Elle s’est dépigmentée par concurrence amoureuse. L’homme la quitte et épouse une femme noire. C’est la triste histoire de Marie-Claire, titre éponyme du recueil de six nouvelles écrit par l’écrivain Habib Dakpogan. Samedi 23 mars, Caroline Sagui a remporté le premier prix du concours « Livre ton livre » autour dudit ouvrage. Le livre se veut un plaidoyer contre la « dépigmentation », un mal qui touche au-delà de la peau des africains, interpelle l’auteur.
Le parcours « n’était pas vraiment facile » pour Caroline. L’étudiante en fin de formation en Lettres modernes n’a eu que 4 jours pour lire « Marie-Claire » et en proposer une analyse critique. Se retrouver en première place de la phase écrite du concours est pour elle une consécration. La gagnante du concours Miss Littérature Afrique 2023, à l’issue de la présentation orale, devient l’heureuse gagnante du concours « Livre ton livre ». Elle remporte une cagnotte de 200 mille Fcfa, un trophée, un lot de 50 livres et d’autres lots en nature.
La deuxième place est revenue à Roland Hodonou et la troisième place, à Raoul Dékandé. Ils reçoivent respectivement une enveloppe financière de 150 mille et 100 mille Fcfa plus des lots en natures dont des livres offerts par la Fondation Valley.
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Investir dans la femme…
« L’histoire de la pauvre Marie-Claire méritait d’être connue dans les hameaux les plus reculés de l’Afrique ». Hermyone Adjovi espère que « l’exposition à l’horreur aide à réparer l’erreur ». C’est cette motivation qui l’a poussé avec son Ong Mata-Yara, à initier cette compétition. Les objectifs, « faire connaitre le livre de Habib Dakpogan d’une part, faire la promotion de la littérature et réaliser une sensibilisation contre la dépigmentation » d’autre part.
La ministre Véronique Tognifodé des Affaires sociales et de la microfinance, dans un humour à peine voilé, se demandait si elle était « la personne indiquée » pour parler de la dépigmentation. Elle qui est « claire ». Mais sa casquette de médecin et les « ravages » qu’elle a vus au cours de ses années d’exercice ont pris le dessus.
Elle reconnait que « chacun est libre de faire ce qu’il veut de son corps ». Mais aussi que c’est « parfois l’ignorance des conséquences » qui amène les jeunes filles à se livrer à cette pratique. Alors qu’elle consomme jusqu’à 19% des revenus d’un couple, soulève professeure Bérénice Dégboe, dermatologue.
Véronique Tognifodé a salué l’audace de Habib. Celui-ci « ose ainsi porter sa plume dans la plaie béante que constitue dans la société, le phénomène de la dépigmentation ». L’ouvrage vient « crever l’abcès de la dépigmentation » à travers l’histoire de Marie-Claire, la protagoniste. Elle qui dans un élan de « concurrence amoureuse » finit par se dépigmenter. Conséquence, elle perd, non seulement son identité qui faisait sa beauté, mais aussi son fiancé dont la trahison a été l’élément déclencheur. Celui-ci est partie en effet épouser une femme noir.
Un plaidoyer contre la dépigmentation
« Marie-Claire » est un recueil de 6 nouvelles sur 168 pages. Il va paraitre aux Editions Plurielles en mars 2023. Après sa dernière parution en 2020, « il était temps » pour Habib Dakpogan de « remplir le contrat » passé avec le public : sortir au moins un livre tous les 4 ans. La thématique dans Marie-Claire « s’est imposée » à l’auteur. Il écrit, « l’africain brisé, sans repères, avec beaucoup d’identités ». « L’africain qui est déchiré dans son milieu par les siens, qui est déchiré par l’influence occidentale » intéresse particulièrement Habib Dakpogan.
A travers « Marie-Claire », il veut dénoncer « la décadence de la société ». Et loin d’être un « réquisitoire à Marie-Claire » ou à la dépigmentation, l’ouvrage se veut un plaidoyer contre la perte de l’identité. Huguette Bokpe Gnancadja, présidente de l’Institut nationale de la femme (Inf) déplore des sociétés africaines touchées par une « dépigmentation de l’âme ». Ce thème résume toute l’intrigue au cœur de « Marie-Claire ». « Nous sommes tous dépigmentés », soutient Habib Dakpogan.
« Nous sommes dépigmentés » de par la langue, les vêtements ou encore l’alimentaire. Et face à cette perte de repère et d’identité, l’auteur suggère d’avoir « suffisamment de culture pour croire en nous-mêmes ». Ceci est valable dans tous les domaines. « Nous avons quelque chose à vendre », soutient-il. « Marie-Claire » est, résume l’auteur, « une symbolique de retour à soi-même, … de la cassure de ce miroir qui nous ment ». Le concours Livre ton livre aspire devenir « la nouvelle grande initiative littéraire du Bénin ».
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