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«Nous ne devons pas avoir une attitude dogmatique» vis-à-vis de la Démocratie

Par Sêmèvo Bonaventure AGBON
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Face à la résurgence des coups d’État, le professeur Théodore Holo réaffirme sa foi en la démocratie ; meilleur voire unique régime respectueux de la souveraineté du peuple et fondé sur les élections et l’alternance au pouvoir. Il est aussi gage de stabilité. Le bon fonctionnement de la démocratie, reconnaît-il, nécessite aussi «l’impartialité et l’intégrité des organes de contrepoids comme la Cour constitutionnelle». Toutefois, le professeur Augustin Ainamon décèle un certain dogmatisme dans la perception de la démocratie chez Théodore Holo, ancien président de la Cour constitutionnelle. Il objecte que le droit de vote seul ne saurait signifier une pleine souveraineté du peuple. En ce sens qu’il peut cacher une duperie.

•«Un peuple a le régime qu’il mérite. Une liberté acquise est d’abord une liberté conquise.»

Un peuple a le régime qu’il mérite. Une liberté acquise est d’abord une liberté conquise.

Le peuple sénégalais s’est battu et a préservé la démocratie sans solliciter une intervention militaire.

Le peuple malien en 2020 a ouvert la voie à une intervention militaire pour régler la crise avec le pouvoir. En 2024 les militaires sont toujours au pouvoir au Mali sans aucune perspective de retour au pouvoir civil. Les partis politiques sont interdits d’activités, les libertés sont bafouées.
Le colonel Aho Philippe, ministre de l’intérieur du général Christophe Soglo a déclaré en décembre 1965 à Porto-Novo, en fongbé que je traduis en français, «Le pouvoir est comme le sein d’une femme, il est si doux que lorsque l’on commence à le sucer l’on n’a plus envie de le laisser».

Quand j’étais étudiant on distinguait les coups d’État :

-Conservateur visant à maintenir le régime en place contre les assauts révolutionnaires,

-Réactionnaire, visant à éliminer un pouvoir progressiste pour revenir à l’ordre ancien ;

-Progressiste tendant à installer un pouvoir progressiste.
En réalité, tout coup d’État est une confiscation de la souveraineté du peuple, d’autant que la volonté du peuple est le fondement du pouvoir des gouvernants, et cette volonté doit s’exprimer régulièrement par des élections libres, transparentes, régulières, honnêtes et inclusives. Le pouvoir s’acquiert au fond des urnes et n’est donc pas au bout du fusil.

Si un militaire veut exercer le pouvoir politique, il démissionne de l’Armée et sollicite le suffrage du peuple souverain.

En octobre 1963, suite à l’affaire Bohiki, les manifestants scandaient “Armée au pouvoir”. Le coup d’État militaire du 28 octobre 1963 va ouvrir un cycle d’instabilité politique dans notre pays et aucun pouvoir politique n’ira jamais au terme de son mandat avant la Conférence nationale souveraine de 1990.

Ainsi, le pouvoir du Parti dahoméen de l’unité (Pdu, coalition Maga et Apithy) devant s’achever en 1965 a été renversé en 1963 par le coup d’État du colonel Christophe Soglo. Le régime du Parti démocratique dahoméen (PDD alliance Apithy et Ahomadegbe) devant aller de 1964 à 1969 va s’effondrer avec le coup État militaire du 30 novembre 1965 du général Christophe Soglo.

Le régime militaire du général Soglo installé en 1965 sera à son tour éliminé par le coup d’État militaire des jeunes cadres de l’armée sous l’autorité des colonels d’Alphonse Alley et Maurice Kouandete, auteur du coup d’État qui sera le Chef du gouvernement Alley étant le Chef de l’État.

Le pouvoir du Président Émile Derlin-Zinsou installé par les militaires dont le mandat devrait aller de 1967 à 1972 sera à son tour écarté avec le coup d’État des colonels Émile de Souza, Benoît Sinzogan et Chasme en 1969.

Le Conseil présidentiel composé des anciens Présidents Maga, Ahomadegbe et Apithy pour un mandat de 6 ans avec une présidence tournante de 2 ans par chacun des 3 membres va disparaître le 26 octobre 1972 avec le coup d’État du colonel Mathieu Kérékou et des capitaines Michel Aïkpe et Janvier Assogba.

Le Gouvernement militaire révolutionnaire (Gmr) issu de ce coup d’État, devenu un État à orientation socialiste sous l’autorité du Parti de la Révolution populaire du Bénin (Prpb) va disparaître avant le terme du mandat du Président Kérékou avec la réussite de la Conférence nationale des forces vives de la Nation sans intervention de l’Armée , car elle fut le fruit de la mobilisation du peuple à travers la paralysie de l’État consécutive à l’effondrement économique de l’État, aux et constantes violations des libertés fondamentales et surtout les grèves courageusement organisées par certains syndicats et le Parti communiste du Bénin (Pcb).

«l’intervention des militaires dans le champ politique qui n’est pas leur domaine de competence»

Depuis 1991, chaque Président de la République élu est allé au terme de son mandat. Battu en 1991, le Président Kérékou a accepté sa défaite et a transmis le pouvoir au vainqueur Nicephore Dieudonné Soglo qui se retire en 1996 suite à sa défaite face au Président Kérékou. Après ses deux mandats constitutionnels, le Président Kérékou passe le témoin au nouveau Président de la République élu, Thomas Boni Yayi lequel à son tour après ses deux mandats cède le fauteuil présidentiel en 2016 au nouveau Président de la République issu des urnes.

Cette stabilité politique est facilitée par l’impartialité et l’intégrité des organes de contrepoids comme la Cour constitutionnelle dont le juste et regulier arbitrage des querelles politiques ferme la voie au prétexte de l’intervention des militaires dans le champ politique qui n’est pas leur domaine de competence, competence appelée à se manifester, en cas de nécessité, sur le champ de bataille.
Cette stabilité fondée sur la légitimité des gouvernants, garantit le paix sociale, la cohésion nationale, l’alternance démocratique et le développement qui assure à chaque citoyen le pain et la liberté indispensables à sa dignité.

Telles sont les raisons qui me rendent réfractaire au coup d’État, qu’il soit militaire avec la confiscation de la souveraineté du peuple par l’Armée, ou qu’il soit civil se traduisant par la manipulation de la Constitution en vue de la conservation du pouvoir par les gouvernants en fonction .

Pr. Théodore HOLO

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•«Nous ne devons pas avoir une attitude dogmatique et hystérique à l’égard de la dévolution ou de la transmission du pouvoir»

Un peuple a le pouvoir (ou la faiblesse) qu’il mérite et qu’il sécrète mais nous ne devons pas avoir une attitude dogmatique et hystérique à l’égard de la dévolution ou de la transmission du pouvoir (des pouvoirs). Ce qui est clair par contre, c’est que la notion de pouvoir est plurielle et nul ne saurait avoir la prétention de s’en arroger la totalité même s’il nous arrive de parler de “pouvoir totalitaire” (qui doit être perçu comme un abus de langage).

La nature elle-même qui nous entoure et dont nous sommes indissociables distribue les fonctions et les pouvoirs et est aussi friande de diversité (de biodiversité et même de rupture et de mutation) que d’harmonie et de régulation (régularité) L’entité autour de laquelle l’unanimité (le consensus) semble se faire depuis que nous avons retiré Dieu et le droit divin des débats juridiques et philosophiques, est bien le peuple souverain dont aucune fraction ne peut s’attribuer le pouvoir, même si sa définition est plutôt malaisée.

Le philosophe politique Sidney Hook reconnait que les meilleures démocraties peuvent avoir parfois besoin d’un coup de main (coup de pouce) qu’il appelle ”tepid Boston Tea Parties”, en référence à l’élément déclencheur de la révolution américaine. Les deux éléments qui dominent les rapports humains, à l’intérieur des Etats qu’un niveau international sont la ruse et la force, avec ce que ces deux notions peuvent avoir de positif mais aussi de négatif. La ruse c’est la dissimulation, l’esprit retors mais aussi l!intelligence créatrice et la diplomatie. La force quant à elle, c’est la franchise, la droiture et le courage qu’on souhaiterait voir de plus en plus dans les armées dignes de ce nom.

Les peuples ne sont vraiment souverains qu’en recourant à leur génie propre

Il y a plusieurs types de force : la force de l’amour et de l’amitié incarnée dans une fraternité universelle des humains. Mais la force brute qui échappe à tout contrôle se mue en violence pure et simple. L’intelligence créatrice peut nous aider à anticiper et même éviter les conséquences désastreuses des violences aveugles ou se borner hélas à en évaluer l’ampleur si elle n’intervient qu’après que les dégâts irréparables ont été faits.

La violence en affaires humaines est incompatible avec l’intelligence qui doit la devancer et la dévier au lieu de se contenter d’en évaluer les dégâts. Les vœux pieux et autres bondieuseries n’ont donc pas leur place dans la gestion des humains qui ne sont pas des anges ou des archanges. La fonction du peuple souverain ne se limite pas à glisser un bulletin dans l’urne tous les 4 ou 5 ans et se contenter d’attendre que des messies fassent des miracles. Noublions jamais que le “one man one vote” peut devenir “one man no vote” en cas de déni de democratie ou “one man one thousand votes” en cas de bourrage d’urne à ciel ouvert.

Les peuples ne sont vraiment souverains qu’en recourant à leur génie propre, en s’enracinant dans leurs langues, leurs cultures et leurs us et coutumes, même s’ils doivent tenir compte à tout moment des contextes géopolitiques et géostratégiques.

Prof. Augustin AINAMON

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