquer ton habillement extravagant.
Pour finir, ils peuvent aller à l’Ocrc quand ils se font cyber harceler pour pouvoir porter plainte. Ils peuvent se faire aider et ils doivent savoir qu’on peut en parler. Il faut qu’ils se disent que ce qu’ils vivent, plusieurs personnes semblent vivre les mêmes choses au même moment et qu’ils peuvent se relever.
Et si moi j’ai réussi à me relever, si j’ai réussi à trouver une occasion, malgré mon cyber-harcèlement, c’est que je ne suis pas la seule à pouvoir faire pareille. Et aux auteurs du cyber-harcèlement, qu’ils comprennent que le cyber-harcèlement, n’est pas de la liberté d’expression.
Propos recueillis par Nonvignon GUENDEHOU
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