BÉNIN INTELLIGENT -Invitée à déclarer contraire à la Constitution, la non exécution de l’avis du Groupe de travail sur la détention arbitraire (Gtda/Onu) réclamant la libération de Reckya Madougou, la Haute juridiction se déclare incompétente dans une décision consultée par Bénin Intelligent. Le recours, qui date du 26 juin 2023, a été formulé par quatre juristes, Landry Angelo Adelakoun, Fréjus Attindoglo, Miguel Houeto, Conaïde Akouedenoudje et Romaric Zinsou.
Ceux-ci estiment, en effet, que le gouvernement a violé la Constitution en ne faisant pas libérer Reckya Madougou -condamnée à 20 ans d’emprisonnement pour financement du terrorisme. Le 8 novembre 2022, le Gtda/Onu rendait un avis dans lequel il juge arbitraire la détention de celle-ci, enjoignant à l’État béninois de la libérer sous six mois, de lui accorder réparation, et de veiller à ce qu’une enquête approfondie et indépendante soit menée sur les circonstances de sa privation de liberté.
Arguments
Le délai de six (6) mois accordé à l’État du Bénin pour mettre à exécution les conclusions de cet avis a expiré à la fin du mois de mai 2023, «sans qu’aucune mesure n’ait été prise par le Gouvernement», exposent les requérants. Ils «concluent (alors) à la violation du préambule de la Constitution qui, d’une part, affirme la détermination du peuple béninois à créer un État de droit dans lequel les droits fondamentaux sont garantis, d’autre part, l’attachement du peuple aux principes de la démocratie et des droits de l’Homme, tels que définis par la Charte des Nations-Unies de 1945 et la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples (Cadhp)»
Qu’ils estiment qu’il y a également violation de l’article 59 de la Constitution, en ce que le Président de la République, qui a la charge d’assurer l’exécution des lois et de garantir celle des décisions de justice, n’a pris aucune mesure en ce sens; Que ce faisant, il a non seulement méconnu l’article 147 de la Constitution, mais aussi les engagements internationaux de l’État béninois découlant de son adhésion à l’Onu»
Démarcation
Dans sa décision Dcc 24-048 du 4 avril 2024 obtenue par Bénin Intelligent, la Cour constitutionnelle fait une sévère démarcation. Elle observe à l’opposé que « la non-exécution d’un avis par le Président de la République et le Garde des Sceaux, ne saurait s’analyser comme faisant partie des actes, textes ou lois, susceptibles d’être déférés, au sens des article 3, alinéa 3, 117 et 122 de la Constitution, au contrôle de la juridiction constitutionnelle».
D’ailleurs, assène-t-elle, l’avis du Gtda/Onu, n’a qu’une «valeur de recommandation». La Cour constitutionnelle réaffirme qu’elle n’est compétente que pour juger «de la constitutionnalité des lois, garante des droits fondamentaux et des libertés publiques» et «pour connaître des requêtes individuelles lorsqu’elles sont relatives aux lois ou aux actes visés à l’article 3, alinéa 3 de la Constitution».
La non exécution de l’avis du Groupe de travail contre la détention arbitraire a fait l’objet d’un second recours. La Cour constitutionnelle a donc fusionner le recours des quatre juristes supra-cités avec celui de Fiacre Mario Ayeko Oladele, précise par ailleurs la décision.