Au fur et à mesure que la première édition des Vodun days (9 au 10 janvier 2024) approche, le gouvernement dévoile le visage des artistes invités sur scène. Seulement, les béninois restent divisés sur le casting. Ils sont nombreux à être mécontents du choix de certains artistes internationaux -annoncés sur le concert des Vodun days- mais dont la musique est jugée incohérente avec les valeurs et la culture Vodun.
«J’espère que c’est une blague». Ainsi réagit Esckil Agbo à l’annonce de Yèmi Alade sur le concert des Vodun days. Comme lui, d’autres béninois ne veulent presque pas de la nigériane de même que le congolais Koffi Olomide, annoncé lui aussi sur scène à Ouidah. Ce nom est d’ailleurs tristement entré dans la mémoire du pays. Le roi de la rumba a à son actif un concert meurtrier au stade Mathieu Kérékou il y a plus de 20 ans, le samedi 3 mai 2003.
À toutes les stars persona non grata aux yeux de certains Béninois, le reproche est le même :
« Quel est le lien entre sa musique et le Vodun ? Quel est le lien entre ce qu’elle joue et ce que défend, promeut et valorise Vodun Days», formule vigoureusement Esckil Agbo. «Je ne dis pas qu’il faut s’enfermer sur les artistes béninois. On peut s’ouvrir à d’autres pays. Mais Yèmi Aladé, c’est un très mauvais casting. Il faut voir ses sons, ses clips pour voir le mauvais choix opéré par nos autorités.», persiste le chroniqueur littéraire.
Le chroniqueur de musique, Jean-Discipline Adjomassokou est du côté des déçus, particulièrement concernant la présence de Yèmi Aladé.
«Si l’objectif de cet événement est de faire la promotion de la culture Vodun dans toutes ses dimensions à travers le monde, il serait préférable pour nos autorités de ne pas mettre Yemi Alade à l’affiche. De grands artistes africains, antillais et des Caraïbes peuvent aussi valablement faire l’affaire. Je pense surtout aux Ghanéens, Haïtiens, Brésiliens, Cubains, Colombiens etc. qui ont aussi adopté la culture Vodun et qui le revendiquent fièrement et qui peuvent mieux drainer les foules et les touristes que Yemi Alade. Je suis formel. Le choix de Yemi Alade est une erreur», assure-t-il, catégorie sur Meta.
Destination Bénin
Au ministère du Tourisme, de la culture et des arts (Mtca) organisateur des Vodun days, ces réactions sont comprises. Mais la contre-attaque se trouve même dans l’esprit du concept des Vodun days, souligne un proche du comité d’organisation. Certains béninois semblent faire une fixation sur le vocable ”Vodun”. D’où les commentaires tels que «Koffi Olomide a fait quel genre de chanson sur le Vodun ?». Alors que le gouvernement, lui, entend surtout promouvoir la Destination Bénin.
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Dans cette volonté politique, les arts et la culture Vodun et la mémoire de l’esclavage constituent des atouts incontestables. «Ouidah est connu pour son statut de ville symbole de réhabilitation de la mémoire des afro-descendants. Ce lieu est un instrument de promotion de la destination Bénin», a soutenu en conférence de presse jeudi 30 novembre, le ministre Jean-Michel Abimbola.

Face aux critiques actuelles, la réponse qu’avait donné le ministre aux polémiques liées au recours à l’anglais dans l’expression Vodun days, est aujourd’hui valable. Des béninois avaient plutôt réclamé les Vodun-zan comme étant plus authentique. Or, Vodun days c’est «L’authenticité par le vocable Vodun et l’ouverture par ”days”». «Il ne faudrait pas que ce soit un entre-soi. Nous avons noté combien le Vodun s’est répandu à travers le monde (Cuba, Caraïbes, Europe, Asie.) Partout on parle du Vodun, partout des communautés ont hérité de ce patrimoine». Et donc, le projet des Vodun days ne s’adresse pas qu’aux locaux, tranche Jean-Michel Abimbola.
«L’idée des Vodun days n’est pas que de célébrer le Vodun.»
« Les Vodun days, c’est pour les béninois, mais c’est également pour les étrangers qui vont venir au Bénin », appuie le point focal communication du ministère du Tourisme, de la culture et des arts, Germain Djimido, interviewé par Bénin Intelligent à l’issue d’une séance d’échange avec la presse, mercredi 27 décembre. «L’idée des Vodun days n’est pas que de célébrer le Vodun. Mais plutôt d’inciter les visiteurs à fouler le sol béninois. Pour ce faire ils ont besoin d’être « intéressés », ajoute-t-il.
Selon les confidences de celui-ci, l’initiative des Vodun days et particulièrement le concert des Vodun days suscite déjà beaucoup d’engouement à l’international.
«Le concert des Vodun days est devenu une scène internationale. C’est annoncé dans plusieurs pays. Il y a des voyages qui sont annoncés de partout dans le monde, pas seulement des pays européens, pour être sur cette scène. Donc ce n’est pas quelqu’un qui va juste faire une prestation pour le Bénin qui va se retrouver sur cette scène. Mais plutôt des artistes dont la prestation va vraiment montrer que le Bénin a du talent qui sont choisis. C’est pourquoi Koffi Olomide peut se retrouver sur cette scène. C’est vraiment stratégique et profitable à notre pays».
A titre illustratif, les Tabou Combo arrivent au Bénin. De même que leurs compatriotes Gardy Girault (musicien électronique haïtien, DJ, remixeur et producteur de disques) et Maksaens Denis. Tabou Combo, ce mythique groupe de musique haïtienne est fondé en 1968.
Réclamés
Les Béninois ne critiquent pas que la liste en cours d’officialisation. Ils ont leurs artistes locaux préférés qu’ils proposent sur le podium du concert des Vodun days. Il s’agit généralement de ceux dont l’art s’inspire ou promeut les danses et rythmes des couvents Vodun et dont le verbe sur le Vodun est bienveillant.
Parmi eux, certains sont déjà effectivement confirmés par le Mtca. Ce sont entre autres, Les Frères Guèdèhounguè, Norberka, Les Frères Totin, Sagbohan Danialou, Ayodélé, Les Teriba. Insuffisant ? Les Béninois réclament d’autres vedettes : Bobo Wê, First King, Angélique Kidjo auteure de Shekere, une collaboration avec Yèmi Aladé; Anice Pépé, Ebawadé (Codjovi Sévi) dont la musique est une fusion du rythme Vodun Azandro Zelehoun et du Agbaja. Et surtout, Alèkpéhanhou, le roi du Zinli rénové et maître des rythmes sacrés Agbotchébou et Hwèdè. Hélas ! Ce dernier ne sera pas de la partie. Il ne figure pas sur la liste définitive des 17 artistes -dont 5 groupes- parmi lesquels 8 internationaux diffusée par le gouvernement.
«Le Roi Alèkpéhanhou devrait être sur le podium. Si les organisateurs ne savent pas qu’il a plus chanté les Vodun que n’importe quel artiste au Bénin, c’est grave.»
Un internaute sur la page Méta des Vodun days

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Le gouvernement donne l’assurance que les artistes nationaux seront suffisamment promus sur la scène des Vodun days. «Les artistes locaux qui chantent le Vodun, la culture endogène et qui ont vraiment du talent sont sur l’affiche. Les nationaux sont plus nombreux que les artistes internationaux», rassure Germain Djimido.
Les Vodun Days, anciennement connus sous le nom de Fête du Vodun, constituent un rendez-vous annuel international fixé à Ouidah. Il met en lumière les arts, la culture et la spiritualité Vodun à travers une programmation culturelle et cultuelle inédite. Les Vodun days recouvrent la consultation du Fa à l’intention de tout le pays, mettant ainsi fin à l’anarchie en cette manière.