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Art contemporain du Bénin

Exposition ‘‘Révélation! Art contemporain du Bénin’’ en Martinique : « Un symbole fort »

Par Sêdaminou Béni AGBAYAHOUN
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Après le musée Mohamed VI à Rabat au Maroc de janvier à juin 2023, l’exposition ‘’Révélation ! Art contemporain du Bénin’’ s’ouvre ce vendredi à la fondation Clément, commune du François en Martinique. Une exposition controversée en raison du lieu choisi pour l’abriter.

Le site accueille une centaine d’œuvres de 42 artistes béninois du vendredi 15 décembre au 30 mars 2024. Patrice Talon voit dans cette exposition « un symbole fort et un grand moment de la chaîne des liens intangibles et séculaires entre la Martinique et le Bénin ».

‘‘Révélation! Art contemporain du Bénin ’’ sonne donc comme une ‘’reconsécration’’ des liens entre la Martinique et le Bénin. Liens marqués dans un premier temps par la « tragédie de la traite transatlantique ». Puis la déportation du roi Gbèhanzin qui y a séjourné en captivité pendant plusieurs années.

« Et le fil de cette union n’a jamais été rompu », fait remarquer Patrice Talon en visite en Martinique dans le cadre de l’exposition depuis mercredi 13 décembre. « Au gré des années, il s’est développé par des liens de coopération politique et culturelle qui ne cessent de s’affermir, le désir et l’acte de retour étant réciproques », souligne le chef de l’Etat.

L’itinérance de l’art contemporain du Bénin en terre martiniquaise est donc un symbole fort et un grand moment de la chaîne des liens intangibles et séculaires entre la Martinique et le Bénin. Au-delà de la tragédie que fut la traite transatlantique, les deux terres partagent une identité. Mieux, elles ont été foulées par le souverain danxoméen, avant-gardiste en son genre, le roi Béhanzin. Des douze années de son exil, de la conquête du savoir français par son fils préféré Ouanilo devenu adulte, il en est resté des traces immuables. Et le fil de cette union n’a jamais été rompu. Au gré des années, il s’est développé par des liens de coopération politique et culturelle qui ne cessent de s’affermir, le désir et l’acte de retour étant réciproques. La cosmogonie vodun, l’écologie, la féminité, le culte aux ancêtres ou la question de l’identité sont autant de sujets sur lesquels les artistes béninois s’épanchent sans tabou. Nos créateurs, à travers cette exposition, constituent de véritables ambassadeurs du renforcement de la fraternité bénino-martiniquaise.

Patrice Talon, Président de la République du Bénin

L’exposition sera présentée en trois séquences : Récurrence-variation, Transition(s) et Transgression-Hybridation. Elle s’ouvre sur « la présentation des photographies des 26 trésors royaux » restitués par la France en novembre 2021. Les visiteurs auront droit entre autres à de la peinture, sculpture, installation, art vidéo, dessin, art numérique, performance.

‘’Révélation ! Art contemporain du Bénin’’ est le lieu de l’expression des artistes béninois sur plusieurs sujets. Notamment, « la cosmogonie Vodun, l’écologie, la féminité, le culte aux ancêtres ou la question de l’identité ». « Nos créateurs, à travers cette exposition, constituent de véritables ambassadeurs du renforcement de la fraternité bénino-martiniquaise » convainc le chef de l’Etat, Patrice Talon.

Le calendrier de l’exposition prévoit également « des interactions avec les écoles, des apprenants des écoles d’art », des master class animés par des artistes béninois, la production de spectacles de petites formes, a confié William Codjo, directeur général de l’Adac au quotidien La Nation. L’équipe de l’exposition est porteuse d’un « message ». « Un message de fraternité, de main tendue pour qu’ensemble, nous regardions l’avenir avec sérénité mais aussi avec grandeur », lance William Codjo.

La controverse

L’organisation de l’exposition par l’Agence de développement des arts et de la culture (Adac) à la fondation Clément a soulevé une vague de protestation et d’indignation. Et pas qu’en Martinique. « C’est une indignation partagée par la Guadeloupe mais aussi par l’Afrique car des membres de la société civile s’élèvent contre la venue du président Talon dans ces conditions », condamne Myriam Malsa, membre de la Médiation international pour les réparations (Mir) rapporté par Radio Caraïbes international.

Gabrielle Privat trouve quant à elle que « C’est plutôt bien de faire découvrir des artistes ». Mais le problème, « c’est la symbolique du lieu » explique la présidente du Comité national pour la réparation (Cnr). Mais plus encore « cette exposition se tient dans une sphère privée alors qu’elle devrait être organisée par l’Etat, la collectivité territoriale de Martinique », s’indigne-t-elle au micro du même média.

Dans un courrier adressé au président Talon le 4 novembre, plusieurs associations de la diaspora et du continent africain ont soulevé leurs réserves quant à la tenue de l’exposition sur le site de la fondation Clément.

Ce lieu, soulignent-elles, « est l’équivalent des camps de concentration nazis pour nos ancêtres africains réduits en esclavage et leurs descendants ». « Les corps martyrisés de nos ancêtres africains [y] ont été jetés et entassés vulgairement dans la terre », note-on dans le courrier. « Au point qu’il semblerait que leurs âmes errent encore dans les lieux ».

Le collectif ne comprend donc pas que l’Adac organise l’exposition « sur invitation d’un descendant de l’un [des] criminels esclavagistes qui refuse toute réparation des crimes liés à l’esclavage et à l’empoisonnement ».

Au-delà du site, les protestataires mettent également en cause l’initiateur de l’invitation. Bernard Hayot, occupant de l’habitation Clément – qui abrite l’exposition – et son frère Yves seraient parmi les principaux responsables de ce qu’ils appellent un « génocide par empoisonnement ».

Il s’agit de « l’énorme scandale du chlordécone, qui s’inscrit dans la continuité de l’esclavage et de la colonisation », font-ils remarquer. « Cette molécule interdite en France, empoisonne pour des centaines d’années les terres de Martinique et de Guadeloupe ». Et la conséquence serait que « la Martinique détient le record du monde de cancer de la prostate et que les ouvriers agricoles ont vu mourir leurs pères, mères, frères et sœurs et enfants dans d’affreuses souffrances ».

Mettant en commun tous ces paramètres, ils ont décidé d’alerter « fraternellement et solennellement » le président Talon. Et lui faire remarquer « la grave méprise de la présence des artistes béninois en ce lieu qui a abrité des crimes multiséculaires sur nos ancêtres communs et sur le fait que cela entacherait gravement » l’image du chef de l’Etat et celle du pays.

Construire quelque chose

En Martinique, la fondation Clément est « le seul lieu spécialisé et dédié à l’art contemporain ». Le directeur général de l’Adac l’a souligné au cours de l’entretien accordé au journal La Nation. Pour le président Talon, le choix de ce lieu est quand-même porteur de sens.

« C’est un endroit chargé d’histoire, de drames et de nature à réveiller des douleurs. Nous le comprenons très bien » a-t-il rassuré à son arrivée en terre martiniquaise. Il rassure également ne pas désapprouver la « désapprobation » des protestataires. Par ailleurs, Talon estime que « même dans les contextes les plus difficiles, on doit être capable de construire quelque chose ». Ainsi, ‘’Révélation ! Art contemporain du Bénin’’ pourrait être porteuse de changement.

« Cette occasion pourrait permettre aux responsables de l’Habitation la fondation Clément d’ouvrir, peut-être, la voie à des échanges permettant, tout doucement, de gommer et d’effacer ces rancœurs et difficultés qui persistent en empêchant la construction de la Nation martiniquaise, solide et unifiée » lance-t-il en signe d’espoir, rapporte radio Caraïbes internationale.

La visite du chef de l’Etat en terre martiniquaise s’achève dimanche 17 décembre. Au menu, la diplomatie, la culture et l’actualité de l’itinérance de l’exposition ‘’Révélation ! Art contemporain du Bénin’’. Elle s’inscrit dans la dynamique de valorisation du patrimoine culturel matériel et immatériel du Bénin, amorcée par son gouvernement.

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