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Anniversaires de naissance : Des moments symboliques de plus en plus galvaudés

Le jour de naissance est un moment inoubliable que les jeunes ne laissent pas passer inaperçu chaque année. Loin d’un simple souvenir, la célébration des anniversaires donnent lieu à des pratiques extravagantes qui ternissent finalement le symbolisme et le sens qu’ils devraient revêtir.

Par Arnaud TOKPONON (Stag.)

L’anniversaire de naissance a un sens particulier aux yeux des jeunes. Sa célébration est à la mode et draine parents, amis et proches. « Il est nécessaire de célébrer un anniversaire, car il embrasse un ensemble de souvenir et peut être l’occasion de bilans pour mieux avancer ou appréhender l’avenir », cautionne le Père Boris Kpenetoun. C’est une célébration qui s’inscrit dans le dynamisme du progrès. Elle permet, à l’en croire, d’avoir une vision sur le futur. La déconsidérer pourrait engendrer des blocages sur ses propres projets. « Ne pas le faire, peut faire courir le risque de tourner en rond, ne rien envisager, ni construire des projets », ajoute le Père Kpenetoun. Du point de vue social, c’est une occasion de rencontres festives, c’est un moment qui donne une certaine visibilité dans son milieu de vie. Du point de vue religieux, « gratitude et action de grâce » soutient-il. Malheureusement, plusieurs jeunes organisent leurs anniversaires et s‘en tiennent au côté festif. Aucune vision, aucune projection, rien que de la réjouissance et de l’exhibition.
Les anniversaires se célèbrent de nos jours de façon particulière. Il faut prouver à l’heureux que son jour est un moment privilégié et il faut le marquer. Il ne s’agit pas seulement de savourer des gâteaux et des champagnes. « Moi, mes amis m’ont versé de l’eau sur la tête jusqu’à ce que, j’ai fui. Cela m’a permis quand même de passer une journée comblée de joie avec eux », témoigne Léonie Zannou, étudiante. Cette façon de célébrer en versant des liquides sur la tête de l’heureux n’est pas forcément importée. Des indices existent dans la culture endogène, selon le sociologue Aimé Sènon. « Cela ressemble à la manière dont on verse de liqueur sur le Vodun », rapproche-t-il. Mais attention, il n’est pas versé n’importe quels produits. Chaque élément a une signification. « C’est l’expression du vœu. Par exemple le glaçon symbolise la paix (fifa), le plus grand des souhaits. Si c’est un liquide sucré, cela veut dire qu’on a semé de la douceur dans sa vie, puisque c’est un jour très important pour lui, un jour de renaissance. On peut lui verser aussi de la bière pour signifier que sa vie sera pleine de mousse. On ne verse pas n’importe quoi. Si on verse de l’huile, sa vie sera une vie éclatante », décrypte le sociologue. Pendant le versement, chacun prononce ses vœux sur l’heureux. Un geste tout aussi important à ne pas banaliser. « Faut-il le faire avec un esprit sain », insiste Dr Aimé Sonon. Sinon, « il suffit de prononcer une mauvaise parole en versant les liquides et cela gâchera la vie du concerné. On ne dit pas n’importe quoi. Le plus souvent, c’est le matin de bonheur », ajoute-t-il. Derrière la réjouissance, il y a donc le caractère sacré de ce qui paraît amusant pour les jeunes. Leur manque de retenue peut même conduire à des accidents lors de ces occasions. « J’ai même appris qu’un jeune a été tué avec ces agissements. Ils lui ont jeté des sachets de pur water jusqu’à ce qu’il s’évanouisse », témoigne un Père sous anonymat.

Encrage culturel

La culture endogène encourage-t-elle la célébration des anniversaires ? Le sociologue Aimé Sènon répond par l’affirmative. « Les anniversaires sont quand même aux lèvres des valeurs endogènes. L’anniversaire c’est se souvenir de sa naissance. Nous avons cette manière-là de nous souvenir de nos ancêtres, de nos pères, de nos mères », a-t-il indiqué. Certes, les célébrations diffèrent d’un groupe socio-culturel à un autre, mais il y un point commun qui lie tout le monde. Il s’agit de cette manière de se souvenir de quelque chose. En dehors des anniversaires de naissance, illustre-t-il, nos ancêtres avaient leur manière de se souvenir des évènements passés.
Même si les ancêtres n’ont pas eu la chance de fêter les anniversaires comme cela se fait de nos jours, ils l’ont fêté d’une manière ou d’une autre, observe le sociologue. Ils essayaient de trouver des indicateurs sociaux, environnementaux et même politiques pour situer leur année de naissance, car il n’y avait pas la présence d’une administration en ce temps pour enregistrer les actes de naissance. Néanmoins, les anniversaires de décès sont célébrés. « Ils se rappellent toujours. Sans cela, il n’y aurait pas ‘’ahan biba’’, ‘’ka kplékplé’’. C’est surtout des souvenirs qu’on actualise à travers des rituels. Ce sont des souvenirs qu’ils ont des ancêtres » poursuit Aimé Sènon. S’il est donc nécessaire de célébrer son jour de naissance, il faut tout de même bannir l’extravagance au profit de l’élégance et du recueillement.

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