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Salamou Céline Omar: « Les femmes doivent participer à la lutte contre le terrorisme »

Par Arnauld KASSOUIN
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Terrorisme, les femmes sont plus exposées au phénomène. Cet état de choses s’explique par le fait qu’elles ont une proximité directe avec la menace. Mais qu’en est-il de leur rôle dans le contre terrorisme au Sahel principalement au Niger et en Afrique de l’Ouest ? Salamou Céline Omar, en tant cheffe de Division Programme et Suivi Évaluation de la Haute Autorité à la Consolidation de la Paix au Niger analyse dans cet entretien l’implication des femmes dans le contre-terrorisme au Niger. De même que dans le reste des pays du Sahel et des pays de l’Afrique de l’Ouest.

Bénin Intelligent : Pour vous, qui êtes au département Programmation et Suivi-Evaluation de la HACP du Niger, quelle analyse faites-vous de la participation des femmes dans les opérations de paix et de stabilisation en particulier du terrorisme au Niger ?

Salamou Céline Omar : Les femmes jouent un rôle crucial dans la promotion de la paix. Car elles ont un talent naturel pour favoriser la réconciliation et la résolution des conflits ayant trait au terrorisme. Mais malheureusement, leurs droits et leur leadership sont souvent oubliés en temps de crises et de guerre.

Au Niger à travers plusieurs projets, la Haute Autorité à la Consolidation de la Paix (Hacp) a mis en place des mécanismes de prévention et de gestion des conflits comme les CCP (comités communaux de paix). Il y a également les Comités de Dialogue inter et intra religieux au sein desquels on trouve des femmes et on se rend compte du rôle très important qu’elles jouent. Aussi, nous avons la mise en place des Femmes médiatrices dans 27 villages sur une dizaine de communes considérées à haut risque, (Financement PBF dans les régions de Dosso, Maradi, Zinder et Diffa) malgré que ce nombre soit minime face à la grande insécurité au Niger qui compte 276 communes.

Le Niger a aussi inclu les femmes au sein des unités de police et militaire dans le cadre des opérations de maintien de la paix à l’international. De même que la participation des femmes nigériennes aux fora, séminaires internationaux sur la paix. Toutefois, à mon avis cela est insuffisant face à la démographie croissante au Niger où le nombre de femmes est plus élevé que celui des hommes. Donc pour un développement et une paix durable, il faut les associer davantage, leur donner la parole et le leadership c’est très important.

De façon globale pour parler du reste des pays du Sahel, est-ce le même cas de figure ?

Les femmes dans les pays du Sahel sont plus nombreuses que les hommes et vivent les mêmes réalités face au terrorisme, car elles sont les plus vulnérables. Elles sont victimes et elles sont insuffisamment associées dans la lutte contre ce fléau.

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Considérant vos nombreuses expériences sur différents terrains, pensez-vous que les femmes devraient plus participer à la lutte contre le terrorisme et l’extrémisme violent ? Si oui, pensez-vous que les mêmes initiatives peuvent être implémentées partout où besoin se sentira ? 

A mon avis, les femmes doivent participer davantage à la lutte contre l’extrémisme violent et le terrorisme en tant qu’éducatrices, gardiennes des traditions et vectrices de paix au niveau domestique voire communautaire. Par ailleurs, la société leur confère un rôle prédominant dans la résolution des conflits familiaux entre jeunes, ou ceux liés à leur vie économique. Cependant, ce rôle est limité uniquement à ces deux aspects car leur avis est faiblement pris en compte au sein des instances de prises de décision.

Dans toutes les guerres, les femmes sont les premières victimes donc pour cela elles doivent être pleinement impliquées pour une meilleure résolution de ces conflits. Les mêmes initiatives peuvent être implémentées de façon élargie. Du fait que nous vivons le même problème de terrorisme au sahel et dans nos traditions, il n’y a pas une grande différence.

Existe-t-il des différences dans la manière dont les femmes peuvent contribuer à la prévention du terrorisme et de l’extrémisme violent par rapport aux hommes ?

Comme je l’avais souligné plus haut, les femmes sont actrices et victimes en même temps dans cette lutte contre le terrorisme. Elles peuvent jouer un rôle important dans la prévention en tant qu’éducatrices…vectrices de paix au niveau domestique et communautaire. Prendre en compte les femmes dans le socle familial et social, en effet la femme dans la société traditionnelle en Afrique a toujours joué ce rôle naturel de médiatrice même si cela n’est pas reconnu dans la sphère politique.

D’ailleurs la résolution 1325 de l’ONU « Femme, paix et sécurité », souligne la participation de la femme dans des conditions d’égalité avec les hommes au règlement des conflits, à l’édification et au maintien de la paix. Une femme a les capacités de pousser ou de dissuader son homme et ses enfants. « La femme c’est la mère de l’Humanité et pour résoudre les problèmes de l’Humanité il faut l’impliquer pleinement ».

En plus des perspectives culturelles et religieuses restrictives, quels sont les principaux défis auxquels les femmes pourraient être confrontées dans la lutte contre le terrorisme ?

Ils sont nombreux et de plusieurs ordres. Il y a entre autres : les obstacles culturels et structurels à la mobilisation des femmes dans le secteur de la sécurité et dans la prise de décisions. De plus, nous pouvons évoquer les risques non négligeables posés à la sécurité. Et à l’exercice des droits des femmes lorsqu’elles prennent part à la lutte contre le terrorisme. Ce n’est pas tout, une éventuelle pandémie telle que covid 19 doit être considérée comme un important défi. Enfin, la non autonomisation économique des femmes est un défi urgent auquel il faut trouver des alternatives de réponses.

Comment les femmes peuvent-elles contribuer à la lutte contre les causes profondes du terrorisme, telles que la pauvreté, l’absence de perspectives d’avenir, le manque d’engagement citoyen, l’éducation et les conflits ethniques ?

Au Niger, heureusement nous ne connaissons pas les conflits ethniques comme c’est le cas dans d’autres pays, Dieu merci. Les femmes peuvent beaucoup contribuer à cette lutte, d’abord en étant autonomes elles-mêmes, à travers l’augmentation de leur pouvoir économique et social, ainsi que leur participation aux instances de prises de décisions. Il faudrait également promouvoir le contact entre elles par le biais des microprojets, en leur facilitant l’accès aux TIC (Technologies de l’Information et de la Communication) car plusieurs femmes sont mal informées. En effet, si elles sont bien informées, elles pourraient facilement sensibiliser leur entourage. La promotion de l’éducation de la femme représentera aussi un grand atout.

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La participation des femmes aux processus de paix et de stabilité peut-elle contribuer à promouvoir l’égalité des genres dans l’ensemble de la société ?

Lutter contre les inégalités pour répondre aux défis du développement, de paix et de sécurité. C’est important. Mais, il faut d’abord donner aux femmes au sein des institutions la place qu’il faudrait. Afin qu’elles engagent d’importantes actions en faveur du développement, de la paix et de la sécurité.Aussi, réduire les violences de tout genres à l’égard des femmes en collaborant avec les institutions de l’Etat, les ONG nationales et internationales en charge des questions des femmes et du genre comme ONU FEMMES pour une meilleure mise en œuvre de la résolution 1325.

De plus, il faudra répondre aux besoins des femmes affectées par l’extrémisme violent et le terrorisme au Niger. C’est-à-dire mettre en œuvre le cadre juridique assurant la protection des femmes dans des situations des conflits armés à savoir le droit international humanitaire (DIH), les droits de l’Homme et les droits des réfugiés. Ceci fait, je pense que promouvoir l’égalité des genres dans l’ensemble de la société sera chose effective.

Comment les femmes peuvent-elles aider à reconstruire les communautés après des actes de terrorisme ? 

Au Niger, dans la région de Tillabéri qui est au cœur de la crise actuelle, située dans la zone des 3 frontières, les femmes s’adonnent aux activités de maraîchage sur des sites octroyés par les autorités locales. Elles font pousser sur ces sites oignons, pommes de terre, Laitues, tomates et d’autres légumes. La récolte leur permet de gagner leur vie et de se nourrir, elles et leurs familles avec l’aide des autorités administratives locales. Les ONG nationales et internationales, des associations féminines et d’autres partenaires donnent de l’espoir à ces femmes locales et celles qui ont trouvé refuge dans la région après les attaques contre leurs villages.

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Quelles sont les meilleures pratiques pour encourager l’engagement des femmes dans les politiques de sécurité nationale ? Aussi, dans la lutte contre le terrorisme au Sahel et en Afrique de l’Ouest ?

Nous avons entre autres, la capitalisation des capacités endogènes en faisant une place de choix à la femme en tant que mère. Qui doit à travers l’éducation à la maison inculquer à ses enfants non seulement des valeurs de loyauté, d’honnêteté, de paix, de tolérance mais aussi le sens de l’esprit de civisme. Il y aura également à prendre en compte la dimension «femmes» dans la problématique du terrorisme. Tout en édictant des mécanismes appropriés pour que cette catégorie devienne effectivement un acteur « Actif » dans le processus de paix et de sécurité.

Dans certains pays, des pratiques innovantes mettent l’accent sur la participation des femmes dans les processus communautaires de consultation et de prise de décisions. Le but est de promouvoir la tolérance, ainsi que l’émancipation et la participation des femmes au niveau local. Des études montrent qu’un programme axé sur l’émancipation des femmes entraine une amélioration des capacités et des prises de responsabilité favorisant le développement de la paix au sein des communautés. C’est l’exemple des « Femmes Médiatrices » au Niger dans certaines localités. Un cadre qui est agréablement mis en place dans la mise en œuvre de 2 projets dans les régions de Dosso, Maradi, Zinder et Diffa par la FAO, ONU Femmes et UNFPA avec quelques ONG nationales comme le REFEPA qui est une ONG qui œuvre pour le bien-être de la femme au Niger sur financement du PBF (Peace Building Fund ) au Niger.

Problématiques hommes-femmes

A titre illustratif, au départ, certains acteurs, comme les chefs traditionnels, étaient réticents et suivaient les femmes médiatrices dans les salles de formation. Il a fallu expliquer que ces femmes sont en réalité leurs alliés en qui ils peuvent avoir confiance. Ils ont vu que ces femmes médiatrices résolvaient des conflits importants et dès lors rien ne peut objecter sans elle. Après cet incident, ce sont les chefs de village eux-mêmes qui demandent l’implication de ces femmes dans toutes les modalités de résolutions de conflit. Si cette approche pouvait être étendue à l’échelle nationale, régionale voire en Afrique de l’Ouest, elle contribuerait grandement à résoudre de nombreux problèmes. Mieux à encadrer la population.

Cela permettra de prendre en compte les problématiques hommes-femmes dans la lutte contre le terrorisme. Tout en favorisant la cohérence des politiques avec les cadres sur les femmes, la paix et la sécurité. Ce qui aidera sans nul doute et davantage dans une certaine identisation de données probantes sur le genre et le terrorisme en tenant compte des aspects sexués de la radicalisation menant au terrorisme. En fin de compte, cette approche-genre permettra de s’assurer de la reconnaissance et de la participation des femmes et des filles en tant que parties prenantes essentielles dans les politiques et programmes de lutte contre le terrorisme.

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