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Annulation du concours du Caf/Cp au Memp « C’est de la mauvaise foi et cela n’est pas bien ››, Anselme Amoussou, Sg Csa-Bénin

Le sujet fait grand bruit depuis le début de l’année 2021. Le ministre des Enseignements maternel et primaire Salimane Karimou par décision n°016/MENP/DC/SGM/CTJ/DAF/DEC/SP du 8 janvier 2021, a annulé le concours probatoire pour l’obtention du Certificat d’aptitude aux fonctions de conseiller pédagogique (Caf/Cp) session d’octobre 2020. L’autorité dénonce les pratiques frauduleuses qui auraient entaché l’organisation de ce concours. Une décision qui n’a pas plu aux lauréats qui n’ont cessé de recourir à des moyens légaux pour se faire entendre. La dernière action en date, est le sit-in organisé au sein de leur ministère de tutelle à Cotonou. Les protestataires ont été reçus à cette occasion par le ministre Salimane Karimou lui-même. L’autorité est restée camper sur sa décision et a interpellé la conscience des enseignants. Une position que ne partagent pas les lauréats qui dénoncent une pratique d’intimidation. Pour le secrétaire général de la Confédération des syndicats autonomes du Bénin (Csa-Bénin) Anselme Amoussou, le ministre est « dans un abus du pouvoir ». Car soutient-il, il n’y a aucune preuve à ce jour, qui atteste que ce concours est émaillé de fraude. Il revient dans cet entretien sur les motivations de leur combat et leur attente du ministre.

Propos recueillis par Raymond FALADE

Bénin Intelligent : Bonjour Sg. Les enseignants lauréats du concours probatoire pour l’obtention du Certificat d’aptitude aux Fonctions de conseiller pédagogique (Caf/Cp) de 2020 annulé, ont tenu hier un sit-in au sein de leur ministère de tutelle. C’est quoi l’objectif ?

Sg Anselme Amoussou : Les lauréats au concours probatoire de l’année 2020 étaient en sit-in dans la journée d’hier parce que, ils ont épuisé toutes les autres voies de recours pour discuter, pour faire comprendre à l’autorité ministérielle qu’elle était dans le mauvais rôle. Donc après avoir épuisé toutes les voies de recours, je pense qu’il était raisonnable et logique pour les camarades de pouvoir manifester et dire à l’autorité que plus rien ne se fera comme avant, que nous sommes aujourd’hui dans un abus de pouvoir et que cet abus de pouvoir doit s’arrêter. Donc, le sit-in était pour protester contre la gestion que le ministre est en train de faire de cette situation d’annulation des résultats du concours. Le sit-in était également pour protester contre les manœuvres d’intimidation du ministre vis-à-vis de ses camarades et le refus du dialogue social, le refus de discuter, le refus d’échanger ; disons un peu, cette attitude de dilatoire et de mépris que le ministre affiche vis-à-vis des lauréats qui ne demandent que la vérité. Ce sit-in, ce n’était pas uniquement pour être rétabli dans leur droit. C’était pour demander avant tout que le ministre puisse laisser la vérité se faire jour dans un dossier qui est de plus en plus nébuleux où on ne comprend pas la décision que le ministre a prise parce que cette décision n’est basée sur rien du tout. Les camarades qui étaient en sit-in ont eu le soutien des organisations syndicales que nous sommes pour aller leur dire, voilà vous êtes dans la bonne voie et ce combat là, vous devez le mener jusqu’au bout et nous sommes prêts à vous accompagner pour réussir.

Le ministre des Enseignements maternel et primaire dans sa décision d’annulation dudit concours, a évoqué des pratiques frauduleuses dans son organisation. Qu’en dites-vous ?

Vous savez, hier nous avons posé une seule question au ministre ; et allez vous renseigner, vous apprendrez qu’il n’a pas de réponse. Et c’est la même question qui revient. Ce que le ministre a dit voilà la question à laquelle il doit répondre et qu’il essaye d’éviter tout le temps. Qui sont les fraudeurs ? Quel est le type de fraude ? Quels sont les éléments qui attestent qu’il y a eu fraude ? A cette question, le ministre n’a aucune réponse. Hier, le ministre a fait de la rhétorique. De la rhétorique complètement inutile et futile. Le ministre a passé son temps à diaboliser des camarades qui ne demandent que justice. Donc, quand vous parlez normalement de fraude dans un concours, vous apportez les preuves qu’il y a fraude. Nous sommes au Bénin et l’histoire récente et très récente d’un gouvernement montre quand-même la pratique en la matière. La pratique c’est ce qui a été fait au ministère de l’Enseignement secondaire. On a dit qu’il y avait fraude. On a identifié le type de fraude. On a identifié les auteurs de la fraude. On a annulé le concours. On a appliqué des sanctions administratives aux auteurs de la fraude et on les a traduits en justice. Ils ont été condamnés et ils sont en prison. Voilà ce qui doit se faire.
Ce qui doit se faire et je le rappelle aussi, c’est ce qui a été fait lorsque le gouvernement a organisé des concours de recrutement des magistrats. On a vu des gens tenter de faire la fraude. On a soupçonné que le réseau était un réseau qui remontait plus loin. Le concours a été annulé. Les auteurs de la fraude ont été condamnés. Les commanditaires qui sont des autorités au niveau administratif ou au niveau ministériel ont été limogés. Donc, on a bien vu qu’il y avait des fraudeurs et des tentateurs de fraude et on a vu également que l’administration publique a pris les sanctions et que la justice s’est saisie du dossier. Voilà ce que nous demandons au ministre. Alors, la bonne question aujourd’hui, c’est monsieur le ministre, où sont les sanctions que vous avez appliquées et à quels auteurs avez-vous appliqué ces sanctions ? Il vous dira qu’il n’y a personne. Est-ce que vous pensez que dans une république normale où on professe la vertu, il est normal que le ministre prenne une décision d’annulation d’un résultat de concours en faisant fi des dépenses publiques, des dépenses individuelles des citoyens, de la notoriété de la réputation des lauréats ? Que le ministre décide sans tenir compte de ces aspects-là, d’annuler et dise, moi j’ai des informations qu’il y a eu fraude, mais les informations, je ne veux pas les mettre à la disposition de personne, vous trouvez que c’est normal ? Donc la réponse du ministre hier, c’était de la rhétorique, c’était des réflexions philosophiques de quelqu’un qui sait très bien qu’il est dans un abus de pouvoir et qu’il n’a pas les bonnes réponses, les réponses utiles et qui s’est contenté de faire ce que nous pensions être fini dans notre pays, de faire simplement de l’intimidation.

A en croire le ministre, deux commissions avaient été mises sur pied pour travailler sur la nécessité ou non d’annuler ce concours. A travers des rapports, cette décision a été entérinée. Les enseignants n’ont-ils pas été associés ?

Les enseignants n’ont pas besoin d’être associés à une commission d’enquête puisque la commission d’enquête est sensée découvrir ce qu’ils auraient commis comme fraude ou comme faute. Mais demandez au ministre, les deux commissions d’enquête n’ont trouvé aucun élément de preuves de la fraude. Nous avons assisté à une séance où le ministre a donné la parole aux deux présidents des deux commissions. Et toute l’assistance, toute la salle, a reconnu qu’il n’y avait aucun élément pouvant fonder la décision du ministre. Mais curieusement, le ministre fait obligation à ces commissions d’appuyer sa décision et sa volonté à lui seul d’annuler le concours. Voilà ce qui s’est passé. Demandez, est-ce qu’un ministre peut-il dire publiquement que les gens ont donné un million pour réussir ? Un ministre peut-il affirmer devant micro et caméra que des gens ont reçu un million pour manipuler les résultats d’un concours et ne pas prendre des sanctions, et ne pas désigner de qui fauteur et de les envoyer devant la justice. Vous trouvez que c’est sérieux ? Donc, le ministre parle de deux commissions. Deux commissions qu’il a mises sur pied et qui certainement, il a fait pression pour obtenir ce qu’il voulait comme résultat mais qui malheureusement n’ont pas pu réunir les preuves suffisantes pour appuyer cela. Le ministre dit simplement qu’il y a eu recorrection des copies et qu’il y a des écarts. Mais nous parlons ici de productions intellectuelles, nous parlons de dissertation pédagogique. Ce n’est pas une science exacte. Vous pensez que deux correcteurs peuvent avoir exactement la même appréciation d’une copie. Et nous parlons de quels écarts ? Des écarts de 0,5, des écarts de 1 point, de 2 points. Est-ce que ça suffit pour dire que on a la preuve que les gens ont fraudé ? Et même si c’était le cas, si on avait les éléments, pourquoi la recorrection n’a pas donné les résultats sur la base de laquelle on proclame à nouveau un résultat officiel. Nous sommes dans le dilatoire, dans le déni de la justice.

Les secrétaires généraux des Confédérations syndicales ont rencontré, vendredi 4 juin dernier le ministre Salimane Karimou. Qu’est-ce qui a été décidé à cette occasion ?

A la rencontre avec le ministre, nous étions trois confédérations avec les syndicats de base du secteur. A cette rencontre, demandez le compte-rendu, vous remarquerez que tous les syndicats présents ont fait remarquer au ministre que les éléments qu’il proposait ne valaient rien du tout et qu’il fallait qu’il revienne sur sa décision d’annulation. C’est ce qui s’est passé. C’est ce qui a été retenu à cette séance. Mais le ministre en fait fit parce que c’est lui qui décide comme un roi dans un royaume, qui décide de tout en dépit de la justice, en dépit des procédures, en dépit du respect de l’interlocuteur.

Selon le ministre, il existe plusieurs voies de recours. Pensez-vous saisir la justice pour vous faire entendre ?

(Rire) Est-ce qu’il revient au ministre de nous indiquer les voies ? C’est toi qui commets une faute. Nous protestons et tu nous dis la manière dont nous devons protester, dont nous devons te dénoncer. Cela n’a pas de sens. Et je dois dire que les syndicats n’ont pas attendu le ministre pour faire les recours. Les recours sont en cours. Mais les recours n’empêchent pas l’action syndicale, d’un sit-in, d’un mouvement de protestation, d’une manifestation publique pour dire non à ce qui se passe là aujourd’hui. C’est ce que nous avons fait. Alors, pourquoi nous parle-t-on de recours ? Parce qu’ils savent que les recours vont prendre du temps, que nous allons perdre du temps et que le ministre aura fini de faire ces dégâts et de se retirer dans son village pour jouir de sa retraite. Ce n’est pas normal. Et donc, toutes les voies que nous sommes en train d’utiliser aujourd’hui sont des voies syndicales. Nous sommes dans l’action syndicale classique et nous sommes dans le recours institutionnel. Nous le faisons déjà.

Que reprochez-vous concrètement aux autorités ?

Ce que nous reprochons aux autorités, c’est deux poids deux mesures. La manière dont on a traité le dossier au niveau du ministère de l’Enseignement secondaire, on a qu’à le faire de la même manière au niveau de l’enseignement primaire. Ce que nous dénonçons, c’est l’attitude de l’abus du ministre. Ce n’est pas normal. Nous sommes des citoyens. Je pense que la presse devrait accompagner ce mouvement. Ce que nous demandons au ministre, ce n’est pas qu’il rétablisse les lauréats si le concours est frauduleux. Ce que nous lui demandons simplement en tant qu’autorité, c’est qu’il laisse la vérité faire jour. C’est qu’il nous permette de dire oui il y a eu fraude, voici les auteurs. Donc, nous renonçons à notre admissibilité et nous allons préparer le concours de 2021. C’est cela que nous lui demandons. Pas autre chose.

Le ministre interpelle désormais la conscience des protestataires. Quelle est votre réaction par rapport à cela ?

Le syndicaliste que je suis, interpelle la conscience du ministre. J’interpelle profondément et solennellement sa conscience pour qu’il se demande quand sa tête sera sous le bridon ou sur son oreiller, qu’il se demande est-ce qu’il est en train d’agir comme une autorité investie de la puissance républicaine. Est-ce qu’il agit vraiment en regardant les citoyens, les travailleurs qu’il doit gérer ou bien il est dans un règlement de comptes. Nous interpellons vraiment la conscience du ministre. Ce n’est pas à lui d’interpeller la conscience des camarades. Les camarades ont interpellé leur conscience et savent très bien ce qui se passe. Si vous avez un fraudeur, sortez le fraudeur, annulez le concours, le fraudeur est puni et l’affaire est close. Tant qu’il n’y a pas de coupable, le seul coupable c’est le ministre qui est dans un abus de pouvoir.

Le ministre a dit que les lauréats de ce concours se sont inscrits à nouveau pour la session 2021. Ce faisant, les enseignants ne cautionnent-ils pas cette annulation ?

Non. Pas du tout. Au contraire, s’aurait été stupide de leur part de ne pas se présenter à ce concours de 2021 pour la simple raison que si le ministre leur apporte les preuves qu’il y a eu effectivement fraude et qu’il y a les sanctions. Ils doivent aller au concours de 2021. Donc, il y avait une date butoir. Quand vous êtes dans un combat, vous le faites de façon intelligente. Il y avait une date butoir. Raison pour laquelle, nous avons recommandé aux camarades d’aller se présenter pour le concours 2021 pour ne pas perdre l’avantage d’être candidat au cas où la décision d’annulation serait confirmée. Cela ne les empêche pas de continuer leur combat. C’est un combat auquel ils croient. Donc, cela n’a rien à avoir avec ce que dit le ministre. Le ministre a voulu utiliser cela comme un élément de discours contre les lauréats et c’est très mauvais. C’est de la mauvaise foi et cela n’est pas bien.

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