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Gado Bemah : Infatigable acteur du recyclage des déchets plastiques

Par Moucharaf SOUMANOU
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Treize mois. C’est le temps qu’il a fallu patienter pour obtenir un rendez-vous avec Gado Bemah. Un jour à l’atelier national de renforcement de la structure de gouvernance de l’And en matière de changement climatique en tant qu’expert formateur. Un autre à Dakar pour la conférence sur l’économie circulaire. En passant par la 56è réunion du Conseil d’administration du Fonds pour l’environnement Mondial à Washington. Après des détours à Philadelphie, Cleveland, Cotonou, Abomey-Calavi et Accra…. Le porte-voix du secteur de la gestion des déchets à la Cop 28 de décembre 2023 à Dubai est véritablement un homme occupé. Innombrables prix disposés çà et là sur sa table et ses armoires, avec deux grands registres qui à peine créent suffisamment d’espace pour recevoir son ordinateur. C’est dans ce modeste bureau de son entreprise Gip-Togo qu’il nous a reçu un après-midi de grande canicule au quartier Avenou de Lomé. Pour répondre aux questions de notre rédaction sur ses solutions écologiques de protection de l’environnement. Et surtout le nouveau mode d’élection du président de la République au Togo.

Bénin Intelligent: Qui est vraiment Bemah Gado ?

Bemah Gado: Président Directeur Général de Green Industry Plast Togo (Gip Togo). Responsable et membre fondateur de l’Ong Sciences et Technologies Africaines pour un Développement Durable ( Stadd ). Voilà les casquettes les mieux significatives pour désigner l’ancien étudiant en géologie de l’université de Lomé. Fait chevalier de l’ordre national de mérite par le président togolais Faure Gnassingbe en 2019, celui qui a raflé entre autres les prix d’Entrepreneur Social de l’année en 2022, prix de la meilleure personnalité de l’année au Togo en 2023 se définit humblement aujourd’hui comme un acteur de développement qui a beaucoup à accomplir.

Dans cette interview, nous aborderons entre autres quelques grands projets réussis ou en passe de l’être sur initiative de l’Ong Sciences et Technologies Africaines pour un Développement Durable (Stadd). On démarre par le Caplo ; lancé en 2016 qu’est-ce que c’est concrètement ?

Il faut dire que le Caplo, dénommé Club des amis, des plages et des océans a été créé en 2016. Exactement comme vous l’avez souligné par notre organisation dans un but précis. Celui de fédérer, les organisations de la société civile, les structures Etatiques et les organismes internationaux sur la nécessité d’agir pour le compte de l’environnement. En l’occurrence sur notre espace côtier.

En termes de résultats, quelle appréciation faire au bout de huit années, dans cette volonté de protection des côtes togolaises ? Et de création des conditions sociales pour permettre aux couches vulnérables de pouvoir vivre dans un milieu maritime assaini…

Déjà il me faut préciser que l‘Ong Stadd depuis le lancement de ce projet s’évertuait à mobiliser les étudiants chaque année vers la plage pour assurer la sensibilisation sur la côte. Histoire d’éviter que les populations déversent les déchets sur les côtes et en même temps assurer le nettoyage de cette côte. Parce que conscient du fait que les écosystèmes sont menacés par la pollution et surtout la pollution plastique.

Également notre vie en dépend. Parce qu’il y a des ressources halieutiques, qui font partie de cet écosystème aquatique. Nous avons des pêcheurs qui essayent d’attraper les poissons et ces poissons là nous reviennent directement dans nos plats. D’où les actes que nous posons, sont des actes qui parfois nous rattrapent et qui menacent suffisamment notre état de santé.  Avant, dans les années 2008-2010, il y avait pas mal de dépotoirs sauvages sur la plage et à partir de la frontière du Ghana Kodjoviakopé jusqu’à la partie de Ecobank qui est visible. Tout au long de la route lorsque vous marchez, vous aviez des dépotoirs sauvages qui sont des grands dépotoirs créés sur l’espace côtier. Alors que c’est une belle plage qui attire beaucoup de touristes, et qui amènent les gens vraiment à aller vers ces endroits pour trouver de l’air pur et se rafraîchir.

70 % de femmes

Mais aujourd’hui, avec toutes les sensibilisations, les actions que nous avons menées, on a constaté qu’il y a considérablement de l’amélioration. Déjà l’on a noté que les dépotoirs ont été détruits sur cette partie de la côte. Régulièrement, les populations sont de plus en plus conscientes de la gravité de ce que leurs actions peuvent créer. On jette moins les déchets sur la côte. Ensuite, vous avez vu, il y a beaucoup d’espaces verts aménagés tout au long de la côte. La population commence par occuper la côte avec beaucoup de reboisement de cocotiers. A cela s’ajoute l’engouement des associations de lutte contre la protection de l’environnement qui naissent. Et qui s’investissent davantage dans ces activités de lutte contre les pollutions de tous genres depuis la décentralisation de 2019.

En entrant ici et avant de s’être fait installer, nous avons pu observer plusieurs de vos collaborateurs rompus à la tâche. Majoritairement des femmes et jeunes hommes, en plein exercice de tri des déchets plastiques et de transformation. Ça fait plusieurs bouches à nourrir d’où notre question sur le mode de recrutement de cette main d’œuvre par Gip Togo, et les moyens qui la maintienne.

Moi-même j’étais un demandeur d’emploi dans les années précédant 2011. Aujourd’hui ce n’est plus le cas. Et çà a été un sacerdoce pour nous. Je puis vous dire aujourd’hui que plus de 15 000 personnes font partie de ce réseau de récupérateurs et de vente des déchets plastiques. Avec 85 emplois directs créés au Gip Togo, une cinquantaine de collaborateurs enregistrés à la Caisse nationale de sécurité sociale et le reste étant des journaliers. Ces journaliers qui sont majoritaires dans le système viennent faire de la prestation sur la base des quantités triées. Ils sont payés à pas moins de 50 000 francs par mois.

Au sein d’eux les femmes représentent le plus grand nombre. De façon précise et plus explicite il y a des femmes qui font des tris, qui arrivent à gagner 17 000 francs par semaine. Donc, quand on fait un cumul de quatre semaines, on est autour de 60 000 Fcfa voire au-delà.

Comment réussi-t-on l’établissement d’un lien étroit entre deux actions en si peu de temps jusqu’à en devenir une référence ? Une sur le plan environnemental et une autre sur le plan social dans un pays grandement frappé par le chômage des jeunes

Je me suis rendu compte qu’en s’engageant sur le plan environnemental, on pouvait également s’engager sur le plan social. Parce que des personnes qui s’intéressent également à ce genre d’activités sont des personnes, qui ne disposent pas de qualification. C’est à dire des personnes qui n’ont pas des diplômes, qui ne sont pas nantis de grands diplômes. Mais qui ont la volonté manifeste de pouvoir s’engager dans une activité qui pourrait leur apporter des revenus. Et ça, ça nous a orienté vers ce groupe cible, notamment des femmes.

Beaucoup d’entre elles n’ont pas eu la chance de fréquenter. Ou soit sont tombées sur des hommes peut être, qui les ont abandonnées au cours de leur parcours avec des enfants à la charge. Donc nous nous sommes appesantis sur cette catégorie de personnes pour pouvoir les accueillir dans notre centre. Et leur donner cette possibilité de pouvoir démontrer leur potentiel et en même temps de gagner des revenus. Et c’est comme ça que petit à petit, avec beaucoup d’énergie fourni, beaucoup de travail fait, nous sommes parvenus à créer une communauté aujourd’hui dans notre centre avec plus de 70 % de femmes.

Elles travaillent régulièrement tous les jours à pouvoir apporter des résultats que vous voyez aujourd’hui. Nous avons également des jeunes déscolarisés, des jeunes qui n’ont pas aussi eu la chance de poursuivre les études. Certains n’ont même pas mis pied à l’école, compte tenu des difficultés, des contraintes qu’ils ont eu dans leur famille. Tous ces jeunes-là sont recrutés ici et travaillent régulièrement en gagnant un revenu issue de la vente des recyclables des plastiques, de ferrailles, d’aluminium, des déchets électriques et électroniques que nous rachetons.

En mars 2023 sur plus de 1100 projets en compétitions, vous avez terminé lauréat du grand prix Afri-Plastics Challenge. Ce sacre vous a permis par là-même de décrocher une enveloppe financière d’un million de livres sterling (780 000 000 Fcfa). Dites-nous comment en êtes-vous arrivé là, passant du statut d’outsider négligeable à lauréat surprise ?

C’est fou ce qui m’est arrivé pour ce prix (sourires). Et je vais vous accorder la primeur de ce récit Monsieur Soumanou. Ledit concours a été lancé à l’endroit de tous les innovateurs africains. Surtout de l’Afrique subsaharienne, qui s’intéressait à la valorisation des déchets plastiques. Et sur cette base-là, nous avions hésité premièrement avant de soumettre notre candidature. Parce que quand on observait au fond, il y avait déjà décliné tous les chiffres liés aux lauréats qui sortiront de ce concours. Et nous, on se voyait encore trop petit pour pouvoir s’aventurer sur un prix de cette nature. J’étais à deux jours près de la clôture quand je me suis décidé parce que j’avais vu l’appel à candidatures depuis deux semaines et j’hésitais. J’hésitais jusqu’au jour presque de la clôture. Je me suis dit bon, je ne perds rien à essayer. Why not ?

J’ai donc perdu deux nuits à travailler là-dessus. Et effectivement, après j’ai pu soumettre ma candidature à ce prix. Quand j’ai soumis, je les ai oubliés complètement parce que je n’y croyais pas du tout et je ne pensais pas du tout que je pourrais éventuellement faire ce parcours. (Nouveau sourire). Et trois mois après je reçois un mail qui me dit de de faire des informations complémentaires. Il y a un autre formulaire qui était arrivé et qu’il fallait renseigner. Bon, j’ai failli ne pas le renseigner aussi. C’était au dernier jour parce que ça devait se clôturer autour de zéro heure et c’était autour de 23 h que j’ai ouvert le formulaire pour voir si c’était long parce que le premier était trop long.

Engagé

Finalement comme je n’y croyais pas trop, j’ai failli ne pas aussi m’aventurer. Donc quand j’ai ouvert, j’ai constaté que lui, il était un peu plus court et j’ai perdu au moins une trentaine de minutes et je l’ai renseigné puis j’ai encore oublié. Trois semaines plus tard, je reçois un mail. Qui m’a informé de ma sélection comme demi-finaliste à ce prix. Et en me sélectionnant comme demi-finaliste il m’accorde environ 7 800 livres sterling pour préparer la deuxième phase.

Je dis comment, ça devient intéressant, il me faut mettre plus de sérieux dans cette histoire. Je me suis engagé alors à bien fournir le dossier puisqu’à cette étape, nous ne restions que trente entrepreneurs en course. J’ai pris quelques cabinets à m’accompagner également, et à m’aider à solidifier le dossier. On a travaillé avec un cabinet de communication et un cabinet qui est une personne ressource en termes de montage de plan d’affaires. Nous avons soumis et voilà, deux mois encore plus tard, on a eu les résultats pour les finalistes. Du coup, après janvier 2022, nous avons eu les résultats des quinze structures qui doivent poursuivre la course. Et je faisais partie des quinze structures finalistes. En finale nous sommes sortis vainqueurs et avons décrocher un financement d’une subvention de 1 000 000 LS, soit environ 780 millions Fcfa.

Quid de l’utilisation des fonds et des objectifs à atteindre avec ? Parce que plus de 700 millions de Fcfa, ça parait énorme même si l’on inclu la probable taxe que peut y prélever l’Etat.

Déjà, je puis vous assurer que l’Etat togolais n’a ni de près, ni de loin manifesté un quelconque intérêt sur ces fonds. Aucun prélèvement, aucun franc soustrait à propos. Au contraire nous avons eu les félicitations du gouvernement à travers madame la première ministre. Victoire Tomegah Dogbe, que nous saluons et remercions au passage. Avec ces fonds nous devons mettre à échelle le projet pendant un an et il n’y a pas une restriction sur l’utilisation de la ressource. Nous concourrons à atteindre 20 000 acteurs bénéficiaires du réseau et nous sommes sur la bonne voie depuis le 16 mars 2023. Date à laquelle nous avions été proclamé vainqueur de ce prix. Et c’est sur ça que nous sommes en train de travailler. On travaille toujours sur la vision, on reste constant, on ne dévie pas, on ne modifie pas.

Les députés togolais ont adopté, lundi 25 mars une nouvelle constitution selon laquelle le président de la République sera désormais choisi “sans débat” par le Parlement réuni en congrès “pour un mandat unique de six ans”. Quelle appréciation faites-vous de cette nouvelle orientation de la vie politique qui laisse tomber en désuétude la réalité selon laquelle le mandat du président togolais élu au suffrage direct était de cinq ans, renouvelable une fois ?

Je suis quelqu’un qui est très très bien renseigné sur le plan politique. Je dirai même très très impliqué sur les questions politiques. Et donc en tant qu’acteur de développement, c’est le cadre qui nous intéresse. C’est la paix qui nous intéresse tout simplement. Parce que quand vous avez la paix dans le pays, ça vous crée un cadre professionnel qui vous permette de fonctionner. De faire vos opérations et de sécuriser votre économie. Donc pour moi, le problème ne se pose pas. Que ça soit un changement d’orientation amenant dorénavant les députés à élire le président de la République, si la paix y règne pour le développement de nos activités, qu’à cela ne tienne.

Nous laissons le champ des configurations politiques aux politiciens et nous souhaitons tout simplement que dans les discussions, dans les débats, qu’ils pourront engager, que ce soit des débats constructifs, que ce soit des discussions qui puissent aboutir à des consensus. Afin que des dérapages ne surviennent pas. De notre position d’acteurs du développement, nous n’avons pas d’avis sur le sujet si ce n’est souhaiter que la stabilité du pays pour développer nos affaires.

L’entretien se termine sur une visite guidée des locaux de l’entreprise.

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1 Commentaire

SOUMANOU avril 16, 2024 - 11:58 am

Félicitations pour cet intéressant article.
Courage et bonne suite pour la révélation des autres talent et fierté de l’Afrique.

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