Home Politique Face-à-face houleux entre populations et élus communaux à Abomey-Calavi
Face au peuple

Face-à-face houleux entre populations et élus communaux à Abomey-Calavi

Par Arnauld KASSOUIN
0 Commentaire

Konrad-Adenauer-Stiftung et Changement Social ont organisé le samedi dernier un débat public sur « Rôle et mission des élus et des Secrétaires Exécutifs » à Abomey-Calavi. Cette rencontre, “Face au peuple”, a réuni plus d’une centaine de personnes, dont jeunes, étudiants, professeurs, zémidjans, acteurs religieux et une grande partie des acteurs de la société civile.

Démocratie asphyxiée, par manque de débat public. Pour ce qui est du cas béninois en matière de débat public, Gérard Guèdègbé, expert en stratégie média estime qu’il n’y a pas eu « une grande évolution du discours politique ou du débat public » de 60 à nos jours. Niveau de gouvernance peu élevé, et pour cause, inexistence quasi totale de redevabilité politique à la base. Pour relever cet état de choses, c’est-à-dire pour que « vive la démocratie, pour que la gouvernance soit assise au niveau local, il faut que nous puissions travailler à avoir des espaces » d’échanges où gouvernants et gouvernés se retrouvent, affirme comme pour justifier la raison de la tenue de « Face au Peuple » Ralmeg Gandaho Président du conseil d’administration de l’Ong Changement Social. L’idée centrale est donc de participer à l’amélioration du débat public. Tout en œuvrant à la consolidation d’une démocratie plus solide et résiliente.

« Face au Peuple » est une initiative créée communément par la Konrad-Adenauer-Stiftung à travers son programme régional du dialogue politique en Afrique de l’Ouest (Pdwa) et ses partenaires. Changement Social fait partie de ces derniers au Bénin. « Face au Peuple » a pour ultime objectif de mettre sur pied « un cadre d’échange utile entre les élus et les acteurs qui travaillent dans le cadre de la décentralisation. » Pour amener chacune des parties « à travailler ensemble pour l’atteinte des objectifs de développement fixé » éclaircit la représentante résidente de la Konrad Adenauer Dr. Stéphanie Brinkel dans son allocution d’ouverture de la séance. À sa suite, le président du conseil d’administration du Changement Social affirme que les échanges entre élus, cadres et citoyens n’ont aucunement pour envie d’instituer un tribunal.

LIRE AUSSI:

Konrad Adenauer Stiftung : Dr Stefanie Brinkel dévoile les priorités du programme Pdwa pour 2024

Réforme structurelle

Cet évènement dénommé « Face au peuple », organisé par la Konrad Adenauer en symbiose avec Changement Social est important. Dans ce sens qu’il participe à la solidité de la démocratie béninoise. Par ricochet, il incitera sans nul doute nos gouvernants à plus de transparence. Ce qui induira nécessairement la bonne gouvernance.

Ange Mario Aouga, auteur de « Le secrétaire exécutif et la réforme de la décentralisation au Bénin » n’affirmera pas le contraire. Plus loin, celui-ci objecte qu’informer les populations sur « Rôle et mission des élus et des Secrétaires Exécutifs » est indispensable pour trois raisons. Il explicite et arrime le fond de sa pensée à la solidité de la démocratie en ces termes : à observer dit-il « l’architecture institutionnelle de la réforme du secteur de la décentralisation engagée depuis 2021, on se rend compte que le Secrétaire exécutif (Se) joue un rôle prépondérant dans le développement à la base ». Alors que celui-ci n’est pas l’élu direct des citoyens. Donc, et toujours dans le même sillage, il argumente qu’un débat public axé sur la question va sans tambour inciter à la transparence et aux respects de l’intelligence des citoyens.

De plus, quand on sait que l’annonce de cette réforme structurelle a quelque peu fait couler beaucoup d’encre et de salive, Ange Maio Aouga affirme qu’informer les citoyens sur le réel rôle des élus et secrétaires exécutifs participera à aplanir les peurs éventuelles. Ce n’est pas tout. Il croit qu’une telle initiative va faciliter les missions des Se tout en insistant sur les responsabilités. Parce que dans la pratique, c’est-à-dire la vie réelle les Se ne sont pas acceptés.

Rôle des Elus

Avec la nouvelle réforme, pour les élus communaux, « les prérogatives ont changé en termes de gestion » informe Sébastien Dohou représentant du maire d’Abomey-Calavi. En des termes clairs, bien que le Maire conserve sa place de « première autorité politico-administrative de la commune », il ne représente ses gouvernés que devant « les autorités centrales et départementales dans le cadre de la coopération décentralisée sous réserve des attributions du Secrétaire exécutif » comme l’instituent les articles 104 et 105 de la loi 2021-14 du 20 décembre 2021 portant Code de l’Administration territoriale en République du Bénin.

Certaines prérogatives ont été arrachées à l’élu communal. Désormais, pour ce qui est du ressort de l’élu communal, Sébastien Dohou résume qu’il lui incombe en tant que responsabilité de « participer à doter sa commune d’un budget. De même que de participer « à définir l’orientation stratégique de développement de sa commune ». En plus donc de cela, « l’élu est en mesure de pouvoir veiller sur certains nombres d’activités communales » comme les services sociaux. Mais il n’en est plus l’ordonnateur du budget communal. En effet, la nouvelle réforme ne lui confère pas cette attribution d’ordonnateur du budget communal. « C’est le secrétariat exécutif qui exécute » le budget communal affirme le représentant du maire. A titre de précision, il ajoute que cela se fait « sous le regard de ce qui est appelé le comité de supervision ». Un comité qui selon lui est composé d’un conseil d’administration.

LIRE AUSSI:

Décentralisation : Création d’une cellule chargée du suivi de la gestion des communes

Rôle des SE

Conformément à l’article 132 de la loi 2021-14 du 20 décembre 2021 portant Code de l’administration territoriale en République du Bénin, le Se a sa charge comme prérogatives, la charge de l’organisation des services de la commune et de leur exécution. De même, la charge de la communication et l’information de la commune. Il a également à sa charge la délivrance des permis de construire et de l’ensemble des permis et autres autorisations communales prévues par la loi. La conservation et l’administration des propriétés de la commune ; le suivi de la gestion des établissements de la commune ; la gestion de la voirie, de l’hygiène et de l’assainissement ; la gestion des archives, la publication des délibérations du conseil communal et des règlements sont aussi à sa charge.

Dans leur mission, Joël Yenoui, représentant de la secrétaire exécutive d’Abomey-Calavi éclaire qu’après l’étape de recensement des besoins nécessitant une action, le secrétariat « organise une séance d’orientation budgétaire ». Cette séance a pour objectif dit-il, d’éclairer la population sur la ligne budgétaire à affecter à l’action à réaliser. Le représentant du Se d’Abomey-Calavi a assuré le long de sa communication qu’il y a également la reddition de compte. Qui n’est que le bilan financier des activités conduite par le secrétariat auquel il appartient. Par ailleurs, sur la question de l’utilisation du budget citoyen, Joël Yenoui argue que « des kakemonos ont déjà été réalisés ». Avec comme visée, les mettre dans les arrondissements. L’objectif est d’informer les populations sur comment est utilisé le budget citoyen. Par là-même, il assure que prochainement à travers les canaux d’information et de communication, diverses initiatives feront objet de communication.

Conflits d’attribution

Pour prendre le contre-pied de ce qu’a avancé l’autorité exécutive, le représentant de la mairie n’a pas hésité à questionner Joël Yenoui sur ce qu’est le budget citoyen. Celui-ci d’un air inquisitoire s’étonne de l’existence du budget citoyen. Plus loin, il révèle des dysfonctionnements au niveau des dotations pour le bon fonctionnement des conseils locaux et communaux. Depuis cette mandature, cette dotation « n’a jamais été exécutée » se désole Sébastien Dohou.

A comparer les attributions des élus locaux et des Se, une rivalité sans faille est animée des deux côtés. L’affectation de budget pour la réalisation de certaines actions se retrouvent hypothéquée. D’ailleurs, pour prévenir les cas de conflits d’attribution, des dispositifs ont été pris selon l’article 2 du décret n°2022-303 du 25 mai 2022 portant création, attribution, organisation et fonctionnement de la cellule de suivi et de contrôle de la gestion des communes. Ce qui prouve que l’État est conscient de ce que peut engendrer la nouvelle réforme structurelle.

Pour contrer les conflits d’attribution, il est créer une cellule de suivi et de contrôle de la gestion des communes chargée entre autres de « prévenir les cas de conflits d’attribution entre le maire et le secrétaire exécutif de mairie et de veiller au respect des attributions des titulaires des principales fonctions administratives et techniques de la mairie telle que dévolus par les lois, règlements et manuels de procédures. »

Malehossou, leader religieux, participant également à la séance invite à la refondation de la politique de décentralisation en république du Bénin. « Il n’y a pas de décentralisation au Bénin. La décentralisation au Bénin, c’est 0. La mairie, ce sont-eux qui deviennent les chefs d’Etat », lâche-t-il sans langue de bois.

Attentes et Questionnements

Dans « Le secrétaire exécutif et la réforme de la décentralisation au Bénin » Ange Mario Aouga, argumente que l’existence des « démocraties administratives importe à la démocratie politique ». Ce qui sous-entend que la démocratie locale a une empreinte sans faille sur l’ensemble du système politique d’un pays. L’édition « Face au peuple » de cette année a révélé bien des choses en ce sens surtout en matière de considération de la voix de tous. Et de l’élaboration des politiques publiques dans la commune d’Abomey-Calavi. La séance prévue pour une durée de 3 heures a pris fin bien au-delà des 03 heures définies dans le chronogramme de discussions. Ce débat a permis à tous les participants de s’imprégner de comment fonctionne la mairie et du rôle qui incombe aux secrétaires exécutifs en République du Bénin.

Dans la foulée, Yacoubou Moubinatou Djibrila, participante, a émis le souhait d’une prochaine séance de « Face au peuple ». « Je voudrais bien qu’il y ait la tenue d’une autre séance d’activité qui s’inscrit toujours dans la même lancée pour qu’on puisse avoir des échanges plus approfondis » avec les élus va-t-elle ébaucher.

Au nombre des questions plurielles adressées aux panélistes on note : la mairie rentre-t-elle en contact par moment avec les chefs d’arrondissements pour prendre connaissance de la gestion des cantines scolaires ? La plus flagrante a trait à la prolifération des centres de santé non-enregistrés et le non-respect de certaines normes par ces derniers. Des notes de dénonciations ont été adressées au ministère de la santé mais pour l’heure, c’est restée sans réponse. S’offusque une participante et résidente de la commune d’Abomey-Calavi. La question de la voirie et de l’éclairage de certaines zones ont également été abordées. Sans oublier le coût très élevé des logements aux étudiants dans ladite zone.

LIRE AUSSI:

Salamou Céline Omar: « Les femmes doivent participer à la lutte contre le terrorisme »

Lire aussi

Laisser un commentaire

A propos de nous

Bénin Intelligent, média au service d’une Afrique unie et rayonnante. Nous mettons la lumière sur les succès, défis et opportunités du continent.

À la une

Les plus lus

Newsletter

Abonnez-vous à notre newsletter pour être notifié de nos nouveaux articles. Restons informés!