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Patrice Talon

Patrice Talon : La confession publique

Par Sêmèvo Bonaventure AGBON
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Une semaine après la ferveur des Vodun days à Ouidah, Patrice Talon apparaît à la télévision. Avec l’éloquence qu’on lui connaît, il assume avec entrain sa “foi chrétienne catholique pratiquante”-que tout beninois savait. Comme s’il avait reçu en privé une demande d’explication (du clergé) à laquelle il a préféré répondre publiquement. Que cache la réaffirmation.

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L’implantation continue des Églises au Danxomè, depuis 1843 avec le protestantisme méthodiste, ne s’est pas faite sur un désert de vie, de cultures encore moins de spiritualité. Les premiers missionnaires en étaient si bien conscients qu’ils durent procéder par émasculation de l’existant cultuel afin de reconfigurer le mental des autochtones de sorte à le rendre fertile à la nouvelle offre religieuse pas vraiment laissée au libre choix.

« L’expansion des religions du livre, notamment du christianisme et de l’islam a tellement dépeint la religion Vodun en noir que les Africains ont abandonné ce qui relève de leur propre identité, de leur histoire, de leur patrimoine ». Patrice Talon réitère à nouveau et assume l’évangile du retour à soi, à ses repères. À l’ère du montrer et du voir, du donner et du recevoir prenez garde d’aller vers l’autre les mains vides ou plus méprisant, avec ce qu’il vous a imposé à un moment de l’histoire.

Il est compréhensible que l’Europe veille opiniâtrement sur le christianisme comme identité et assure son expansion au-delà. Elle en a même fait un instrument de grandeur, de géopolitique. De même, que l’Arabie Saoudite finance le rayonnement de la religion du prophète Mahomet. Il est aussi et surtout vital que le Bénin, berceau du Vodun décide souverainement d’investir dans la réhabilitation de cette identité première. Pour éviter à son peuple une dissolution fatale dans l’universel.

S’assumer

Mais ce projet, de la part d’un petit État ouest-africain, paraît trop noble. Voire trop prétentieux dans un monde où les fauves croient avoir tout vissé. Le chef de l’État Patrice Talon a dû subir donc des pressions en privée. On peut l’affirmer avec autorité lorsqu’on est un peu au parfum de la politique sournoise d’autres courants religieux à propos de ce qui relève intrinsèquement de l’africain.

Patrice Talon

L’Église catholique n’a-t-elle pas confirmé son aversion lorsque dans le communiqué de la 71e session plénière, elle tire subtilement sur les Vodun days en mettant «en garde contre le syncrétisme religieux, les confusions entre le culturel et le cultuel» ?

«L’Église a toujours été favorable à I’Inculturation, purification et élévation de nos cultures par l’Évangile de Jésus-Christ, l’Unique Sauveur.» Des intellectuels lui ont toujours reproché «une inculturation nombriliste» synonyme de provocation vis-à-vis des réalités souveraines trouvées sur place.

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Lors de l’entretien, c’est donc curieux que Patrice Talon ait voulu corriger un tir. Il a voulu reconquérir les grâces d’une obédience alors que son combat de réappropriation culturelle et identitaire est noble. Les Béninois et même d’autres nationalités ont accueilli avec bonheur cette dynamique, cette audace. Comme le prouvent les réactions majoritaires sur les réseaux sociaux, alliant même jusqu’à souhaiter une initiative législative de pénalisation de la diabolisation du Vodun.

Plus qu’une religion

Au Bénin, en effet, on savait qu’aucun projet en direction du Vodun ne passe sans être vu sous l’angle du scandale, de l’abomination. Ainsi, on a vu, dans leur projet de faire échec aux Vodun days, «des crétins se prenant pour chrétiens et même des adversaires politiques confondant patrimoine commun et guéguerre politique», brandir tantôt la laïcité de l’État, tantôt la caravane brésilienne jugée antinomique des valeurs du Vodun.

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Le plus grand reproche fait à Soglo fut d’avoir ressuscité le Vodun dans Ouidah 92. Ceux qui hier vont ”purifier” les lieux ayant abrité la fête du 10 janvier et ceux qui réclament la suppression de cette journée sont les mêmes qui sur 365 jours, excellent dans des prêches où chaque phrases illustrent le diabolisme supposé du Vodun.

Or, le 10 janvier réinventé à travers les Vodun days, c’est la révélation de nos valeurs. De de nos cultures, de notre tradition au Bénin et au monde entier. C’est le refus de la honte, du complexe à avoir face à nous mêmes et à nos ancêtres ! Le Vodun n’est pas d’abord une religion. Ce serait par inculture grave que de le réduire à cela. Le Vodun avant de générer une religion, une spiritualité, a généré un mode de vie, une musique, un art culinaire, une pharmacopée, une philosophie. Patrimoine unique, dense que des “Blancs” viennent de plus en plus explorer pendant que des béninois choisissent de ramer à contre-courant.

Dompter le potentiel économique

En matière de tourisme, les meilleures attractions chrétiennes se trouvent loin, hors du Bénin. On se rendrait plutôt au Vatican, en Israël actuellement en guerre ou à Strasbourg, en France. De la même manière que l’islam tourne la pensée vers l’Arabie Saoudite ou le Caire. Le Bénin n’a que le Vodun qu’il serait impossible de lui ravir. Des initiatives culturelles et créatrices autour du Vodun, en vue de dompter son potentiel économique ne sauraient, par conséquent, déplaire à cause d’une obédience [empruntée].

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Entendre Patrice Talon marteler qu’il n’aurait rien fait du Vodun à titre personnel, mais seulement dans la fonction de chef de l’État a quelque chose de bouleversant. Une telle justification semble réinstaller les complexés vis-à-vis du Vodun dans leur honte. Encore que, à Ouidah lors des Vodun days le public a vu plus qu’un Patrice Talon président de la République. On a vu de lui un investissement personnel qui va bien au-delà de la seule fonction présidentielle.
Rien de contradictoire avec une quelconque foi, qui, même s’il lui vaudrait la guillotine des hommes, lui fait mériter la réincarnation aux yeux des ancêtres.

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