Le projet ”Valorisation des résultats de la recherche et l’innovation en Afrique de l’Ouest” (VaRRIWA) tire à sa fin. Une table ronde sur les acquis s’est tenue samedi 6 avril à Cotonou, dans les locaux de l’Université Gaza Formation.
Le projet financé par l’Union européenne couvre quatre pays : le Bénin, le Sénégal, le Burkina Faso et le Togo dont l’Université de Lomé assure la coordination. Dans ces quatre pays impliqués dans le projet, la recherche-innovation ne bénéficie que de 0,22% du Pib pour une moyenne de 0,4% pour l’Afrique subsaharienne. Un taux encore loin de la moyenne de 1% recommandée par l’Union africaine contre une moyenne mondiale de 1,7%. Pire, en plus d’être peu financée, la recherche-innovation n’est portée essentiellement que par les États et les partenaires techniques et financiers.
Triste situation qui s’explique, entre autres, par l’absence d’un cadre formel de partenariat public-privé favorable à des accords entre les acteurs de la recherche-innovation. Ainsi, la plupart des entreprises préfèrent plutôt importer des technologies conçues ailleurs malgré la quantité impressionnante et la qualité des productions scientifiques des structures de recherche locales.
Diagnostic amer
Lors de la table ronde, qui a réuni des chercheurs, innovateurs et des institutionnels, les intervenants ont reconnu la fécondité des innovateurs africains. Mais les résultats ne bénéficient pas de la visibilité nécessaire. Comme remède, les concernés envisagent la mise en place d’un réseau national puis régional de la valorisation de la recherche.
Le projet « Renforcement du cadre de partenariats entre les acteurs publics et privés pour le financement et la valorisation des résultats de la recherche et l’innovation (Ppp-Vri) » est l’une des 4 composantes de VaRRIWA. En effet, le diagnostic révèle bien que des solutions endogènes existent et parfois à moindre coût là où les solutions importées sont onéreuses pour les populations. Mais actuellement, le système institutionnel, politique semble tout mettre en oeuvre pour que «la médecine traditionnelle ne puisse émerger». «La pharmacie est-elle là pour nous soigner ? Non, c’est pour le business», déplore, exemples à l’appui, Honorat Satoguina, directeur du Fonds national de la recherche scientifique et de l’innovation technologique,. président du présidium lors de la table ronde.
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Entretien avec le professeur Dodji Amouzouvi, point focal du projet VaRRIWA à l’Université d’Abomey-Calavi.
Bénin Intelligent : Quels sont les constats qui ont conduit à l’organisation de cette table ronde et quels sont les acquis que ce projet a permis d’engranger ?
Professeur Dodji Amouzouvi : Les constats qui ont amené à la table ronde c’est déjà les constats qui ont été observés et qui sont devenus des problèmes à résoudre pour l’installation du projet. Le projet c’est le partenariat public-privé pour le renforcement de la valorisation et du financement des résultats de la recherche et de l’innovation dans quatre pays d’Afrique de l’ouest : le Bénin, le Burkina Faso, le Sénégal et le Togo. L’Université de Lomé au Togo est le coordonnateur de ce consortium.
Pendant vingt-quatre mois nous avons mené des activités et le grand résultat que nous avons obtenu c’est en septembre 2022. Nous avons organisé un Salon international de l’innovation à Lomé. Il faut rappeler opportunément que le Bénin a gagné le 1er Prix lors du concours de la meilleure Innovation.
•«En somme nous venons de marquer un grand pas dans l’implémentation des activités de ce projet qui nous a réunis autour de différents laboratoires et différents pays.»•
Aujourd’hui, la table ronde vise à renforcer les acquis de ce projet, de ces activités et de ce Salon. L’organisation de la table ronde avec le but ultime de mettre en place un Réseau national des chercheurs, ce qui faisait partie des out put du projet ; Réseau national qui doit évoluer vers un réseau régional. C’est vous dire que ce que nous sommes en train de faire ici se fait aussi à Lomé au Togo, au Sénégal et au Burkina Faso.
L’objectif c’est donc de réunir tous les acteurs de l’écosystème Recherche et Innovation et de les mettre ensemble, en réseau pour que les objectifs du projet financé par l’Union européenne puissent être valablement atteints par le renforcement des acquis de 24 mois d’activité.
L’objectif aussi c’est d’informer tous les participants, ceux qui étaient à Lomé comme ceux qui n’étaient sur le salon et sur les activités après le salon ainsi que sur le programme de sortie de projet, parce que nous sommes en fin de projet.
Aujourd’hui nous avons réunis une soixantaine alors que les prévisions étaient d’une cinquantaine d’acteurs, de financeurs. Vous avez vu le CIPB -Conseil des investisseurs privés au Bénin- la Chambre de commerce et d’industrie du Bénin (Ccib), les universités publiques du Bénin, vous avez vu les chercheurs des laboratoires, vous avez vu les innovateurs, vous avez les promoteurs et des financiers des activités de recherche. En somme nous venons de marquer un grand pas dans l’implémentation des activités de ce projet qui nous a réunis autour de différents laboratoires et différents pays.
Dans la kyrielle d’interventions qu’on a écoutées, on a compris que les innovations africaines adaptées aux problèmes africains ne manquent pas et que c’est plutôt le système qui ne favorise pas leur reconnaissance, leur éclosion. Comment pensez-vous pouvoir sauter les verrous qui empêchent que ces innovations soient connues et que les populations puissent en jouir ?
Je ne veux pas mettre la charrue avant les bœufs. La question que vous me posez rentre en pleine lucarne des activités du réseau à venir. Cette question a été effleurée par les activités depuis le lancement de ce projet. Cette question fait partie des faiblesses majeures que nous avons constatées pour implémenter le projet.
L’un des points structurants c’est comme vous le dites « comment sauter ce verrou ? » Évidemment nous ne pouvons sauter ce verrou que quand nous serons ensemble, d’où la création du réseau. Nous ne pouvons sauter ce verrou que quand nous allons nous occuper de la question de financement, la question d’échange des bonnes expériences.
Vous avez vu qu’il y a eu un grand débat autour de la reconnaissance de tout ce qui est phytothérapie et notre grand retard sur les pays anglophones tels que le Ghana, le Nigeria. Donc nous avons touché du doigt les textes qui entravent –si on peut le dire ainsi- la reconnaissance des travaux de recherche. Nous avons mis le doigt aussi sur la question du financement. Nous avons mis le doigt sur la valorisation et la sensibilisation des innombrables travaux qui se mènent déjà au niveau de nos institutions.
Je crois que en faisant cela et en nous mettant en interface avec les acteurs politiques, les acteurs industriels et les acteurs financiers nous allons pouvoir lever le goulot.
Que gagnent les chercheurs, les innovateurs ?
Ils gagnent déjà en visibilité, ils gagnent en s’insérant dans des réseaux nationaux, régionaux et internationaux, ils gagnent en boostant le développement socioéconomique de leur pays respectif. Et ils gagnent en assurant leur raison d’être, leur raison d’existence. En tant qu’universitaires nous avons trois choses à faire : nous avons à enseigner, nous avons à faire de la recherche et nous avons à offrir des services à la communauté.
Donc nous gagnons sur toute la ligne si nous sommes universitaires ou si nous sommes simplement innovateurs privés qui ne soient pas universitaires mais qui dans leurs structures innovent et sortent des choses très intéressantes.