À considérer la marge démographique que les femmes occupent dans nos sociétés, il est essentiel que leur « implication » soit « significative » et « systématique ». Dans le but d’apporter une réponse durable à la situation du terrorisme vécue par les Etats dont le Bénin. » estime Estelle DJANATO, Spécialiste en Genre, Paix et Sécurité. Assistante de recherche associée à Ciaaf. Toujours dans le contre terrorisme, celle-ci identifie trois initiatives réalisables dans lesquelles elles peuvent être utiles.
Bénin Intelligent: Quelle analyse faites-vous de l’implication des femmes dans la lutte contre le terrorisme au Bénin ?
Estelle DJANATO: La lutte contre le terrorisme reste une affaire commune, et tous les acteurs de la société se doivent d’être impliqués. Quand nous prenons le cas spécifique du Bénin, il est heureux de constater que sur le terrain, il existe de nombreuses initiatives de femmes menées soit individuellement ou collectivement (ONG) qui vont dans le sens de la lutte contre le terrorisme. Dans cet ordre d’idée, nous pouvons évoquer par exemple des initiatives à portée de sensibilisation, de renseignements et de reconstruction des familles victimes du terrorisme. Explicitement, les initiatives à portée de sensibilisation sont essentiellement basées sur la préservation de la paix. La cohésion sociale et le vivre-ensemble.
Puis, il y a celles ayant rapport au renseignement. À ce niveau, pour précision, il est important d’indiquer qu’il s’agit d’initiatives rarement menées de façon collective. Cet état de choses est dû à la sensibilité du sujet ainsi qu’à la peur des représailles. Les femmes sont au parfum de l’information dans leurs communautés. Présentes aux marchés, les lieux de culte, lieux de regroupement, elles sont informées de qui entre et sort, du profil des nouvelles personnes dans les villages. En gros, elles détiennent des informations détaillées et utiles au renseignement. Élément important dans la lutte contre le terrorisme.
Dans notre contexte, les informations sont portées dans la plupart du temps et à des rares occasions aux autorités locales. Aussi, il y a les initiatives ayant pour but d’assurer la reconstruction des familles victimes du terrorisme. Dans la partie Nord du Bénin affectée par le terrorisme, outre la perte des membres de leur famille, certaines femmes ont perdu leur activité, et subissent des traumatismes qu’elles traînent dans le silence. Des conséquences auxquelles certaines ONG apportent réponses à travers des programmes d’accompagnement psychologiques, de soutien entre femmes.
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Comment le Bénin participe t-il de manière inclusive à l’implication des femmes dans les processus de résolution des conflits ?
De manière concrète, il faut voir la configuration du personnel des missions de maintien de paix du Bénin à l’international. Avant d’objecter de comprendre l’option faite par le Bénin de prendre en compte les femmes dans les questions de paix et de sécurité.
On voit désormais les femmes être systématiquement impliquées dans les missions de paix. Aussi, pour assumer des rôles de collecte d’information sur les terrains d’intervention. Et ce, compte tenu des considérations religieuses et culturelles qui font qu’elles sont les seules actrices capables d’assumer ces rôles.
Il n’est pas rare de voir également les femmes dans les rôles de reconstruction sociale. Elles travaillent en effet avec les populations locales. Notamment les femmes victimes par exemple de Violences Basées sur le Genre. En raison de la confiance facile qui peut se créer entre femmes afin d’amener les victimes à facilement se confier.
Femme, grande victime du terrorisme dans les Etats africains. Comment en est- on arrivé là ?
La victimisation de la femme trouve son origine dans la perception sociale de la femme. En effet, une réflexion globale menée sur la place de la femme permet de voir que peu importe les strates de la société (politique, économique, …), elle se trouve reléguer à la deuxième place. Considérée comme un être vulnérable. Cette configuration sociale ne diffère pas quand on se rapporte à la situation du terrorisme. Pendant longtemps, l’on a adopté une approche de victimisation des femmes dans les crises sécuritaires. Encore plus sur les questions de terrorisme.
Au regard de la résolution 1325, l’implication des femmes dans les processus de paix est perçue comme une faveur…
La plupart des processus de paix en Afrique, peine encore à prendre en compte la capacité individuelle et collective des femmes. Malgré, le fait que les conséquences des conflits s’apprécient différemment aussi bien sur les femmes et nonobstant les cadres de reconnaissance du rôle significatif des femmes en tant qu’ agents capables de créer la stabilité sociale, la participation des femmes, continue d’être perçue à tord comme une « faveur accordée aux femmes ».
L’implication des femmes est rarement, voire jamais perçue comme une procédure objective bénéfique. C’est cette perception minimaliste du rôle significatif des femmes pour la paix en Afrique qui justifie les nombreuses luttes individuelles ou collectives des femmes. Juste pour rappeler et faire tomber ces stéréotypes afin de se frayer une place à la table de discussion de la paix. En ce sens, il est important que l’implication significative des femmes soit systématique. Dans le but d’apporter une réponse durable à la situation du terrorisme vécue par les Etats dont le Bénin.
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Comment expliquer le fait qu’au Nord-Bénin, les femmes soient plus exposées et vulnérables face à l’extrémisme violent ?
Pour qui s’intéresse à la région Nord du Bénin, notamment aux dynamiques liées à la vie économique, on constate que ce sont les femmes qui sont au centre de l’activité économique, de la vie domestique des familles. De la mise en terre, à la commercialisation des produits agricoles, les femmes sont présentes. Pour la survie quotidienne de leur famille en situation normale comme face au terrorisme, elles sont également présentes. Dans la majorité des cas, les champs se trouvent à des distances bien éloignées de l’habitation, exposant ainsi les femmes à toutes sortes d’agissement des groupes terroristes. Cette situation les rend ainsi vulnérables face au terrorisme. A titre d’exemple, à la recherche du pain quotidien pour leurs familles, certaines d’entre elles sont tombées sur leurs bourreaux. D’autres ont été violées dans leurs champs. Ceci reste pour elles un poids difficile à gérer.
Qu’est-ce qui expliquerait la quasi inexistence d’associations dans le domaine de genre, paix et sécurité ?
Ce constat se justifie par un simple fait. Il faut dire que les ONG fonctionnent en tenant compte des problématiques qui touchent nos sociétés. Nous avons vu des ONG pendant longtemps se focaliser sur les problématiques de VBG et de préservation de la paix de façon générale. De même que sur l’amélioration de la situation économique des femmes, des conditions de santé des mères et de l’enfant.
Ces thématiques ne sont rien d’autres que les besoins pressants sur lesquels il faille agir pour une société meilleure. Toutefois, compte tenu des nouvelles dynamiques sécuritaires notamment avec l’apparition de la menace terroriste, certaines ONG ont dû réorienter leurs lignes d’actions. L’objectif est de prendre en compte la question du terrorisme, mais également de la relation entre femmes, paix et sécurité.
Quand je me réfère de façon plus globale aux résolutions des Nations Unies relatives aux femmes sur les questions de paix et de sécurité, je me rends compte que l’attente a été longue. Il a fallu par exemple attendre 2015 avec la résolution 2242, pour que la question de l’extrémisme violent soit évoquée. Cette résolution appelle au renforcement de la participation et du leadership des femmes et des organisations de femmes. Principalement, dans les stratégies de développement afin de lutter contre l’extrémisme violent et le terrorisme. En sommes, les ONG s’adapte aux realites de la société.
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