Première cause de décès par cancer dans le rang des femmes au Bénin, le cancer du sein touche, selon l’Organisation mondiale de la santé (Oms), des milliers de femmes dans le pays. À l’occasion du 19 octobre, journée mondiale de lutte contre le cancer du sein, un médecin insiste sur le rôle des responsables religieux dans l’éradication du mal.
Par Juste HLANNON
Au Bénin, le cancer du sein est le plus fréquent par rapport à tous les autres cancers chez les femmes, soit 44,3% selon le Plan stratégique de lutte contre les cancers gynécologiques et mammaires au Bénin/Horizon 2019-2023 mis en place par l’État béninois avec l’appui de l’Organisation mondiale de la santé (Oms).
Docteur Eusèbe Metodakou rapporte que selon une étude réalisée au Bénin entre 2014 et 2018 « sur 1302 cas de cancers diagnostiqués, le cancer du sein occupait 42,7% ». Et pire, « parmi ces 42,7%, les femmes de moins de 50 ans étaient les plus représentées ».
Ce médecin béninois exerçant en France qui publiait en 2020 une étude relative à la prévalence de cette pathologie au Bénin, fait remarquer que « si la prévalence du cancer du sein est plus élevée dans les pays occidentaux qu’en Afrique, en revanche, le taux de mortalité y afférent est plus élevé en Afrique qu’en Occident ». Et pour cause, « le diagnostic est souvent tardif en Afrique » et en matière de « moyens thérapeutiques face à ce cancer, on est encore très en retard ».
Les femmes issues de milieux ruraux laissées pour compte ?
Deux hôpitaux catholiques au moins sont engagés dans la lutte contre le cancer du sein au Bénin : l’hôpital La Croix tenu depuis 1974 par les religieux camilliens à Zinvié, au Sud-Bénin, et l’hôpital Saint-Jean-de-Dieu fondé en 1970 à Tanguiéta par l’Ordre hospitalier de Saint-Jean-de-Dieu. Chacun de ces deux hôpitaux dispose d’un service d’oncologie prenant partiellement en charge les femmes touchées par le cancer de sein.
« Ici à l’hôpital La Croix, en consultation gynécologique, nous recevons des femmes souffrant de toutes pathologies confondues et parmi elles, il arrive que nous identifions des cas de cancer du sein » détaille docteur Charmance Guedenon, gynécologue. En présence de symptômes dont « une tuméfaction dure dans le sein, une modification de la peau du sein, un ganglion sous le bras », docteur Guedenon demande à la patiente « une mammographie qui permet de dépister s’il y a une lésion cancéreuse ».
Le diagnostic établi, c’est le service d’oncologie de l’hôpital qui prend le relais. Ici les cas les plus graves sont référés au Centre national hospitalier universitaire de Cotonou. Docteur Metodakou explique que « le moyen thérapeutique disponible actuellement au Bénin, c’est la chimiothérapie mais elle n’est accessible qu’à Cotonou ».
Ainsi, « une femme vivant au fin fond du nord-Bénin qui est atteinte du cancer du sein n’a pas accès à ce traitement puisqu’il faut qu’elle vienne jusqu’à Cotonou pour en bénéficier ». Face à ce dispositif encore embryonnaire dans le pays, le médecin en appelle à l’appui des chefs religieux.
Sensibiliser et orienter vers les soins médicaux
« Les chefs religieux ont un rôle très important à jouer !» tranche docteur Metodakou. Il part du constat que « le Bénin est un pays très religieux » où « les personnes écoutent et obéissent plus facilement à leurs guides religieux ». Aussi situe-t-il l’apport potentiel des chefs religieux dans la lutte contre ce cancer à deux niveaux.
Primo, la sensibilisation. « Les dimanches, même en dehors du mois d’octobre, les prêtres et pasteurs peuvent, chaque fois qu’ils en ont l’occasion, sensibiliser leurs fidèles femmes par rapport à la nécessité de se faire dépister » puisque « plus tôt le cancer est diagnostiqué, plus on a de chance d’en guérir ». Secundo, le médecin exhorte ces responsables religieux à « démystifier ce qu’est le cancer du sein ». Mais pourquoi ?
« Parce que beaucoup de femmes au Bénin pensent que le cancer du sein est causé par des envoûtements ou attaques mystiques ». Ainsi, quand elles en remarquent des symptômes, elles limitent la prise en charge au plan spirituel. Pire, « parfois, elles s’adonnent à des traitements traditionnels, y investissent énormément de l’argent » et ne se rendent à l’hôpital que tardivement.