Le terrorisme est une affaire de tous. D’où l’importance d’impliquer et hommes et femmes dans l’élaboration et la mise en œuvre de politique sécuritaire visant à le combattre.
“Le terrorisme surfe sur des inégalités politiques”. L’importance des femmes dans la résolution des conflits de type terroriste fait de plus en plus débat. Au Sahel, tout comme en Afrique de l’Ouest, elles sont les plus exposées face à la menace terroriste. Bien qu’elles soient en effet « au premier plan et constituent les piliers de nos sociétés » comme le pense Ousmane Diagana, vice-président de la Banque mondiale pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre, leurs rôles en période conflictuel suscite réflexion. Sur plus de 500 millions d’habitants que comptent les pays de la sous-région, plus de 50 % sont composées de femmes.
« Les femmes dans les pays du Sahel sont plus nombreuses que les hommes » renchérit Salamou Céline Omar, cheffe de Division Programme et Suivi Évaluation de la Haute Autorité à la Consolidation de la Paix (Hacp) au Niger. Raison de plus pour davantage les impliquer dans les secteurs de sécurité et de la construction de paix. En plus du constat dressé et en dépit de leur vulnérabilité face au phénomène de l’extrémisme violent et du terrorisme, elles « peuvent jouer un rôle crucial dans les politiques de lutte contre le terrorisme de plusieurs manières » prospecte Linda Comlan Sessi, spécialiste Genre – extrémisme violent.
Operations de paix
En plein XXIe siècle, et ce malgré les avancées que connaissent les sociétés, il n’est pas rare de constater que certains secteurs comme celui de la sécurité n’inclut que peu de femme. A titre d’exemple, Degboe Akou Akofa Rose, défenseure des droits de l’Homme, évoque la représentativité féminine au sein de la Force Conjointe du G5 Sahel qui « est quasiment nulle » : cette force ne comptait que 0,35 % de femmes dans l’ensemble de son effectif. Encore que, lorsqu’elles sont présentes, elles n’occupent très souvent que des postes d’appui. Cette situation déplorable, est la résultante des perspectives culturelles et religieuses restrictives dans lesquelles nos sociétés ont évolué avec le patriarcat.
Cet état de choses a pour conséquence de contraindre les femmes à ne pas s’engager pleinement dans la vie politique de nos Etats à plusieurs égards. « Cette configuration sociale ne diffère pas quand on se rapporte à la situation du terrorisme » commente Estelle Djanato, spécialiste en Genre, paix et sécurité.
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Horizons limités
Pour Linda Comlan Sessi, les pesanteurs socio-culturels empiètent sur le rôle qu’elles (les femmes) peuvent jouer dans divers domaines. En réalité, ils « entravent leur pleine implication dans la lutte contre le terrorisme. Aussi, des inégalités s’observent dans divers domaines, tels que l’éducation, l’emploi, la prise de décision, etc. » explicite la Spécialiste Genre- extrémisme violent. Ce n’est pas tout, appuie Lucresse Aguemon, experte en gestion de conflit. Outre les structures de pouvoir patriarcales prédominantes et leurs conséquences, l’experte en gestion des conflits détaille que l’instrumentalisation et la victimisation dont les femmes font l’objet en période de conflit en est pour beaucoup. Ce qui « entrave » la « capacité » des femmes « à participer activement aux processus de paix » prend racine dans les « violences physiques, sexuelles et psychologiques » qu’elles endurent en période de conflictualité.
« La peur des représailles et le manque de sécurité personnelle sont des obstacles majeurs » faisant aussi partie du fait qu’elles soient moins représentatives dans les processus de paix. Néanmoins, il est à noter qu’aujourd’hui, on observe un certain activisme révolutionnant les questions de féminisme. Mieux, il explore davantage le rôle et la responsabilité des femmes dans l’élaboration et la mise en œuvre de politique d’utilité publique. La question du terrorisme n’est pas du reste en raison des défis qui secouent les agendas de développement. Ce qui démontre additionnellement l’importance d’impliquer toutes et tous dans la conceptualisation et l’expérimentation de politiques viables. Il y a à avouer quand-même que l’implication des femmes en matière sécuritaire évolue à pas d’escargots. Pour des raisons supra-évoquées.
Approche inclusive
Le rôle des femmes dans nos sociétés est multidimensionnel et indispensable. Avant tout, « la lutte contre le terrorisme reste une affaire commune » rappelle Estelle Djanato. Nonobstant qu’elles (les femmes) soient les premières victimes des conflits qui éclatent, les femmes constituent un maillon important des acteurs à considérer dans la résolution des conflits. Résolution de conflit signifiant ici une solution durable et satisfaisante dans le contre-terrorisme. Elle désigne et a trait à la prise en compte des facteurs socio-historiques et fluctuants qui participent à l’émergence, l’éclatement et à la naissance des conflits à configuration terroriste.
A prendre en considération le « talent naturel (des femmes) pour favoriser la réconciliation », Salamou Céline Omar, croit qu’elles peuvent-être d’une grande utilité dans le contre-terrorisme. Toutefois, il faut rappeler que les caractéristiques et les compétences selon lesquelles les femmes auraient un talent naturel à promouvoir la paix ne sont pas exclusives qu’aux femmes. Parce que les hommes peuvent aussi les cultiver. Cette conception est de plus en plus usitée pour combattre les stéréotypes de genres. Est-ce vrai ? Lucresse Aguemon réfute cet argumentaire. Pour elle, il n’existe pas de parallélisme à faire entre la contribution que peut apporter les hommes et les femmes dans la lutte contre le terrorisme et l’extrémisme violent. De ce fait, elle articule sa ligne d’argumentation autour d’approches ayant rapport à leur proximité avec la menace. Elles sont les plus représentées dans les communautés.
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Atouts
L’experte en gestion des conflits décrit qu’elles « ont une compréhension plus profonde des dynamiques sociales en tant qu’épouse, mère, femme ou sœur ». Avec ces qualités, leurs implications dans le contre-terrorisme peut permettre non seulement d’identifier mais aussi de dresser les causes sous-jacentes du terrorisme. « Il n’y a qu’une femme pour comprendre et se rendre compte du processus de radicalisation de son fils ou de son conjoint. » expose à cet effet Lucresse Aguemon. A l’opposé des hommes, les femmes disposent d’un sens élevé du détail. C’est le constat fait par Dr Aziz Mossi, Enseignant-Chercheur, spécialiste des questions de Radicalisation, d’extrémisme violent et de terrorisme. Les femmes ont « naturellement le sens de l’observation, le sens du détail » affirme ce dernier. Il analyse aussi que « si une femme rencontre par exemple un djihadiste (quelqu’un appartenant à un groupe terroriste, ndlr) … elle peut savoir que telle personne fait partie de tel groupe. »
Tous partagent l’idée selon laquelle il subsiste une différence dans l’apport que peut apporter les femmes et les hommes dans le contre-terrorisme. Bien que l’implication de toutes et de tous soient nécessaire, il est essentiel de rappeler que la femme dispose de certaine habitude salvatrice. Degboe Akou Akofa Rose abonde dans le même sens. Pour la Défenseure des droits de l’Homme, le plus qu’elles peuvent apporter que les hommes vient de leur expérience de vie au sein de la société. A l’opposer de l’Experte en gestion de conflit, cette dernière propose une approche globale et de perspectives constructivistes à prendre en compte. Avec pour but d’impliquer davantage les femmes dans les processus de résolution de conflits. Dans son approche, elle mentionne qu’elles « peuvent être plus efficaces pour aider les victimes de violence terroriste, notamment les femmes et les enfants ».
Au-delà des perspectives existantes
La participation des femmes dans le contre-terrorisme est cruciale. Surtout dans l’optique d’identifier les signes précurseurs de radicalisations. De même que de renforcer la cohésion sociale et de prévenir à la fois, la radicalisation et le recrutement des jeunes par des organisations terroristes. L’objectif n’est pas que de promouvoir leur participation « dans les fora, les séminaires internationaux sur la paix » juge Salamou Céline Omar. Les impliquer va bien au-delà des simples participations à des conférences.
En prenant appui sur la marge trop élevée de la gent-féminine dans la démographie nigérienne par exemple, cette dernière propose qu’il serait plutôt bénéfique de « leur donner la parole ». Et de permettre à ce qu’elle soit plus représentative au sein des institutions politiques et publiques. A titre illustratif, pour crédibiliser son analyse elle donne l’exemple de l’initiative « Femmes Médiatrices » présente dans quelques localités comme Dosso, Maradi, Zinder et Diffa au Niger. Selon elle, l’initiative couplée d’étude démontre « qu’un programme axé sur l’émancipation des femmes entraine une amélioration des capacités et des prises de responsabilité favorisant le développement de la paix au sein des communautés ».
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Participation
Pour plus de précision et d’éfficacité, Degboe Akou Akofa Rose de sa position de passionnée des droits de l’Homme trouve que « la participation accrue des femmes dans les initiatives de lutte contre le terrorisme au Sahel et en Afrique de l’Ouest peut contribuer à renforcer la sécurité nationale ». C’est-à-dire que les impliquer davantage engendra une construction de paix durable à un niveau plus globale. Eh, oui ! Pour Rose, la contribution des femmes dans la lutte contre le terrorisme et l’extrémisme violent est nécessaire dans l’amélioration des « compréhensions des besoins de la communauté, la collecte de renseignements, la prévention de la radicalisation et la mise en œuvre de politiques et de programmes structurantes ».
La résolution des conflits à configuration terroriste suppose une appréhension plus ou moins exhaustive des péripéties qui entourent le phénomène. Sa mise en œuvre prend en compte l’avant conflit, autrement dit ses signes annonciateurs, puis sa gestion et la période post conflit. Dans ce cas d’espèce, Dr Aziz Mossi, confie qu’en termes de prévention « les femmes jouent un rôle important. Que cela soit lorsqu’il s’agit de sensibilisation et d’éducation des enfants. Dans les localités confrontées au terrorisme dit-il, ce sont surtout les femmes qui éduquent les enfants. Les papas ne sont pas forcément présents pour éduquer. »
Des dires de l’Enseignant, il est clair que du fait du rôle important que joue les femmes dans l’éducation des enfants, elles sont les mieux placées dans la déradicalisation de certains acteurs affiliés aux groupes armés terroristes. Mais elles ne peuvent pleinement jouer ce rôle que si et seulement si elles « ont connaissance des mécanismes de prévention et des discours de persuasion » appuie Dr Aziz Mossi.
Femme et contre-terrorisme
En matière de prévention et de discours de déradicalisation, les femmes peuvent jouer un excellent rôle lorsqu’elles sont impliquées de plus en plus dans les mécanismes de contre-terrorisme. Elles seront plus efficaces que les hommes dans ce sens à cause de leur statut en tant que femme, épouse et mère.En période de conflictualité, elles peuvent beaucoup en termes de renseignement. Cette considération est à prendre avec beaucoup des pincettes, vue quelles sont également des actrices de violences. Cependant, en période de post-conflit, « il est crucial de garantir leur participation significative dans les processus de reconstruction et de réconciliation » objecte Lucresse Aguemon. Cette dernière indique par la présente qu’il faille veiller « à ce que leurs voix soient entendues dans la mise en œuvre des programmes de développement et dans la promotion de la justice transitionnelle ».
La plupart des Etats confrontés au terrorisme dispose à leur actif de politique sur la prise en compte du genre en matière de sécurité. Ce qui empêche leur applicabilité est d’une part l’absence de volonté politique. Et aussi, le monopolisme affiché des hommes sur certaines institutions. Les stratégies globales, et non spécifiques des politiques de contre-terrorisme créent aussi un fossé entre réalité et l’abstrait. Par exemple « vous avez des gens qui promeuvent ces politiques publiques globales dans leurs propres intérêts. » affirme Dr Aziz pour expliquer pourquoi les politiques sécuritaires souhaités sont en déphasages avec ce qu’on aurait voulu. Parce que les politiques sécuritaires en vigueur dans la plupart des pays ouest-africains, rencontre comme difficulté leur difficile applicabilité pour des réponses satisfaisante.
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