Hier combattu et assimilé au diable par les missionnaires, le Vodun est de plus en plus objet de grande attraction de la part des Blancs qui se font même initier dans les couvents parfois contre de l’argent. Comment expliquer ce phénomène ? Regain d’intérêt des occidentaux pour le Vodun : repentance ou espionnage ? Augustin Amadoudji, doctorant en sociologie-anthropologie des religions et géographie culturelle décrypte le sujet. Interview exclusive.
Propos recueillis par Gloria Mingnissè AGOSSOU
Bénin Intelligent : Comment expliquez-vous la grande curiosité des blancs sur le Vodun aujourd’hui ?
Augustin Amadoudji : La grande curiosité des Blancs sur le Vodun s’explique par le fait que la plupart d’eux sont à la quête de leur identité culturelle ‘’perdue’’. Ceux-là que nous rencontrons dans les lieux de Vodun sont pour la plupart des descendants d’esclaves qui ont une histoire avec les pays du golfe de Guinée. En s’intéressant au Vodun, ils cherchent à renouer avec leur identité véritable, celle de leurs aïeux. C’est en quelque sorte un retour à la source des croyances ancestrale et religieuse des ancêtres.
Faut-il saluer cette ruée vers le Vodun ou s’en méfier ?
Dans toutes les cultures, il y a toujours des pratiques de visite et les visitant ont toujours un lien avec l’histoire liée au lieu. Ainsi, tous ceux qui se réclament du Benin, qui se retrouvent ailleurs et se sentent concernés par ses rites peuvent évidemment venir passer un moment de spiritualité, de fête avec leurs frères et sœurs. On n’a aucune raison de se méfier d’une quelconque ruée, vu que les Blancs n’ont pas accès aux couvents. On ne saurait leur interdire de venir observer nos pratiques ancestrales.
Hormis les afro-descendants, peut-on craindre des espions tapis dans le lot de ces expatriés européens qui se présentent souvent comme touristes ?
Il n’y a aucune crainte. Les lieux de Vodun sont sacrés et ne sont pas autorisés aux non-initiés. C’est un espace où on ne vient pas se distraire et s’amuser, ce qui est tout le contraire du touriste. Considérant cela, il n’y a rien à craindre.
Mais nombreux parmi eux sont même initiés au Vodun. Ils ont parfois plus de facilité que les autochtones pour accéder à certains secrets. Certains prédisent qu’ils finiront par tout voler au point que d’ici quelques années les Béninois paieront cher pour aller voir ou jouir du Vodun en Occident. Est-ce là aussi votre crainte ?
Non, je n’ai aucune crainte. Mais ce qu’il y a lieu de faire pour éviter cela, c’est que les dirigeants prennent des dispositions à l’interne pour sécuriser suffisamment les lieux de Vodun. Les dirigeants doivent savoir ce qu’il faut montrer et ce qu’il ne faut pas montrer. II faut trouver le juste milieu.
Selon vous, y a-t-il des inconvénients à l’initiation des Blancs au Vodun ?
Le Vodun est une croyance ancestrale. Convenez alors avec moi qu’un Blanc ne saurait être initié au Vodun Jowamon vu que c’est un héritage ancestral, au Tovodun Ninsouhoué Zomadonou car c’est un ancêtre familial. De ce fait, il y a des Vodun qu’on peut partager et d’autres non. Il faut une catégorisation des Vodun. Donner un Vodun à un touriste peut avoir des inconvénients mais s’il est venu pour s’enraciner dans les méandres de la culture béninoise, il n’y a aucun inconvénient.
Faut-il imposer des limites dans l’accueil des étrangers dans l’univers du Vodun ?
Dans le Vodun, il y a des limites. Il y a des étapes que tout le monde peut atteindre mais, il y a des aspects que le commun des mortels non-initiés ne peut jamais voir. Il y a des limites pour les autochtones, ce n’est pas pour les Blancs que ce serait autrement.
Que dire des prêtes du Vodun qui initient sans contrôle les Blancs souvent contre de l’argent ?
Il faut craindre les prêtres qui initient sans contrôle les Blancs au Vodun contre de l’argent. Ils sont pour la plupart des faux prêtres du Vodun qui fabriquent du faux pour ternir l’image du Vodun. Ils fabriquent n’importe quoi pour le vendre à n’importe qui pour quelques euros et millions de francs. C’est alors important que les dignitaires se sensibilisent entre eux pour maintenir ce que les ancêtres leur ont légué.
Qu’arriverait-il si un jour, en plus des bombes et armes sophistiquées, les militaires français peuvent aussi proférer des ‘’gbesisa (incantations) à l’instar de Gbèhanzin ?
Nous ne sommes pas dans le secret des dieux donc nous ne savons pas ce qui arrivera demain. Mais nous devons tout faire pour que cela n’arrive pas. Ne parlons pas en termes de condition, prenons les dispositions pour que ça ne nous arrive pas. Soyons dans la prospective stratégique.
L’argument que les Boo, Vodun, Assin, parements, masques illicitement sortis du pays perdent leur sacralité lorsque l’environnement change, est-ce valable ?
Si les ingrédients qui servent à sacraliser un objet se retrouvent dans un milieu, je pense que ça peut fonctionner puisque le Vodun ne peut pas être raciste. Ce sont les individus qui sont racistes. Quand les conditions sont réunies, l’énergie du Vodun peut se dégager. Le Vodun est Vodun lorsqu’il est régulièrement pratiqué et quand les sacrifices sont faits.